Salariés ou bénévoles, ils sont près d’une vingtaine à avoir assuré la préparation logistique du Forum social européen. De formation universitaire, toutes et tous ont des parcours atypiques. Aujourd’hui, ces « soutiers du FSE » ont du mal à décrocher. Au point que nombre d’entre eux se retrouvent à Mumbay pour le Forum social mondial.

Paris, 2 décembre 2003. Au 2, passage des Petits Pères, dans le 2e arrondissement de Paris, une petite troupe s’active encore dans le local du Forum social européen (FSE) de Paris-Saint-Denis-Bobigny-Ivry. L’appartement de 250 mètres carrés a perdu de son animation, culminante pendant les trois jours pleins du FSE (du mercredi 12 au soir au samedi 15 novembre 2003). Mais il reste ici et là des reliques des débats et festivités. Dans la pièce centrale, occupée par les bureaux de quatre salariés, un mur est placardé d’affiches : le FSE 2003, le FSL du Val de Bièvre, un appel à manifester en soutien au peuple palestinien en sont quelques exemples. Des graffitis rappellent l’origine subversive du mouvement altermondialiste.

Les Assedic sponsors du FSE ?

Julie, chargée des relations avec la presse, fait les présentations. Ils sont sept salariés à travailler sur la logistique depuis le mois d’avril. Leur CDD se termine le 31 décembre.  » Notre particularité, c’est qu’on est tous au chômage « , s’amuse-t-elle. Agés d’une trentaine d’années, ils se sont jetés à corps perdu dans l’organisation technique du FSE, accompagnés d’une dizaine de bénévoles, de la même génération, et comme eux de formation universitaire. Recherche de financements, élaboration du programme, gestion des problèmes d’hébergement et des accréditations… autant de tâches nécessaires au bon déroulement du forum.

 » Les Assedic ont sponsorisé le FSE « , ironisent François, Gwenaël et Sandrine, tous les trois bénévoles.  » C’était aussi une façon de ne pas rester chez soi « , ajoutent-ils. Ils sont venus ce matin à une réunion de bilan sur les relations de l’organisation avec la presse.  » Je regrette que nous n’ayons pas suffisamment collaboré avec les médias alternatifs, remarque Julie. Mais on ne voulait pas les utiliser comme organes de presse. En tant qu’organisateurs, nous devions garder une position de neutralité « . La séparation stricte du politique (le secrétariat d’organisation) et du technique imposait cette situation. Centré sur les informations pratiques, le site Internet du FSE n’a pas comblé ces lacunes.

Du mal à décrocher

Depuis la fin du FSE, les salariés règlent aussi les dernières questions administratives, tel le remboursement des billets des militants des pays du Sud et de l’Est par le fonds de solidarité (alimenté par un prélèvement de 10 % sur les inscriptions et adhésions).  » On liquide, on renvoie les objets perdus, rien de très excitant ! « , raconte Marie, sociologue de formation et salariée le temps d’une parenthèse militante.  » J’étais au chômage et, adhérente à Attac, j’avais envie de bosser pour le FSE « .

Marie tire un bilan plutôt positif de cette expérience, même si elle a constaté des incohérences entre le fond démocratique du mouvement altermondialiste et la forme.  » Je l’ai observé dans les débats qui prenaient une forme universitaire, mais aussi dans les relations avec notre hiérarchie, l’instance politique. Leur structure mentale n’est peut-être pas celle de notre génération « .

Des photographies sont étalées sur une table, prises à l’occasion d’une fête organisée la semaine précédente.  » On a du mal à décrocher du FSE. C’était tellement intense. On voudrait le perpétuer avec les bénévoles « , explique Julie.  » On n’a pas tous les jours l’opportunité de participer à une organisation monumentale, s’enflamme Gwenaël. Nous avons reçu 50 000 personnes en trois jours ! Avec pour tout budget 3, 5 millions d’euros, c’est-à-dire rien si on compare avec les Jeux olympiques !  » Gwenaël, 37 ans, s’est investie pendant neuf ans comme juriste au sein d’une association d’information sur le sida :  » Aujourd’hui, je suis dans un flou professionnel. Je souhaite me recycler « .

Cap sur Mumbay

Mais l’heure n’est pas à la morosité et la musique flamenco retentit dans la pièce d’à-côté :  » Une compilation en hommage à l’anarchiste Durruti « , explique Laurent, salarié préposé au site Internet et militant de Babel, le réseau alternatif des traducteurs interprètes qui s’est mobilisé au cours du forum social. Début janvier, il part en Inde, pour le Forum social mondial 2004 de Mumbay :  » Nous allons utiliser pour la première fois un outil que nous avons mis au point, qui permet de numériser les voix et de les restituer à l’extérieur en simultané « . D’autres salariés du FSE seront du voyage, histoire de prolonger ces moments intenses de solidarités et d’utopies. Une nouvelle étape pour ces intermittents des Forums sociaux…

La logistique au service du secrétariat d’organisation

Le FSE a été préparé par une Assemblée européenne regroupant plus de 1500 organisations. Les organisations françaises se sont regroupées autour du Comité d’initiative français (CIF) qui a défini les grandes lignes du forum. Elles ont délégué une quarantaine de responsables, constitués en secrétariat d’organisation (SO) et chargés de la préparation effective du FSE. Ce SO a été secondé dans les tâches techniques par sept salariés. Une association a par ailleurs été créée pour gérer les financements. (Voir l’article « Qui se cache derrière le FSE ? »).

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