Les populations nomades tsiganes sont confrontées à des discriminations persistantes et subissent une profonde exclusion sociale. Des initiatives citoyennes et des actions de sensibilisation permettent, dans certains cas, de contrecarrer les atteintes à leurs droits

Il faut voir le magnifique film “Liberté” de Tony Gatlif. Il relate la persécution des Tsiganes pendant la seconde guerre mondiale. Une zone d’ombre que le cinéaste a superbement mis en lumière dans l’histoire de Taloche, un tsigane interné dans le camp de Montreuil-Bellay, sous Vichy, histoire inspirée du livre de Jacques Sigot « Ces barbelés oubliés par l’Histoire » (éditions Wallâda).

On ne l’évoque pas souvent mais sur les deux millions de Tsiganes vivant en Europe, entre 250.000 et 500.000 furent déportés dans les camps de concentration. Quelques milliers de tsiganes ont été enfermés dans des camps en France pendant la guerre. Depuis les élargissements de 2004 et 2007, les Roms constituent aujourd’hui l’une des plus grandes minorités ethniques de l’UE.

Le rejet des Roms est ancien et il persiste, bien qu’ils soient des citoyens européens à part entière. Malgré leur citoyenneté européenne, ils restent en effet victimes d’ostracisme. L’apport considérable que ces populations pourraient avoir dans la société européenne est ignoré, sous l’effet de stéréotypes et de préjugés qui s’expriment par des discriminations économiques, sociales et politiques.

Trois rapports* sur le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’intolérance en République tchèque, en Grèce et en Suisse, ont été publiés récemment. Bien qu’observant une évolution positive dans chacun de ces trois états membres du Conseil de l’Europe, les rapporteurs relèvent, dans le même temps, certains faits qui demeurent préoccupants.

En République tchèque, les Roms sont confrontés à la ségrégation dans les domaines de l’éducation et du logement et à la discrimination dans le domaine de l’emploi. On observe une intensification troublante des activités de groupes d’extrême droite. Un nouveau Code pénal a été adopté en 2008 et contient des dispositions plus complètes en matière de lutte contre le racisme.

En Grèce, les Roms connaissent également des problèmes d’emploi, de logement, et de justice. La législation interdisant l’incitation à la haine raciale est encore peu appliquée.

En Suisse, on assiste également à une dangereuse intensification du discours politique raciste contre les non-ressortissants. La législation n’est pas suffisamment développée pour traiter de la discrimination raciale directe qui touche en particulier les musulmans, les personnes originaires de la région des Balkans, de la Turquie, d’Afrique, mais aussi des gens du voyage.

Des signes encourageants

La situation est particulièrement délicate pour les femmes roms. Et pas seulement dans ces trois pays. Le 12 janvier 2010, les femmes roms ont instamment invité les gouvernements européens à respecter leurs droits fondamentaux. Certains de ces gouvernements pratiquent la stérilisation forcée. Des des mesures concrètes sont peu à peu prises pour indemniser les victimes, sanctionner les auteurs de tels actes et engager une réforme du secteur médical public pour que les droits des patients soient respectés.

Les conclusions d’une conférence des femmes roms européennes qui s’est tenue à Athènes le 11 et le 12 janvier 2010 ont souligné la nécessité de prévenir toute ségrégation de fait en matière de logement et d’éducation, tout en promouvant les principes de qualité et d’intégration. Les participantes ont également encouragé les militants roms et les défenseurs des droits de l’homme à agir auprès des communautés roms pour les sensibiliser à leurs droits fondamentaux et faciliter leur accès aux services publics et aux dispositifs destinés à faire respecter la loi.

L’intégration des communautés roms relève de la responsabilité partagée des États membres et de l’UE. L’UE dispose d’un arsenal juridique solide pour lutter contre les discriminations. Elle recourt aux Fonds structurels européens et organise des initiatives de sensibilisation sur les discriminations à l’encontre des Roms. En outre, une action coordonnée est menée dans certains grands domaines particulièrement importants pour l’intégration des Roms, tels que l’éducation, l’emploi et l’intégration sociale.

Dans le cadre de sa participation à « 2010 – Année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale», la direction Education, Culture, Multilinguisme et Jeunesse de la Commission européenne organise une exposition et une conférence consacrées à l’aide qu’apportent les programmes de l’Union européenne (UE) à la minorité rom.

Et en France ?

Dans l’hexagone, la situation des Roms n’est pas non plus facile. Pour la plupart ressortissants de l’Union européenne depuis l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans cet ensemble, ils sont traités comme des « citoyens de seconde zone ». Les communautés tsiganes sont les premières victimes de la politique du chiffre et de la peur en matière d’immigration. En outre les entraves à l’action humanitaire se sont intensifiées et multipliées en 2008-2009. L’action humanitaire est systématiquement considérée comme suspecte par les pouvoirs publics. C’est un phénomène nouveau dont on peut malheureusement citer de nombreux exemples.

« Des populations ont été sans cesse déplacées et précarisées ce qui empêche les ONG de les soigner et de maintenir un lien social. Leurs expulsions répétées sans solution de relogement entraînent épuisement, ruptures de soins et de suivi médical, en particulier chez les femmes enceintes et les enfants. » déplore le Dr Bernard de l’association Médecins du Monde. Soigner les plus pauvres devient de plus en plus difficile. 80 % des patients n’ont aucune couverture maladie alors qu’ils y ont droit et que 20 % ne relèvent d’aucun dispositif.

En été 2009, l’Etat français a demandé l’expulsion du camp d’urgence installé à Saint Denis par Médecins du Monde pour des familles roms à la rue. La mobilisation de plus de trente associations (Fondation Abbé Pierre, le Secours Catholique, Romeurope, ATD Quart Monde, le Droit au Logement (DAL), la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), Réseau Education Sans Frontières) et l’action de la justice ont permis toutefois de contrecarrer cette assignation.

Le Tribunal a ainsi rejeté la demande d’expulsion formée par le Préfet de Seine Saint Denis, reconnaissant ainsi la situation d’urgence humanitaire dans laquelle se trouvent les Roms d’Ile de France. « Une prise de conscience de la gravité de la situation sanitaire des Roms commence à émerger » se félicite Médecins du Monde même s’il reste à trouver une solution pérenne pour les familles.

*Ces rapports font partie du quatrième cycle de suivi de l’ECRI.
L’ECRI est un mécanisme indépendant du Conseil de l’Europe qui s’occupe des problèmes de racisme et d’intolérance, prépare des rapports et adresse des recommandations aux Etats membres. