De plus en plus d’entreprises, d’établissements ou d’associations s’accordent à penser que la libération des données brutes est tout bénéfice aussi bien sur le plan de la communication entre humains que sur le plan des solutions d’innovations en entreprise. Avec l’Open Data s’installe un nouveau monde : celui de la confiance et de l’autonomie. 2013 devrait être l’année du véritable du décollage du phénomène open data en France.

Mais qu’est-ce que l’Open data ? La philosophie de l’open data est proche de celle de l’open source. L’open source développé par Eric Raymond reposé sur un principe libertaire selon lequel la liberté du logiciel est meilleure pour le marché. Ce principe d’ouverture « open » illustre assez bien ce qu’est en partie l’économie du don. Elle repose sur l’idée qu’on est plus intelligent et plus efficace à plusieurs que tout seul et que partager ses données avec le plus grand nombre procure d’importants bénéfices.

Ces bénéfices ne sont pas monétaires mais immatériels. Valorisation en termes d’image, accès direct à une information plus riche et précise, motivation et adhésion du citoyen, nouveaux services. Cette philosophie de la participation suppose que ces données soient lisibles et de bonne qualité. Quand ces données sont trop fraîches, trop « brutes », il faut les décrypter. Elles sont alors inexploitables par le public ».

Le mouvement de l’open Data a été initié dans le secteur public. L’objectif de départ: ouvrir à la réutilisation des données qui ne soient pas personnelles pour en faire un levier d’innovation pour l’administration publique et pour les usagers. L’ouverture du site Data.gouv.fr et le lancement de Dataconnexions ont amorcé le mouvement autour de l’open data. Les précurseurs sont les villes (et les collectivités locales en général). Elles se sont emparées de ce nouvel instrument de valorisation de leur territoire et de transparence de leur action pour faciliter la vie des habitants.

Il existe plusieurs types d’acteurs concernés par le mouvement : les producteurs des données, leurs intermédiaires techniques, mais aussi les réutilisateurs. Ces derniers ne sont ni des entrepreneurs, ni des militants purs et durs, mais se situent souvent entre les deux. Ils vont réutiliser ces données en leur apportant une valeur ajoutée sociale qui concernera au final l’ensemble des utilisateurs.

L’Open data couvre deux grands champs complémentaires. Le premier concerne donc la vie des citoyens. L’ouverture des données assure une plus grande transparence de l’action publique. L’open data favorise la qualité démocratique des débats et des actions publiques. Il apporte du possible aux usagers et aux consommateurs et leur permet de gagner en efficacité. En outre, la libération des informations permet de faire émerger de nouveaux savoirs, et d’enrichir les biens communs de la connaissance. Selon Valérie Peugeot, d’Orange Labs, « la plupart des outils techniques issus de la sphère culturelle sont aujourd’hui en train de passer entre les mains des citoyens ». Plus de connaissance, plus de transparence, mais aussi plus de partage. Les échanges de pair à pair de bonnes infos qui se déroulent dans des forums où des consommateurs discutent ensemble de produits à acheter ou à vendre en commun, occasionnent de nombreuses pratiques d’échanges qui peuvent déboucher sur des pratiques professionnelles..

Le deuxième champ est plus économique. Qui dit plus d’accès aux informations précises (tarifs, budgets, contacts, réseaux..) dit plus de chance de nouveaux services, donc plus d’innovation et de contribution à la croissance. Les opérateurs qui se lancent dans des politiques d’ouverture franche de leurs données, créent un environnement source d’économie susceptible de donner naissance à des marchés dans lesquels producteurs et consommateurs co-produisent de l’innovation.

Dans ce modèle économique de la contribution, terreau fertile pour les nouvelles idées, l’intelligence collective devient la principale valeur. Le bénéfice potentiel de cet immatériel est prometteur. Une multitude d’informations d’origines diverses émanant, par exemple, des médias sociaux, renferment des données précieuses pour l’optimisation des services, dans le e-commerce et le marketing, notamment.

A l’heure du développement durable, l’open data est en train de devenir le moteur des mobilités du futur. Efficace et écologique, la donnée est une énergie peu chère et qui peut rapporter gros. Des voyageurs qui anticipent de nouvelles exigences, des nouveaux besoins de mobilité qui émergent, des solutions basées sur la souplesse et la proximité (auto-partage, covoiturage, navettes partagées, vélo…), tels sont les premiers fruits de l’open data lorsqu’elle est mise au service de la ville intelligente de demain.

Dans le monde du transport, l’open data trouve ainsi un terreau fertile. Par exemple, pour mettre au point des calculateurs d’itinéraires sur la base partagée des infos de Google transit, celles apportées par les usagers et celles émises par les autorités de transport. A cause des encombrements, des incidents de parcours, des grèves possibles, la donnée transport est très sensible. Elle fait partie du quotidien des gens qui veulent être précisément informés des conditions de leur parcours. Visibilité globale de l’offre de transport publics, meilleure régulation des flottes d’entreprises, possibilités d’anticiper les déplacements ou de rectifier les parcours de transports publics, l’open data permet de rendre visible l’amélioration permanente de l’offre et d’inverser le paradigme offre-demande. Principaux émetteurs de contenus, les usagers sont invités, par les informations qu’ils envoient en temps réel à enrichir la qualité des informations partagées et à coopérer implicitement à cette nouvelle économie du partage.

Une des clés des mobilités urbaines se trouve dans le smartphone, outil par excellence de l’autonomie. Certaines applications comme Urban Pulse (développé par Véolia Transdev) rendront la ville plus familière. L’envie de voir des amis ? Urban Pulse guide l’utilisateur vers eux grâce à une fonctionnalité de réseau social géolocalisé. Un peu de temps devant soi ? L’assistant de mobilité propose au voyageur des contenus récréatifs ou culturels édités avec des partenaires spécialisés. Il l’informe sur les bonnes adresses, les lieux à visiter, les événements à ne pas manquer. Choisir le trajet le plus direct pour aller à un rendez-vous ? Le calculateur d’itinéraire permet de comparer et choisir les modes de transports entre deux points (piéton, vélo, voiture, bus, tramway, voiture partagée, taxi…) en indiquant l’arrêt le plus proche pour le prochain départ.

Dans un récent rapport (décembre 2011), l’Europe chiffrait à 40 milliards d’euros les retombées économiques d’un développement significatif de l’open data. Mais nous n’en sommes encore qu’au début du mouvement d’appropriation de cette liberté. La notion de mobilisation est cruciale pour comprendre la suite de l’histoire de l’open data.

Pour Valérie Peugeot, d’Orange Labs, les enjeux démocratiques et politiques de l’open data sont essentiels et posent de nombreuses questions. Ne risque-t-on pas avec cette multiplication de nouvelles applications d’approfondir la fracture numérique et de donner du pouvoir à ceux qui en ont déjà ? Comment le citoyen peut-il exploiter ces données ? Comment ne pas subir l’open data, mais l’intégrer pour que l’information transformée en intelligence des situations devienne force de propositions ? L’open data donnera-t-il vraiment un nouveau pouvoir au consommateur ? Ou créera-t-on juste un nouveau marché ? Ne risque-t-on pas d’entrer dans une société de l’opt-in généralisé où chaque citoyen sera certes libre de déterminer ses options, mais dans la solitude. Ne fait-on pas, avec l’open data, d’une question collective comme celle de la confiance une question que l’individu devra gérer seul ?
Nous avons besoin d’une “alphabétisation de la donnée”, soutient Valérie Peugeot. Et pour cela, il est nécessaire d’encourager les nouveaux médias comme le data journalisme.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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