La corruption demeure l’un des plus grands défis auquel l’UE soit confrontée. Elle n’épargne aucun État membre et coûte près de 120 milliards d’euros par an à l’économie de l’Union européenne. Malgré les initiatives juridiques et politiques que les États membres ont prises jusqu’à présent, les résultats des efforts déployés en matière de lutte contre la corruption à travers l’UE restent globalement assez peu satisfaisants. Telles sont quelques-unes des conclusions du tout premier «rapport anticorruption de l’UE» publié le 3 janvier 2014 par la Commission européenne.

Ce rapport expose clairement la situation dans chaque État membre: les dispositifs anticorruption en vigueur, les mesures ayant fait leurs preuves, les éléments susceptibles d’être améliorés et les moyens pour ce faire. Les chapitres nationaux, en anglais et dans les langues nationales, sont disponibles à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/anti-corruption-report
Le rapport montre que non seulement la nature des actes de corruption mais aussi le niveau de corruption, et l’efficacité des mesures prises pour lutter contre ce phénomène, varient d’un État membre à l’autre. Il en ressort également que la corruption mérite une plus grande attention dans tous les États membres.

C’est d’ailleurs ce qu’illustrent les résultats, publiés aujourd’hui, d’une enquête Eurobaromètre portant sur l’attitude des Européens à l’égard de la corruption. L’enquête montre que les trois quarts (76 %) des Européens pensent que la corruption est un phénomène très répandu et plus de la moitié (56 %), que le niveau de corruption dans leur pays a augmenté au cours des trois dernières années. Un Européen sur douze (8 %) déclare avoir fait l’objet ou été témoin d’un acte de corruption au cours de l’année qui précède. Les résultats de l’enquête Eurobaromètre sont disponibles ici.

«La corruption sape la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques et l’état de droit, elle nuit à l’économie européenne et prive les pouvoirs publics des recettes fiscales dont ils ont cruellement besoin. Les États membres ont beaucoup fait au cours des dernières années pour lutter contre la corruption, mais le rapport publié aujourd’hui montre que ces efforts sont loin d’être suffisants. Ce rapport propose des solutions, et j’ai hâte de pouvoir collaborer avec les États membres pour lui donner effet», souligne Cecilia Malmström, commissaire européenne chargée des affaires intérieures.

La corruption touche tous les États membres mais de façons très différentes
Voici quelques-unes des principales tendances constatées dans l’UE en matière de corruption.

1. Les mécanismes de contrôle

• Recours à des politiques de prévention (par exemple, règles d’éthique, mesures de sensibilisation, facilité d’accès aux informations d’intérêt public). Il existe des écarts considérables entre les États membres pour ce qui est de la prévention de la corruption. Dans certains, l’efficacité de la prévention a contribué à construire une solide réputation de pays très peu corrompus; dans d’autres, les politiques de prévention ont été mises en œuvre de façon inégale, avec des résultats médiocres.
• Mécanismes de contrôle internes et externes. Dans de nombreux États membres, les contrôles internes portant sur les procédures au sein des administrations publiques (notamment à l’échelon local) sont insuffisants et non coordonnés.
• Conflits d’intérêts. Les règles relatives aux conflits d’intérêt varient d’un État membre à l’autre, et les mécanismes de vérification des déclarations sont souvent insuffisants. Les sanctions en cas de violations de règles sont rarement appliquées et souvent insuffisantes.


2. Les poursuites et les sanctions

• Des dispositions de droit pénal incriminant la corruption sont un peu partout en vigueur, conformément aux règles édictées par le Conseil de l’Europe, les Nations unies et l’UE. Il n’en reste pas moins que la décision-cadre 2003/568/JAI relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé a été transposée de manière inégale par les États membres.
• L’efficacité de la répression et des poursuites dans les affaires de corruption varie sensiblement d’un État membre à l’autre. Des résultats remarquables sont constatés dans certains États membres. Dans certains autres, les poursuites couronnées de succès sont rares ou les enquêtes sont excessivement longues.
• La plupart des États membres ne disposent pas de statistiques globales sur les délits de corruption, ce qui rend la comparaison et l’évaluation plus difficiles. Dans certains, des dispositions d’ordre procédural, et notamment des règles sur la levée des immunités du personnel politique, entravent le traitement des affaires de corruption.


3. La dimension politique

• Responsabilisation du personnel politique. L’intégrité de la vie politique demeure un problème dans de nombreux États membres. Par exemple, il n’est pas courant que des partis politiques ou des assemblées élues se dotent de codes de conduite, au niveau central ou local, et ceux qui existent manquent souvent d’effets réels.
• Financement des partis politiques. Bien que de nombreux États membres se soient dotés de règles plus strictes en matière de financement des partis, d’importantes lacunes subsistent. Il est rare de voir imposer des sanctions dissuasives contre le financement illégal des partis dans l’UE.

4. Les domaines à risque

• Les risques de corruption sont généralement plus élevés aux niveaux régional et local, où les garde-fous et les contrôles internes tendent à être moins stricts qu’au niveau central.
• La promotion et la construction immobilières en zone urbaine, ainsi que les soins de santé, sont des secteurs exposés à la corruption dans un certain nombre d’États membres.
• La surveillance des entreprises publiques est déficitaire, ce qui accroît leur vulnérabilité face à la corruption.
• Les actes de corruption mineurs demeurent un problème dans quelques États membres seulement.

Les marchés publics représentent un secteur particulièrement exposé à la corruption

Le rapport comprend également un chapitre spécifique sur les marchés publics, lesquels constituent un secteur d’une grande importance pour l’économie des États membres, puisqu’environ un cinquième du PIB de l’UE est dépensé chaque année par des entités de droit public pour l’acquisition de biens, de travaux et de services. C’est également un domaine exposé à la corruption.
Le rapport préconise un renforcement des normes d’intégrité dans le domaine des marchés publics et suggère des améliorations à apporter aux mécanismes de contrôle dans un certain nombre d’États membres. Les chapitres relatifs aux pays fournissent des informations détaillées et signalent des éléments méritant une plus grande attention.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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