« Les habitants de l’Europe ont besoin qu’on leur dise la vérité sur l’impact du vieillissement de la population et de la diminution de sa force de travail ».
Place Publique: Comment la question des flux migratoires va t-elle évoluer dans les 10 prochaines années ?
Rohit Talwar: A court terme, la récession économique va créer une forte envie chez les gens qui souhaitent émigrer d’améliorer leur situation économique. Le problème : les pays qui les reçoivent seront réticents à accueillir davantage d’émigrants alors que leur propre économie souffre. Nous pourrions voir certains pays occidentaux introduire des mesures plus strictes encore pour empêcher l’émigration.
A partir de 2013, le monde devrait être sorti de la récession et les pays d’Asie en particulier iront mieux avec une pression moindre pour émigrer compte tenu des opportunités qui se profileront chez eux. Le Moyen-Orient sera un gros importateur net de main- d’œuvre et de nombreux pays africains verront une amélioration de leurs perspectives nationales. L’Europe et les Etats-Unis commenceront à voir leur situation économique s’améliorer mais resteront toujours réticents à faire venir de l’étranger de la force de travail, mais au bout de dix ans ils encourageront à nouveau l’émigration.
Place Publique: Va t-on assister à de grands mouvements, où ?
Rohit Talwar: Durant les vingt prochaines années, nous allons continuer à voir des gens qui tentent d’échapper aux difficultés économiques, problèmes sociaux, conflits ou problèmes environnementaux. Ce qui veut dire que nombre d’entre eux vont essayer de quitter certaines parties d’Afrique, d’Asie ou d’Europe de l’Est. Les changements climatiques pourraient créer des dizaines de millions de réfugiés venant de certaines zones d’Asie, telles que Bombay et Shanghai mais ils se déplaceront surtout au sein de leur propre pays.
Place Publique: Quelles sont les opportunités des migrations?
Rohit Talwar: Nous devons regarder les différents types de migrations. Les émigrants qualifiés contribuent à la croissance des compétences et apportent innovation et esprit entrepreneurial. Les travailleurs moins qualifiés augmentent le vivier disposé à accepter des emplois moins payés, permettant de réduire le coût de la vie d’un pays.
Place Publique: Pensez vous que l’Europe, notamment la France, devra modifier sa politique actuelle, qui est très restrictive ? Doit elle se montrer plus ouverte sur ces questions dans les vingt prochaines années?
Rohit Talwar: C’est une question politiquement sensible –parce que le problème n’est pas l’émigration mais les difficultés d’intégration. L’Europe a besoin d’ouvrir ses portes aux émigrés compte tenu de sa population qui est âgée et de sa force de travail qui diminue. Toutefois, si on ne se saisit pas des questions d’intégration, il y aura toujours des problèmes pour absorber les émigrés étrangers. La population a aussi besoin qu’on lui dise la vérité sur l’impact du vieillissement de sa population et de la diminution de sa force de travail et l’effet de ces deux facteurs est préjudiciable au développement économique, à moins que l’émigration soit autorisée.
Place Publique: Avez- vous une vision optimiste des changements de comportement sur ce sujet?
Rohit Talwar: Je pense que ce sera une question difficile pour les trente prochaines années. Pendant la récession les pays vont devenir plus fermés. Quand l’économie va reprendre les gouvernements auront besoin de davantage de travailleurs étrangers. Ceux qui agiront lentement devront faire face à d’importants problèmes économiques. Ceux qui n’aborderont pas la question de l’intégration devront affronter des problèmes sociaux.
Si la croissance globale accroît la prospérité de tous, alors la population est moins concernée par la question de l’émigration. Si des pans de la société sont laissés de coté au moment du retour de la croissance, ils rejetteront toujours les émigrés dont ils pensent qu’ils ont pris les emplois des locaux, même si ces locaux ne sont pas disposés à les occuper.