Frédérique Cléach est coach certifiée. Régulièrement elle publie dans le magazine son point de vue sur le monde du travail et les méthodes de management.
A l’heure où les chiffres du chômage ne sont pas bons, et où chacun essaye de trouver sa place dans la vie active, voici son témoignage sur le chômage des « seniors » et la difficulté à (re)construire sa vie après un licenciement.

Choisir d’être coach en fin de carrière professionnelle a relevé, pour moi, du désir de répondre, aux besoins d’écoute, d’aide des cadres confrontés à des difficultés dans leur vie professionnelle.

Ce désir émanait d’un constat fait durant mes années de consultante RH au sein d’un cabinet : le malaise grandissant des cadres au sein de leurs entreprises ou lors d’un licenciement, leur besoin d’être entendus et leur souhait de retrouver un équilibre de vie.

Je fais un métier passionnant, mais il m’arrive de m’interroger sur le bien-fondé d’un tel travail, sur ma responsabilité de coach quand en dépit de leur désir, de l’énergie déployée, de leur investissement, ces personnes se heurtent à des a priori, des rigidités qui les empêchent de vivre.

Qu’en est-il de l’avenir et du devenir des chômeurs de plus de 45 ans ?

Dans le contexte économique actuel, seule une minorité retrouvera un travail dans la continuité du précédent, conforme à ses compétences. Mais qu’en est-il des autres ?

Parfois, ces « seniors » demandent l’aide d’un coach pour les soutenir dans cette période de transition où ils doivent accepter de quitter leur vie d’avant pour pouvoir préparer celle d’après.
S’avouer ou reconnaître qu’on a besoin d’aide et aller la chercher dit déjà le désir de mouvement, le désir de se projeter dans l’avenir.

Dans la relation avec le coach choisi, ces personnes apportent une densité, une consistance et une richesse dues à leur expérience autant sur les plans personnel que professionnel.

Ces coachings se déroulent sur une durée longue, ce qui s’explique aisément. En effet, se réinventer, se projeter dans une vie qui n’aura parfois rien à voir avec la précédente, s’élabore après un long processus de maturation.

On ne dira jamais assez les chamboulements provoqués par ces ruptures professionnelles qui interviennent à mi-vie. 45/50 ans, une période charnière durant laquelle l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle est chahuté : perte du statut social, perte d’un certain confort économique …

Ils se retrouvent sur le marché du travail au moment où leurs enfants finissent ou ont fini leurs études. Ainsi leurs balbutiements pour réamorcer une vie professionnelle rejoignent ceux des jeunes qui tentent d’y faire leur entrée.
On retrouve, dans les deux cas, la même défiance des employeurs, les mêmes incertitudes quant à leur devenir.

Le ressenti du coach : un travail d’équilibriste entre notion de plaisir et principe de réalité.

Conduire sur le long terme cette relation coach/coaché est un travail d’équilibriste.
C’est ce que je ressens quand, de façon simultanée, il y a nécessité à tenir à distance le déprimant discours ambiant, tout en restant lucide sur le contexte économique. Cette nécessaire lucidité qui évite au coaché de s’illusionner et s’accompagne de la nécessité de ne pas céder à la panique.

Le travail du coach consiste alors à calmer les inquiétudes afin de préserver une certaine légèreté génératrice d’idées nouvelles et d’ouverture sur le futur.
Il est aussi de conforter sans cesse le désir de se réinventer, de créer une autre aventure professionnelle.
Car bifurquer peut être excitant et source de plaisir : réaliser ce qui avait été laissé de côté pendant de nombreuses d’années, se concentrer sur l’essentiel et réussir à faire ce pas de côté.

Tout ceci représente une volonté d’entreprendre cette démarche de renouveau, mais surtout un long cheminement psychique. Ainsi se succèdent l’acceptation d’une rupture, le renoncement de l’ancienne vie, souvent la révision de ses objectifs et ensuite l’exploration des possibles.
Tout au long de ce processus se côtoient des sentiments contraires : la colère, la peur, la frustration, le désenchantement, la crainte de ne pas y arriver, mais aussi le plaisir de se découvrir multiple, inventif et créatif.

On ne dit pas assez combien ce renouvellement demande de courage et d’énergie pour se créer un cadre différent constitué de nouveaux repères et de nouvelles relations.

Cependant, quelles que soient la réflexion et la qualité du travail fait en amont, l’âge est de fait un motif d’exclusion.

La dureté du contexte économique, mais aussi la frilosité des entreprises empêchent parfois de réussir ce virage professionnel.

Frédérique Cléach

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