Alors que le paysage universitaire français est bouleversé depuis une dizaine d’années par une succession de mesures, l’université ne rassemble plus que 56% des étudiants (hors IUT) – contre près de 75% en 1970, constate le CESE dans son avis sur la démocratisation de l’enseignement supérieur.

Si les gouvernements successifs ont régulièrement affirmé l’objectif de 50% de titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur, le compteur reste bloqué autour de 42%.

Les inégalités de parcours et de réussite persistent et sont très marquées selon le cursus antérieur : seuls 47% des bacheliers professionnels s’inscrivent dans une formation supérieure et leurs chances de succès varient selon les voies de formation – elles sont quasi nulles à l’Université.

La France est ainsi un des pays européens où les inégalités sociales sont les plus marquées en matière d’accès aux formations supérieures. De plus en plus d’étudiants travaillent pour financer leurs études, et beaucoup ne vont pas au bout de leurs cursus. Face à ces constats, le CESE a décidé de s’emparer de la question de la démocratisation de l’enseignement supérieur.

La France est un des rares pays qui distingue les universités et les écoles. La diversité du paysage de l’enseignement supérieur, la concurrence qui s’y manifeste, la question de l’orientation, les conditions d’études et de vie des étudiants, ainsi que la formation des enseignements et la surcharge de leur emploi du temps, sont autant d’obstacles à une démocratisation réussie de l’enseignement supérieur.

« Afin de faire réussir un plus grand nombre de jeunes dans l’enseignement supérieur, notamment issus de catégories sociales qui y sont peu représentées, il est urgent de redonner toute leur attractivité aux universités, en complémentarité avec les autres voies qui doivent jouer tout leur rôle » commente Gérard Aschieri, le Rapporteur. D’autant qu’aujourd’hui, les taux de chômage entre diplômés du supérieur et non diplômés se situe dans un rapport de 1 à 5 : il est de 1 à 2 entre diplômés du supérieur et bacheliers. « Nous avons la responsabilité de nous interroger sur l’écart entre les objectifs affichés en matière d’enseignement supérieur et la réalité des résultats observés, ainsi que les moyens mobilisables pour combler cet écart quantitatif et pour réduire les inégalités constatées : c’est l’objectif de cet avis » ajoute-t-il.

Une des priorités est ainsi de faire en sorte que les universités redonnent toute sa place à leur mission d’enseignement et prennent en charge des publics nouveaux, de plus en plus divers. Pour Gérard Aschieri, « une des mesures les plus emblématiques de ce point de vue est sans doute la proposition de mise en place d’une formation pédagogique des enseignants chercheurs ».

Développer la complémentarité des diverses voies du supérieur à la sortie du lycée

« Nous sommes convaincus que la plus grande attention doit être portée au lien entre lycée et enseignement supérieur, à l’information et à l’orientation des lycées, aux conditions d’accueil,
d’encadrement et de vie des étudiants » poursuit le rapporteur. Mais une régulation a priori de l’accueil des étudiants entre les différentes voies ne pourrait que constituer une fausse solution qui irait en fait à l’encontre de l’objectif de démocratisation de l’enseignement supérieur. Dans cet avis est ainsi proposé par exemple de développer les liens entre universités et classes post baccalauréat des lycées pour favoriser les orientations et la validation des acquis ; mais également de renforcer les moyens et la visibilité des SUIO (Service Universitaire d’Information et d’Orientation) pour les étudiants afin de mieux les informer sur les réorientations et poursuites d’études ou de mieux faire jouer aux STS et IUT leur rôle dans la prise en charge des bacheliers technologiques et professionnels.

Redonner toute son attractivité à l’université, y assurer la réussite

« Renforcer l’attractivité de l’université passe par quatre grands axes : la mise en place d’un plan de réussite en premier cycle, l’accentuation de la dimension professionnalisante des formations universitaires, le développement de la formation continue et de la VAE, la dotation des personnels en moyens pour assurer leurs mission » précise Gérard Aschieri. Cela nécessite un plan national de réussite en premier cycle, appuyé sur des crédits fléchés et un cahier des charges dont l’application et les résultats seront régulièrement évalués. Parmi les préconisations du CESE, on trouve également la généralisation du tutorat et la pratique d’enseignants référents pour de petits groupes d’étudiants ; la prise en compte en début de cursus des besoins des étudiants par la mise en place, au cas par cas, de modules de remise à niveau et de formations d’adaptations ; une réduction des intitulés de licence et une remise à plat négociée des formations en veillant à ce que la spécialisation se fasse progressivement au cours du cursus, la création d’un module d’enseignement préparant à la vie professionnelle ; le renforcement des liens entre les universités et le monde de l’entreprise ; ou le développement de l’offre de formation continue des adultes à l’université. « Les questions du financement et du pilotage doivent également être repensées pour prendre en compte les besoins d’encadrement des étudiants : cela passe par la remise à plat et la renégociation des modes de répartition des moyens » ajoute le rapporteur.

Améliorer le lien entre lycée et enseignement supérieur, mieux orienter

« Nous devons mieux orienter : sensibiliser à la diversité des formations, à leurs apports, leurs caractéristiques et leurs débouchés, améliorer la connaissance des métiers. Des initiatives locales existent en ce sens : nous pensons qu’il est indispensable qu’elles trouvent leur place dans un véritable plan national » poursuit Gérard Aschieri. Dans cet avis, le CESE propose ainsi par exemple de développer les centres de ressources pour l’enseignement supérieur ; de renforcer la formation des COPsy, et l’information des professeurs de lycée et CPE sur l’enseignement supérieur et les débouchés professionnels ; ou de renforcer les moyens et missions de l’ONISEP.

Améliorer d’urgence la situation matérielle des étudiants

Enfin, l’avis conclut sur la situation matérielle des étudiants, qui doit être améliorée d’urgence. « Plus de la moitié des étudiants auraient eu en 2010 au moins une activité rémunérée durant leurs études au cours de l’année universitaire : c’est une réalité que nous ne pouvons ignorer et face à laquelle nous nous devons d’agir » rappelle Gérard Aschieri. Il souligne également les difficultés rencontrées par les étudiants en situation de handicap. Le CESE préconise en ce sens d’augmenter le niveau et le nombre des bourses sur critères sociaux en faveur des étudiants les plus fragiles économiquement ; de mettre en oeuvre un plan de construction de logements collectifs pour les étudiants ; de développer des emplois destinés aux étudiants dans les universités et dans les établissements scolaires ; et enfin de rendre d’urgence accessibles les établissements aux étudiants en situation de handicap et leur permettre l’aide au travail personnel à domicile pour la recherche et le suivi des stages.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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ETUDE, Le Magazine

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