Si la gauche arrive au pouvoir, elle trouvera les caisses de la France vides. Serait-ce une raison pour ne rien faire ? La gauche manque d’idées parce que ceux qui les lui pourvoyaient (les hauts fonctionnaires) n’en ont plus et que les arènes où elles pourraient émerger sont rares. Des idées? Patrick Weil et une équipe de spécialistes en ont. Dans un ouvrage publié chez Grasset, ils ont réuni 80 propositions destinées à inspirer les candidats aux élections.

Depuis trois ans, au sein du « Club du 6 mai », tous les mois se sont réunis, à l’initiative de Patrick Weil, Pascal Breton et Stéphane Israël, une soixantaine de chercheurs, haut fonctionnaires, acteurs de terrain, avocats, chefs d’entreprise et quelques responsables politiques de la nouvelle génération. Parmi eux, des économistes (Eric Maurin, Michel Aglietta, Thomas Piketty…), des sociologues (Nicolas Duvoux, Pierre Mathiot, Antoine Vauchez…), des historiens (Olivier Christin, Patrick Weil), des juristes (Olivier Beaud, Gwenaële Calvès…) ou des journalistes (Guillaume Duval ou Jean Quatremer, de Libération).

Au départ, des rencontres autour d’un ou de plusieurs spécialistes pour discuter d’un problème – université, immigration, logement, hôpital et sécurité sociale, identité nationale. Avec pour unique ambition de ressortir mieux informés.

De ce travail à la fois individuel et collectif est née l’idée de produire 50 propositions qui ne coutent pas 80 milliards. 80 propositions fondées sur la certitude que plus de justice est possible en France sans dépenser plus, en changeant la répartition des impôts et des charges certes, mais aussi en changeant des règles qui accroissent ou entérinent les inégalités, brident la créativité et les énergies, dans tous les domaines : environnement, école et université, etc.

Voici un florilège de certaines de ces propositions (lire « 80 propositions qui ne coutent pas 80 milliards », aux Editions Grasset.)

 La proposition la plus exemplaire est la taxe internationale sur les milliardaires pour les empêcher s’évader à l’étranger. Aux Etats-Unis, 3 000 citoyens par an préfèrent renoncer à leur citoyenneté plutôt que de payer des impôts. Ce phénomène touche la Chine, l’Union européenne ou la Russie. Il y a 1 300 milliardaires dans le monde et si on les taxait à hauteur de 1%, cela rapporterait 45 milliards de dollars [35,5 milliards d’euros, ndlr].

 Autres propositions fiscales :

Engager
une
réforme
complète
de
l’imposition
des
sociétés
qui
aille
dans
le
sens
d’une
assiette
plus
large,
assortie
d’engagements
de
stabilité.
Prévoir
des
taux
d’IS
plus
faibles
pour
les
Entreprises
qui
réinvestissent
leurs
bénéfices.
Porter
au
plan
européen
la
proposition
d’assiette
commune
consolidée
d’imposition
des
sociétés
afin
de
se
garantir
contre
les
excès
de
la
concurrence
fiscale.

Transférer
le
financement
de
l’assurance
maladie
et
de
la
politique
familiale
encore
à
la
charge
des
entreprises
et
donc
de
l’emploi
sur
la
TVA,
les
autres
impôts
indirects
et/ou
la
CSG.

Dans
le
cadre
de
la
réforme
générale
de
la
fiscalité,
instaurer
une
taxe
carbone
à
faible
taux
au
départ
;
sa
montée
en
puissance
et
ses
modalités
d’utilisation
seront
négociées
avec
les
partenaires
sociaux
et
évaluée
avec
eux.

Affecter
les
ressources
ainsi
dégagées
aux
programmes
et
projets
développés
ci-dessous
dans
les
domaines
de
l’éducation,
de
la
santé,
du
logement,
de
l’innovation
et
de
la
R
&
D.

Sur le plan de la démocratisation du pouvoir, les experts estiment qu’on peut parvenir à un meilleur équilibre des pouvoirs en rétablissant un décalage entre la durée du mandat présidentiel et du mandat parlementaire : le mandat des députés sera réduit à quatre ans. Pour des parlementaires à temps plein : interdiction de cumul des mandats.

En ce qui concerne la question de l’Europe citoyenne

Afin
de
rendre
la
politique
européenne
de
la
France
plus
démocratique,
créer
un
poste
de
vice‐premier
ministre
chargé
des
affaires
européennes
et
créer
une
première
vice
présidence
aux
affaires
européennes
dans
chaque
assemblée.

Instituer
une
séance
obligatoire
mensuelle
de
questions
au
gouvernement
sur
sa
gestion
d’affaires
à
dimension
européenne
et
une
intervention
du
Premier
Ministre
ou
du
vice
premier
ministre
rendant
compte
de
son
activité
européenne,
tous
les
six
mois
à
la
fin
de
chaque
présidence
tournante.

