Quartiers défavorisés, quartiers populaires, quartiers prioritaires, quartiers en crise, poche de pauvreté, banlieue sensible, autant de mots pour désigner en Europe des territoires caractérisés par un processus de ségrégation sociale et spatiale, ainsi que par une spirale d’exclusion. Tous les Etats membres sont concernés par ces situations même si elles sont vécues à des degrés divers dans l’Union européenne. Et pourtant, les quartiers restent les grands oubliés de la République et de l’Europe.

Comment dépasser cette indifférence mutuelle?

A l’occasion d’une table ronde organisée par l’association Europe à Nous, en partenariat avec le Barreau de la Seine-Saint-Denis à Bobigny, le 25 janvier, le député européen Daniel Cohn-Bendit, principal invité à cette Conférence, a vigoureusement plaidé pour une Europe plus sociale dotée d’un budget autonome.

Face à un public, particulièrement sensible à la présence d’un député européen, à l’aura incontestable, dans des territoires marqués par des fractures profondes et s’estimant oubliés, le public a revendiqué son besoin de « plus d’Europe » notamment sociale, insistant sur l’absence de cette dernière dans les quartiers populaires, sur son accès difficile notamment pour ce qui a trait aux financements de projets du fait de la grande complexité des dispositifs trop bureaucratiques. Daniel Cohn-Bendit a rappelé le partage des responsabilités, notamment du fait de la subsidiarité, entre les différents échelons (local, national et européen) . Il a plaidé pour une meilleure articulation et synergie entre eux. Certains blocages étant dus principalement au niveau national, les efforts devaient être menés sur ce point pour susciter des réponses locales appropriées et innovantes (mise en réseaux, dispositifs régionaux d’information et de soutien administratifs et financiers des petites structures associatives pour l’accès aux programmes européens, mutualisation des efforts).

Pour le Barreau de Seine Saint-Denis, « une des priorités de l’Union européenne est précisément de développer la cohésion économique et sociale de son territoire et d’atténuer les inégalités de développement ; différents programmes et politiques lui permettent d’investir ainsi dans les infrastructures, de lutter contre le chômage, de favoriser la formation et la reconversion professionnelle, de promouvoir la mobilité des jeunes, de développer l’économie sociale (fonds régional, fonds social, initiatives communautaires, programme Erasmus, etc.) ».

Tout l’enjeu est précisément de créer du lien entre ces territoires et l’Union européenne dans un enrichissement mutuel, souligne le CNB.
En partant de l’exemple de la Seine-Saint-Denis (département emblématique des banlieues françaises, avec d’une part des atouts significatifs : présence des fleurons de l’économie française, une population diversifiée et jeune, un patrimoine foncier accessible, etc. ; et d’autre part, un concentré des fractures de la société française : 17% de taux de chômage, 28% des ménages pauvres, près de 30% des actifs sans diplôme, une mixité sociale limitée, une inégalité sociale et territoriale croissante, etc.), le débat a exploré les différentes pistes pour créer du lien «européen».

Force est de constater que l’Europe reste bien peu visible dans ces territoires et bien éloignée du quotidien et de l’esprit de ses habitants. Les taux d’abstention aux dernières élections européennes 2009 sont révélateurs du manque flagrant de proximité de l’Europe et du peu d’intérêt des habitants à cette dimension.

Comment donc créer du lien européen dans ces quartiers où la dimension européenne peut donner une valeur ajoutée considérable aux stratégies de revitalisation urbaine et créer les conditions d’une véritable cohésion sociale et territoriale ; peut donner du sens «européen» à des nouvelles formes de coopération entre les acteurs locaux, nationaux et européens en mettant au cœur de son dispositif les habitants, créant ainsi les conditions d’une citoyenneté européenne à part entière.

Pour Djémila Boulasha-Meziani, présidente d’Europe à Nous, « il y a urgence à intervenir dans ces quartiers ». Le Rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensible Onzus*) souligne la situation économique et sociale tendue dans ces quartiers. 43 % des jeunes hommes actifs et 37 % des jeunes femmes sont au chômage. 2 fois plus de bénéficiaires des minimas sociaux dans les ZUS, 2 fois plus de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté et 3 fois plus de bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) (Chiffres 2009). Le taux d’abstention aux dernières élections européennes est alarmiste. Il s’élève à Bobigny à: 74,62%) « Il faut accroître la proximité avec l’échelon européen, ajoute Djémila Boulasha-Meziani, car bien des programmes pourraient être particulièrement bénéfiques aux habitants, ces derniers devant être considérés, quelle que soit leur nationalité, comme des membres à part entière de la « Polis » européenne. Un des outils de proximité pouvant être la mise en place dans ces territoires d’antennes des bureaux d’information/ de représentation du Parlement européen et de la Commission européenne.

*Article écrit sur la base des communiques d’Europe à Nous et du Barreau de Seine Saint-Denis

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

Catégorie(s)

Le Magazine

Etiquette(s)

, ,