
Vive le parlement européen !
DĂ©fendre le Parlement europĂ©en est aujourd’hui un enjeu essentiel pour redonner au projet europĂ©en un nouveau souffle.
C’est sĂ»r, il n’est pas de bon ton pour un mĂ©dia comme Place Publique qui a vocation d’être un contrepouvoir de fĂ©liciter une reprĂ©sentation Ă©lue. Nous mesurons le caractère incongru, aux yeux de certains de nos amis, d’attribuer un satisfecit si direct Ă une assemblĂ©e souvent moquĂ©e, parfois dĂ©criĂ©e: le Parlement europĂ©en. Surtout dans le climat eurosceptique prĂ©gnant que certains responsables politiques de gauche, comme de droite, s’emploient Ă obscurcir.
Pourtant, nulle hésitation. L’Europe a besoin d’être défendue. Nombre d’initiatives prises par l’UE ont rendu notre vie commune plus agréable, plus efficace, plus mobile et finalement plus citoyenne. Mais, les progrès accomplis sont rarement reconnus tant ils sont rentrés dans nos habitudes. Une chose est sûre : le Parlement européen joue un rôle capital pour la démocratie en Europe et la défense de la citoyenneté. Il est bon de le rappeler et lui rendre cet hommage avec humilité.
Car en fin de compte, l’histoire du Parlement européen est unique en son genre. Il représente la seule assemblée internationale au monde à être élue au suffrage universel direct par l’ensemble des citoyens qui composent l’UE. Le Parlement européen vote des lois qui sont applicables dans les 27 Etats membres de l’Union européenne (UE). Il constitue la seule institution qui a vu ses pouvoirs augmenter au fil des traités. En outre, il a le dernier mot sur le budget annuel de l’UE.
Le Parlement européen: un contrepouvoir?
Le parlement europĂ©en joue aussi le rĂ´le d’un contrepouvoir., comme le montre un vote important, voilĂ quelques annĂ©es, au sujet du budget pluriannuel de l’Union EuropĂ©enne, pour la pĂ©riode 2014-2020, auquel Ă©taient parvenus les chefs d’Etat et de gouvernement. Pour la première fois de son Histoire, le budget de l’Union EuropĂ©enne prĂ©voyait d’être en baisse : 960 Milliards € sur 7 ans, contre 975 Milliards € pour le budget de 2007-2013. Par cette rĂ©solution marquant sa dĂ©fiance, le refus cinglant et massif des eurodĂ©putĂ©s par 506 voix “contre” et 161 “pour”, a tĂ©moignĂ© qu’au-delĂ des partis, le Parlement a pu et su dĂ©fendre l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral europĂ©en face Ă des chefs d’état et de gouvernement.
Cet exemple de droit de veto montre bien que si le Parlement n’est pas d’accord avec un texte proposé par la Commission et soutenu par le Conseil des ministres, le texte n’est pas adopté. “De plus en plus de textes relèvent de ce processus de co-décision tels que par exemple la non discrimination en raison de la nationalité, la liberté de circulation et de séjour, la coopération judiciaire civile (sauf le droit de la famille), le marché intérieur, l’égalité des chances, les actions d’encouragement en matière culturelle, les décisions d’application du fonds européen de développement régional enfin last but not least, l’environnement. Le budget lui-même est co-signé par le président du Parlement et le président du Conseil”, souligne Patrick Martin-Génier, spécialiste des questions européennes. On peut rappeler au passage que les eurodéputés possèdent la faculté, qu’ils n’ont jusqu’à présent jamais utilisée, de renverser l’exécutif européen.
Ainsi que l’a fait remarquer Martin Schulz, un des prĂ©cĂ©dents prĂ©sidents du Parlement europĂ©en, le vote sur le projet de budget a Ă©tĂ© aussi une manière de signifier aux dirigeants des 27 pays membres que leur action n’était pas Ă la mesure des dĂ©fis qu’imposait les difficultĂ©s liĂ©es Ă a crise des Ă©conomies. Manque de solidaritĂ©, politique de rigueur incapable d’envisager une dynamique de croissance, incapacitĂ© Ă dĂ©velopper l’emploi, les dirigeants nationaux ont rĂ©duit le budget europĂ©en Ă tout juste 1 % du PIB europĂ©en, soit, aux yeux du Parlement, un niveau insignifiant n’offrant pas la possibilitĂ© de jouer le moindre rĂ´le de rééquilibrage macro-Ă©conomique. Comme le stipule le traitĂ© de Lisbonne, le Parlement europĂ©en devait donc dĂ©sormais ĂŞtre en mesure d’accepter ou de rejeter le budget, ce qui n’Ă©tait pas le cas pour les exercices pluriannuels prĂ©cĂ©dents. Les eurodĂ©putĂ©s n’avaient pas le droit de l’amender.
Un garant contre les dérives souverainistes?
A la différence du Conseil européen des chefs d’Etat des pays membres, le Parlement n’a pas relégué aux oubliettes tout ce que le projet européen contient de révolutions à venir et d’espoirs à maintenir. Lucide sur l’importance politique de la puissance économique de l’Europe, il est aujourd’hui le garant contre les dérives souverainistes de certains états, n’épargnant pas ses critiques à la Commission dans ce qu’elle a de technocratique et n’hésitant pas à dénoncer certains état membres pour leur égoïsme national.
