Cela fait douze ans que les premiers habitants de l’Australie attendent « l’Apologise day », le jour des excuses. Le premier ministre Australien, le travailliste Kevin Rudd, élu en novembre dernier, a accompli un geste symbolique fort en respectant sa promesse électorale de demander pardon aux Aborigènes. Ce que n’a jamais voulu faire son prédécesseur, le conservateur John Howard. « Nous présentons nos excuses pour les lois et les politiques des parlements et gouvernements successifs qui ont infligés une peine, une douleur et une perte profondes à nos compatriotes. Pour la douleur et les souffrances subies par ces générations volées, leurs descendants et leurs familles, nous demandons pardon. Et pour l’atteinte à la dignité et l’humiliation infligée à un peuple fier de lui-même et de sa culture » » a-t-il déclaré, mercredi 13 février 2008, devant la tribune du Parlement de Canberra, autour duquel s’était rassemblé plus de mille Aborigènes venus de toute l’Australie.

Un long chemin vers la dignité

Les Aborigènes (aujourd’hui 450 000 personnes) obtiennent la citoyenneté australienne en 1949 seulement. A ce moment là et jusque à la fin des années 60, sur ordre du gouvernement, des milliers d’enfants aborigènes furent séparés de leurs parents pour être placés dans des institutions. La Commission australienne des Droits de l’homme estimera en 1997, qu’entre 1885 et 1967, 30 à 50% des Aborigènes furent enlevés à leurs parents.

Au moment où les Aborigènes sont reconnus comme citoyens à part entière et recensés comme tels (référendum de 1967), une astuce juridique autorise bientôt chaque état à restreindre ou à supprimer les libertés et les droits des Aborigènes. Cette loi (Aboriginal and Torres Island Act), présentée comme une loi de protection et de tutelle, permit surtout de développer des mesures de discrimination à leur encontre. Ce n’est qu’en 1973 qu’intervint l’abolition de cet acte par le gouvernement travailliste de l’époque, sous la pression de certains leaders aborigènes qui n’hésitèrent pas à planter leurs tentes devant le Parlement de Canberra.

Dès lors les faits s’enchaînent rapidement. Lorsque fut promulgué le « Racial Discrimination Act », l’Australie dut se conformer aux principes des Droits de l’homme. En 1976, l’Aboriginal Land Rights Act permit aux plaignant de retrouver une partie de leurs droits fonciers mais seulement dans l’état du « Northern Territory ».

En 1988, au moment des fêtes du Bicentenaire célébrant la « découverte » de l’Australie par le Cap’tain Cook, plus de 30 000 Aborigènes descendirent dans les rues de Sydney rappeler que cette célébration avait aussi une autre signification : 200 ans de larmes et de sang. Cette année marqua le début d’un mouvement qui ne cessa de prendre de l’ampleur.

Plusieurs avancées eurent alors lieu. Une commission d’enquête sur les morts emprisonnés fut créée. Une institution autogérée par les Aborigènes (ATSIC) fut instaurée dans le but d’organiser le développement social et économique des communautés. Le succès le plus spectaculaire fut obtenu par Ed Mabo, un éleveur de la Tribu Merlem dans le détroit de Torres, à la fin de son procès en 1992. Il engagea une procédure visant à reconnaître son droit à la propriété. La Haute Cour admit, après dix ans de procès, que « le droit à la propriété de la population indigène est maintenu partout où les terres de la Couronne n’ont pas été appropriées ou utilisées, et là où l’appropriation ou l’usage est compatible avec jouissance continue et concurrente du droit de propriété indigène ».

Mais le rejet par la Cour fédérale australienne des plaintes déposées par Lorna Cubillo et Peter Gunner pour préjudice lié à leur enlèvement à leur mère – qui était une Aborigène – n’a fait qu’assombrir le chapitre des réparations pour les « générations volées » dans les années 60. Ce procès qui a été perdu contre l’état fut significatif du ton donné par le gouvernement conservateur pendant ses trois mandats. Avant lui un processus de conciliation fut proclamé haut et fort par un ex-premier ministre travailliste Paul Keating. Mais John Howard, qui est resté au pouvoir pendant douze ans, ne fit rien pour accomplir ce dessein et refusa , au nom de la nation australienne de présenter des excuses à ces générations volées. Le gouvernement fédéral est toujours resté opposé à la création d’un tribunal spécial dédié à la question des réparations. Les excuses faites par le nouveau chef du gouvernement australien est un pas important vers « la réconciliation », terme utilisé en Australie pour évoquer l’apaisement des relations entre les habitants autochtones et la population blanche

La cause aborigène reçoit aujourd’hui un soutien de plus en plus grand auprès des générations montantes et qu’une partie de la classe politique et des intellectuels reste attentive au combat pour leurs Droits mené par les Aborigènes. Sur le plan social, économique et juridique, la disparité avec la population blanche est incommensurable. Mortalité infantile, faible fréquentation scolaire, chômage, maladies, arrestations abusives, alcoolisme; les chiffres offrent un panorama désolant de la condition des Aborigènes. Exemple : les emprisonnements. Alors qu’ils ne représentent que 2,3 % de la population, ils constituent près du tiers des détenus placés en garde à vue. L’espérance de vie d’un Aborigène est de 53 ans contre 75 ans pour un Blanc.

J. Sabo

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