Introduire
un
mécanisme
d’alerte
parlementaire
contre
les
décisions
de
Cour
de
justice
de
l’Union
européenne
(recours
devant
le
Conseil
européen
et
le
Parlement
européen).

Mettre
en
place
au
Sénat
et
à
l’Assemblée
nationale
un
Office
de
suivi
et
d’analyse
des
décisions
de
la
Cour.

Accroitre les pouvoirs des régions:

Y
transférer
la
politique
régionale
de
l’emploi
et
de
la
formation
professionnelle
des
jeunes.

Permettre
aux
Régions
de
prendre
des
participations
dans
des
industries
clefs
pour
leur
développement.

Les
conforter
à
la
fois
comme
chefs
de
files
de
l’innovation
sur
leur
territoire
et
dans
l’accompagnement
des
plans
de
sauvegarde
de
l’emploi
des
entreprises
en
difficulté.

Réguler le système bancaire et financier:

Séparer
les
activités
de
banque
de
détail
et
de
banque
d’investissement.

Imposer
un
moratoire
sur
le
versement
des
dividendes
en
numéraire
aux
actionnaires
pour
les
banques
de
la
zone
euro.
Crise
environnementale
et
dette
publique
:

Permettre
aux
Banques
Centrales
de
réserver,
pour
les
banques
commerciales
et
de développement,
un
volume
de
certificats
carbone
valorisés
à
un
prix
donné.

Relancer
la
politique
d’investissements
industriels,
notamment
dans
les
secteurs

nous
sommes
en
tête,
comme
l’aéronautique,
et
en
lançant
des
grands
projets
dans
les
domaines
de
la
santé,
des
sciences
du
vivant,
du
numérique
et
des
énergies
renouvelables,
qui
devront
profiter
du
rééquilibrage
de
notre
mix
énergétique
et
de
la
sortie
du
tout
nucléaire.

Agir en faveur des ETI industrielles:

Regrouper
les
guichets
publics
de
financement
des
PME
et
les
ETI
industrielles
à
travers
une
banque
publique
d’investissement
articulée
à
des
fonds
régionaux
d’innovation.

Mieux
orienter
l’épargne
et
les
fonds
d’assurance
vers
l’industrie.

Mettre
en
place
un
accès
facilité
au
crédit
pour
les
PME
et
les
ETI,
via
des
obligations
nouvelles
imposées
aux
banques.

Parvenir
à
une
relation
plus
équilibrée
avec
les
grands
groupes
donneurs
d’ordre
dans
le
cadre
de
véritables
filières
industrielles.

Sur le plan du Logement:

Développer
une
conception
des
logements
évolutive
en
termes
d’agencement
et
de
surface.

Adapter
les
loyers
aux
ressources
des
ménages
locataires.
Introduire
la
notion
de
loyer
«
global
»
(ou
warm
Miette
en
allemand)
pour
davantage
de
transparence
et
d’information
sur
les
loyers
et
les
charges
pratiqués,
dans
le
privé
comme
dans
le
parc
social.

Introduire
des
dispositifs
de
démembrement
de
la
propriété

de
type
«
déconnection
»
du
droit
de
propriété
et
du
«
droit
à
habiter
»

— ‐
pour
freiner
la
multiplication
des
copropriétés
dégradées
et
des
propriétaires
pauvres.

Expérimenter
l’encadrement
des
loyers
au
moment
de
la
relocation,
en
zones
tendues,
afin
de
limiter
les
augmentations
abusives.

En ce qui concerne l’emploi:

Simplifier
et
rendre
plus
juste
le
soutien
aux
plus
démunis.

Supprimer
le
RSA
pour
les
salariés
les
plus
modestes.

Augmenter
leurs
revenus
par
la
seule
voie
du
crédit
d’impôt,
la
Prime
Pour
l’Emploi.

Réserver
le
RSA
aux
sans
emplois
:
pour
les
allocataires
seuls
sans
emploi,
augmenter
le
niveau
du
RSA
socle
grâce
au
milliard
d’euros
initialement
prévu
pour
financer
le
RSA
qui
n’a
pas
été
dépensé.

Dans le domaine de la santé:
:

Equilibrer
et
réguler
les
dépenses
de
santé

Accroître
les
recettes
de
la
Sécurité
sociale
(cf.
propositions
fiscales),
remboursement
minimal
à
80%
des
soins
et
médicaments
(après
évaluation
de
leur
efficacité
clinique)

Reformer
le
financement
de
l’hôpital
en
utilisant
de
manière
simultanée
les
trois
techniques

— ‐
prix
de
journée,
budget
global
et
paiement
à
l’activité
(T2A)–‐
selon
l’adaptation
aux
soins
administrés.

Créer
des
maisons
médicales
ou
centres
de
santé
regroupant
plusieurs
médecins
pour
mutualiser
les
moyens
(secrétaires
par
exemple)
et
permettre
une
autre
pratique
de
la
médecine
passant
par
une
autre
rémunération
des
médecins.