Ainsi que le souhaitent les eurodĂ©putĂ©s, l’UE devrait disposer de ressources Ă elle sur le plan fiscal. Dans ce cadre, le Parlement europĂ©en devrait Ă l’avenir bĂ©nĂ©ficier d’une marge de manoeuvre pour fixer le niveau de ces impĂ´ts comme c’est d’ailleurs, historiquement, la responsabilitĂ© première de tout Parlement. L’impĂ´t sur les sociĂ©tĂ©s ou le projet de taxe sur les transactions financières pourraient ainsi ĂŞtre gĂ©rĂ©s au niveau de l’Union. Une telle rĂ©forme suppose une volontĂ© fĂ©dĂ©raliste Ă laquelle les gouvernements rĂ©sistent. DĂ©velopper le budget europĂ©en nĂ©cessiterait donc de transfĂ©rer au niveau europĂ©en des responsabilitĂ©s dĂ©jĂ exercĂ©es au niveau national – dĂ©fense, recherche, assurance-chĂ´mage, etc… A la suite de la crise Ă©conomique de 2008, les logiques intergouvernementales se sont durcies. Aussi bien, leur pouvoir doit-il ĂŞtre contrebalancĂ© par des institutions communautaires en charge de l’intĂ©rĂŞt europĂ©en commun, comme c’est le cas du Parlement europĂ©en.
Une Europe fédérale unie,
Pour les citoyens convaincus, que seule la dimension européenne est la bonne dimension pour connaître de meilleurs résultats économiques, il n’y a que dans une Europe unie s’approchant le plus possible d’une fédération organisée que les citoyens européens ont la possibilité de contribuer au renouveau européen et ainsi être à la hauteur de l’ambition voulue par les pères fondateurs de l’Europe. Soutenir le Parlement européen à résister aux pressions des exécutifs , c’est reconnaître l’historique prouesse qui consiste à mettre d’accord 27 pays, 60 millions de syndicalistes, et plusieurs dizaines de partis d’opinions diverses. L’Europe a un rôle pivot à jouer et le « besoin de Parlement » va croissant pour compenser la remise en cause des Etats-Nations.
Aujourd’hui, l’enjeu est le suivant: accorder sa confiance au Parlement en soutenant son action vers une citoyenneté ouverte. Au-delà de ce soutien, la réactivation et la mobilisation des réseaux européens de citoyens est primordial. Car sans adhésion, l’Europe restera la “chose” des gouvernements.
Le rĂ´le politique du Parlement europĂ©en se traduit aussi par la possibilitĂ© de crĂ©er des commissions d’enquĂŞte, d’examiner les pĂ©titions envoyĂ©es par les citoyens et de faire valoir leur opinion avec un rĂ©fĂ©rendum d’initiative populaire. Ainsi l’utilisation du Parlement europĂ©en par les associations comme possibilitĂ© de mettre en valeur les bonnes pratiques des entreprises, des consommateurs, des salariĂ©s, et d’accĂ©der Ă une vĂ©ritable Europe politique intĂ©grĂ©e est une opportunitĂ©. Le dĂ©bat public sur l’Europe a besoin d’un Forum, d’une pĂ©dagogie, d’un entraĂ®nement. Il ne peut plus rester le fait de cercles spĂ©cialisĂ©s. Aux acteurs sociaux et associatifs de prendre en mains le contenu de cette Europe citoyenne, en dĂ©veloppant des projets culturels, des projets sociaux et Ă©conomiques communs. La prĂ©sence rĂ©solue des citoyens et de l’opinion dans le fonctionnement des institutions est la clĂ© de l’Europe politique qui nous manque. Il s’agit rien moins que d’inventer une dĂ©mocratie participative plurinationale.
Un système européen parlementaire?
Rêvons un peu. Il y a quelques années, le ministre allemand, Joshka Fisher, proposait de refonder et de démocratiser l’Europe en abandonnant le système intergouvernemental où il faut que tous les chefs d’état soient d’accord. L’objectif était d’accéder à un système entièrement parlementaire afin d’éviter que les compromis ne deviennent de plus en plus impossibles et que l’intérêt des citoyens ne finisse par être traité par pertes et profits. Cette proposition simple était aussi celle défendue par Robert Schuman, l’un des pères de l’Europe. Ce gouvernement européen serait d’une seule couleur politique, désignée par la majorité élue. Le mandat de ce Parlement serait de 5 ans, soumis au vote sur son bilan. La proposition de Fischer possédait un intérêt citoyen évident : le respect du principe fondamental de toute démocratie : une homme, une voix. La mission de ce gouvernement serait de traiter les questions où l’unité est requise pour être efficace : la recherche, les affaires étrangères, la monnaie, la défense, la sécurité intérieure et l’environnement. Ce schéma supposerait un financement et une fiscalité propre pour donner à ce gouvernement européen la capacité à agir.