Le 30 novembre, s’ouvre pour deux semaines la 21e conférence des Nations unies sur le climat, qui réunira 195 Etats pendant deux semaines à Paris, sur le site du Bourget. Objectif : adopter un accord universel, ambitieux et contraignant qui organisera la lutte mondiale contre les changements climatiques à partir de 2020.

Au regard des engagements climatique publiés par les Etats depuis mars 2015, l’enjeu de la COP21 est désormais d’adopter un accord international qui permette de rectifier le tir, pour passer d’un risque de réchauffement planétaire de près de 3°C d’ici la fin du siècle, à une trajectoire limitant le réchauffement bien en deçà de 2°C, limite fixée par la communauté internationale en 2011.

Pour le Réseau Action Climat, l’accord de Paris peut créer les mécanismes et des rouages qui aideront à planifier et accompagner une transition mondiale et solidaire, nous faisant passer des énergies sales aux énergies renouvelables, de sociétés vulnérables à des sociétés résilientes. L’accord devra permettre de renforcer les engagements climatiques des pays et de s’assurer que les financements soient au rendez-vous pour appuyer les Etats les plus démunis face à la crise climatique. L’accord devra aussi fixer un cap énergétique à horizon 2050 pour l’ensemble de la planète, en fonction des données scientifiques.

Mais nous savons déjà que cet accord, certes indispensable, sera insuffisant tant que les Etats continueront de soutenir en parallèle des modèles économiques climaticides. Dans ce contexte, l’accord de Paris doit constituer un plancher, un levier et un outil qui impulse partout dans le monde une réorientation des investissements, des choix politiques et économiques et ce, dès aujourd’hui, sans attendre l’entrée en vigueur de l’accord.

80% de nos réserves connues en pétrole, gaz et charbon devront rester dans les sous-sols pour se donner une véritable chance de rester en deçà de 2°C. Pourtant, le projet d’accord, ne mentionne ni « énergie fossile », ni celle d’«énergie renouvelable ».

100% : C’est l’objectif qu’il faudrait atteindre en matière d’énergies renouvelables à horizon 2050, de solidarité nord-sud, de sécurité alimentaire, de respect des droits humains et de nombre de citoyens mobilisés pour une transition écologique universelle.

0,85°C : C’est le niveau de réchauffement qui touche déjà la planète avec des conséquences dévastatrices : l’insécurité alimentaire augmente, l’instabilités régionales et les déplacements de populations aussi car
le changement climatique détruit déjà les récoltes, les familles et creuse les inégalités entre nord et sud, entre riches et pauvres.

228 000 : C’est le nombre de mots dans le projet d’accord pour Paris et pour lequel la question n’est plus de savoir s’il sera adopté mais s’il sera à la hauteur du défi climatique. A Paris, les Etats ne peuvent plus se permettre d’adopter, une fois encore,
un accord a minima, qui laisserait
les pollueurs polluer et les plus pauvres et plus vulnérables en payer le prix fort.

“Passer d’un risque de réchauffement planétaire de 3°C ou plus, à une transition énergétique et écologique mondiale juste et équitable, qui limite le réchauffement à moins de 2C°.”

Un accord, oui, mais lequel ?

La question n’est plus de savoir si la COP21 permettra l’adoption d’un accord universel, mais de savoir si cet accord sera à la hauteur du défi climatique. D’après le GIEC, nous n’avons plus le temps : il ne reste que quelques années pour agir et ainsi éviter un déraillement de la machine climatique, qui aurait des conséquences irréversibles, imprévisibles sur l’humanité. Le monde ne peut plus se permettre d’adopter un autre accord à minima, qui laisse les pollueurs continuer à polluer en toute impunité, et qui force les plus pauvres à en payer le prix fort.

Les efforts déjà consentis par les États avant la COP21 placent la planète sur une trajectoire de réchauffement de 3°C environ d’ici à la fin du siècle (par rapport à l’ère préindustrielle). Soit bien au-delà de la limite de 2°C que s’est fixée la communauté internationale. Et au-delà de ce que les populations, en particulier les vulnérables, pourront supporter. D’après un rapport de l’Onu, il reste plus de la moitié du chemin à parcourir pour rejoindre un mode de développement qui limiterait le réchauffement de la planète à moins de 2°C.
Organiser la révolution énergétique et écologique mondiale

Concrètement, cela suppose une révolution énergétique ainsi qu’une transformation systémique de nos modes de production et de consommation.
Pour avoir une chance élevée de tenir la limite de 2°C, le monde doit cesser de brûler des combustibles fossiles à horizon 2050, et laisser au moins 2/3 des réserves connues en pétrole, gaz et charbon dans le sol (d’après l’Agence Internationale de l’Énergie). Pour y parvenir, il faut amorcer une transition dès maintenant, qui nous fera passer d’une économie reposant à 70% sur les combustibles fossiles à un monde alimenté à 100% par les énergies renouvelables (comme l’éolien, le solaire photovoltaïque, la biomasse, etc.). Un monde également plus sobre et efficace dans sa consommation d’énergie.

Heureusement, les solutions existent : énergies renouvelables, efficacité et sobriété énergétiques, agro-écologie, transports en commun, vélo, épargne responsable… Autant de solutions créatrices d’emplois, vecteurs de lutte contre la précarité énergétique et sociale. En 2014, près de 60% des nouvelles centrales électriques installées dans le monde reposaient sur des énergies renouvelables. Ces dernières représentent plus de 20% de l’électricité produite dans le monde. Et depuis 2010, les investissements financiers dans ces énergies sont quinze fois plus importants que dans le nucléaire.

Ce qui fait surtout défaut aujourd’hui, c’est la volonté politique de soutenir, de décupler et de financer ces solutions. Les décideurs politiques sont encore loin d’avoir tourné le dos aux lobbies, qui défendent leurs pratiques polluantes et leurs “fausses solutions”. D’ailleurs, sur les plus de 28 000 mots que contient le projet d’accord, le mot “énergie” n’apparaît pas. C’est comme parler du tabac à l’Organisation mondiale de la santé, sans mentionner le mot « cigarette ».

Il est déjà clair qu’un unique accord mondial ne suffira pas à réaliser cette transformation profonde de l’économie mondiale. Pour autant, le futur accord sur le climat aura un rôle essentiel : fixer des grandes orientations aux gouvernements et permettre de rectifier le tir. Il faut le voir comme une boîte à outils, un levier, pour impulser et encadrer cette transition juste et bénéfique pour les populations et pour le climat. En particulier, l’accord mondial doit fixer un cap commun pour la planète : sortir des énergies fossiles d’ici 2050.

Accélérer la tendance actuelle

Les États devront accroître régulièrement leurs engagements climatiques, à commencer par ceux qui sont déjà sur la table. Ceux-ci devront être revus à la hausse avant 2018. L’accord international signé à Paris devra également contenir un mécanisme amenant tous les Etats accélèreront leurs efforts. Ce mécanisme, pour être efficace, devra donner rendez-vous aux Etats tous les cinq ans pour prendre de nouveaux engagements ; et examiner ce que chaque pays propose. Il devra également mobiliser les financements dont les nations pauvres ont besoin pour sauter la case pollution, et garantir la transparence sur l’action de tous les Etats.

Assurer l’équité et la solidarité entre riches et pauvres

L’accord mondial qui sera signé à Paris devra garantir la justice climatique et protéger les plus vulnérables. Il doit permettre de renforcer la solidarité entre riches et pauvres, entre pollueurs et personnes touchées par la pollution. Les pays et populations les plus pauvres et les plus vulnérables subissent déjà de plein fouet les impacts dramatiques des changements climatiques. Même si nous parvenons à stabiliser le réchauffement climatique en deçà de 2°C, ils continueront à subir des pertes et économiques et humaines dramatiques et bien souvent irréversibles, alors qu’ils ne sont pas responsables de ce phénomène. L’accord de Paris doit offrir à ces populations l’assurance qu’ils auront les moyens d’y faire face, notamment sous la forme de financements publics et de dons prévisibles.
L’accord devra aussi permettre aux États les plus démunis de prendre part à la transforma- tion énergétique et écologique mondiale. Cette transition a un coût, que les pays les plus pauvres ne pourront endosser seuls.

Exclure les fausses solutions

La COP21 est utilisée par de nombreux acteurs pour promouvoir de fausses solutions, au nom de l’urgence climatique. Ils le font notamment au travers du mécénat de la Conférence et/ou de « l’Agenda de l’action Lima-Paris », porté par la présidence française de la COP21 et qui sera adossé à l’accord de Paris. Or, cet Agenda doit permettre, non pas le « greenwashing » de toutes les entreprises polluantes, mais la mise en valeur des meilleures initiatives de transition énergétique. Il doit ainsi refléter la capacité de tous, en particulier des acteurs non étatiques, à répondre efficacement et collectivement à l’urgence climatique, tout tenant compte des impacts sociaux, économiques et environnementaux de leurs actions. La nécessité de faire le tri entre fausses initiatives et vraies solutions, réellement alignées sur l’impératif des 2°C, est primordiale avant de se poser la question de la possible institutionnalisation de cet agenda.

Créer de la cohérence dans l’action des États

De nombreux choix économiques et politiques continuent de contredire directement les efforts en matière de changements climatiques. Les États, les banques et les investisseurs continuent d’injecter des centaines de milliards d’euros chaque année pour soutenir un modèle économique extractiviste, pollueur, qui réchauffe la planète et nous amène droit dans le mur. En parallèle, ces États, dont la France, apportent un soutien public trop frileux aux énergies renouvelables. La COP21 doit marquer un tournant à cet égard : les gouvernements doivent devenir cohérents dans leur action publique pour vraiment prendre le virage de la transition.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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