Sur le plan de l’immigration

Sécuriser
l’immigration
légale
en
prévoyant
des
cartes
d’un
an,
de
trois
ans,
de
cinq
ans,
de
dix
ans
progressivement
attribuées
afin
de
permettre
aux
individus
de
se
projeter
et
de
construire
leur
avenir.
La
sécurisation
du
séjour
est
la
plus
efficace
et
la
moins
coûteuse
des
politiques
d’intégration.

L’immigration
de
travail

qualifiée
ou
saisonnière
retrouvera
sa
pleine
place
aux
côtés
des
flux
d’immigration
familiales
et
d’asile.

La
procédure
de
demande
d’asile
et
l’Office
français
de
protection
des
réfugiés
et
apatrides
(OFPRA)
seront
détachée
du
ministère
de
l’Intérieur
et
rattachée
au
ministère
de
la
Justice.

Développement
d’un
droit
à
l’aller
retour
pour
les
étrangers
qualifiés,
les
retraités
et
les
saisonniers.
Financement
par
l’aide
française
et
européenne
au
développement
de
carrières
aller–‐retour
pour
les
médecins,
les
enseignants,
les
chercheurs
ou
les
fonctionnaires.

Droit
de
vote
des
étrangers
résidents
aux
élections
locales

Dans le domaine de l’éducation

Vers
l’école
du
socle
(1):
Réduire
la
taille
de
certains
établissements
scolaires.

Favoriser
le
regroupement
des
écoles
primaires
avec
le
collège
duquel
elles
dépendent
et
une
plus
grande
mobilité
entre
les
professeurs
du
primaire
et
du
secondaire.

A l’Université

Changer
les
modalités
de
recrutement
des
enseignants
chercheurs.

Création
d’un
comité
de
sages
dans
chaque
université
en
charge
de
vérifier
la
composition
des
comités
de
sélection.
Prise
en
charge
financière
par
l’université
des
frais
des
candidats
auditionnés
pour
des
postes.
Leçon
publique
de
chaque
auditionné
avec
présence
étudiante.

Diversifier
les
carrières

Distinguer
entre
les
professeurs
qui
n’ont
d’autre
activité
à
temps
plein
que
l’Université,
et
ceux
professeurs
qui
ont
une
activité
extérieure
en
fait
prépondérante
comme
consultants,
avocats,
conseils,
praticiens…
Seuls
les
premiers
pourraient
bénéficier
des
primes
et
même
des
promotions.

Pour
les
enseignants
acceptant
durablement
des
charges
administratives,
créer
des
modalités
spécifiques
d’avancement
dans
la
carrière,
sur
la
base
d’une
nouvelle
section
spécialisée
du
CNU.

Franchir
la
frontière
numérique

Remplacer
la
Loi
HADOPI
par
une
nouvelle
loi
fixant
le
cadre
de
régulationdes
diffuseurs,
protégeant
la
libre
circulation
des
droits
audiovisuels
et
musicaux
dans
l’univers
du
tout
numérique
et
des
télévisions
connectées.
Création
d’une
taxe
unique
basée
sur
les
recettes

Création
d’une
taxe
unique
basée
sur
toutes
les
recettes
d’abonnement
et
publicitaires
perçues
par
les
fabricants,
fournisseurs
d’accès,
moteurs
de
recherche,
plateformes
de
contenus
et
médias
d’audiovisuel.
Le
produit
de
cette
taxe
permettrait
de
soutenir
l’innovation
et
les
créations
originales
audiovisuelles
et
numériques,
sur
tous
ces
supports,
ainsi
que
les
auteurs
et
compositeurs
de
ces
contenus.

Transformation
du
CNN
en
une
Agence
nationale
du
numérique,
autorité
indépendante
compétente
sur
les
startups
et
l’innovation,
déchargée
de
la
représentation
des
opérateurs
télécoms
et
des
grands
groupes.
Elle
serait
notamment
chargée
de
gérer
la
taxe
unique,
de
représenter
l’univers
des
startups
et
des
VCs,
de
tisser
des
liens
aux
niveaux
européen
et
international,
de
diriger
les
études
nécessaires
à
l’orientation
des
financements
de
la
R&D
en
France
et
en
Europe

Favoriser
l’émergence
d’un
service
public
de
troisième
génération

la
puissance
publique
favoriserait
le
déploiement
d’infrastructures
numériques
qui
permettent
aux
citoyens
de
se
rendre
des
services,
hors
marché.

Recenser
et
identifier
les
secteurs
clés
dans
lesquels
ces
infrastructures
de
service
pourraient
prioritairement
se
déployer
:
données
cartographiques,
transports
publics,
Amap,
circuit
court,
covoiturage
échanges
de
services
interpersonnels,
parrainage
intergénérationnel,
tutorat
d’étudiants
confirmés
et
d’élèves,
etc.
tout
en
régulant
les
usages
(protection
des
données,
labellisation
des
pratiques,
etc.).

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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