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Alors qu’on commémore deux guerres, le centenaire du début de 14-18 et le débarquement en 1944, et qu’une autre guerre qui ne dit pas son nom se déroule sur le sol Ukrainien, nous ne devons pas oublier qu ‘il y a 20 ans, une autre guerre, en ex-Yougoslavie, a fait plus de 160 000 morts et que des crimes de guerre massifs ont été commis à cette époque au cœur de l’Europe. Le Tribunal Pénal international sur l’ex-Yougoslavie,chargé de juger les criminels, connaît d’importants retards dans l’achèvement de son mandat.
Dans un Rapport sur la stratégie d’achèvement des travaux, le Procureur Serge Brammertz fait le point, devant le Conseil de sécurité. Un bilan en demie-teinte.

Le Procureur Serge Brammertz s’est exprimé le 5 juin 2014 devant le Conseil de sécurité pour présenter le 21e rapport du Bureau du Procureur sur les progrès accomplis dans l’achèvement de son mandat. Il a fait le point sur l’état d’avancement des procès en première instance et en appel, la coopération entre son bureau et les pays de l’ex Yougoslavie et la mise en œuvre de la Stratégie nationale sur les crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine. Le Procureur a également évoqué les efforts déployés par son bureau pour diffuser l’expérience acquise ces vingt-et-une dernières années en matière d’enquêtes et de poursuites des crimes internationaux, notamment en ce qui concerne les violences sexuelles.

Pour commencer, le Procureur a déclaré que, comme il l’avait annoncé dans sa dernière allocution en décembre, « l’Accusation a[vait] clos la présentation de ses moyens dans tous les derniers procès en première instance au cours de la période considérée ». Dans l’affaire Karadžić, les parties préparent actuellement leurs mémoires en clôture respectifs, et les plaidoiries et le réquisitoire sont prévus pour fin août et septembre. La présentation des moyens à décharge a commencé le 19 mai dans l’affaire Mladić et elle s’ouvrira le 3 juillet dans l’affaire Hadžić. Le prononcé du jugement dans l’affaire Šešelj est encore en suspens. La Division des appels est actuellement en charge de cinq affaires.

Évoquant la jurisprudence, le Procureur a signalé deux précédents juridiques, « dont la portée est positive et importante pour le Tribunal comme pour le droit pénal international ». Ces précédents ont été établis par les arrêts rendus dans les affaires Šainović et consorts et Ɖorđević. Premièrement, dans ces deux affaires, la Chambre d’appel « a consolidé les bases de la mise en œuvre de la responsabilité du supérieur hiérarchique pour les violences sexuelles commises dans le cadre d’une violente campagne criminelle ». Deuxièmement, dans l’affaire Šainović et consorts, la Chambre d’appel a confirmé que le fait de « viser précisément » n’était pas un élément requis pour établir l’aide et l’encouragement, ramenant ainsi la jurisprudence du Tribunal dans le droit fil du droit international.

Au sujet de la coopération entre le Bureau du Procureur et les pays de l’ex Yougoslavie, le Procureur a déclaré que les échanges se poursuivaient sans heurts et que la Serbie, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine avaient bien répondu aux demandes d’assistance de son bureau et facilité son travail dans les derniers procès en première instance et en appel.

Toutefois, s’agissant de la mise en œuvre de la Stratégie nationale sur les crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine, le Prde nocureur a déclaré que « le tableau [était] bien sombre ». Il a signalé en particulier que « très peu de progrès [avaient] été réalisés dans les affaires de catégorie 2 ». Et d’ajouter que la dernière affaire de ce type avait été transmise aux autorités de Bosnie-Herzégovine en 2009 et qu’« un seul acte d’accusation a[vait] été établi concernant ces dossiers d’enquête pendant la période considérée, sept autres étant encore en instance sans qu’aucun progrès tangible n’ait été fait ».

En termes plus généraux, le Procureur a déclaré que la Stratégie nationale sur les crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine « conn[aissait] d’importants retards et [que] de nombreuses affaires d[evaient] encore être traitées ». Il a souligné le fait que « des mesures sérieuses d[evaient] être prises afin de clore toutes ces affaires d’ici à l’échéance de 2023 ». Le Procureur a dit que les retards ne s’expliquaient pas « seulement par le manque de ressources », mais reflétaient le fait que « les institutions compétentes [étaient] peu enclines à faire des enquêtes ou des poursuites pour crimes de guerre une priorité ».

Évoquant l’expérience de son bureau concernant « [l]es enquêtes et [l]es poursuites engagées contre les auteurs de violences sexuelles », le Procureur a déclaré que son bureau « [était] en train de finaliser la première édition d’un rapport qui recense [ses] meilleures pratiques et les enseignements tirés » des enquêtes et des poursuites en matière de violences sexuelles qui ont été « terriblement nombreuses pendant le conflit en ex Yougoslavie ». Il a signalé que bon nombre de ces crimes « rest[aient] impunis » et a ajouté que « les violences sexuelles à grande échelle continu[ai]ent de caractériser les conflits qui font rage dans le monde entier ».

Le Procureur Serge Brammertz a conclu en examinant les pratiques élaborées et les enseignements tirés par son bureau ces vingt-et-une dernières années et a déclaré que « de nombreuses parties intéressées cherch[aient] de plus en plus à consulter ces informations » et que son bureau s’« engage[ait] à les partager ». Le Procureur a affirmé qu’il « continuer[ait] à encourager les autorités nationales, en particulier en Bosnie Herzégovine, à tirer pleinement avantage des ressources disponibles au sein de [son] bureau afin de veiller à ce que les crimes commis ne restent pas impunis ».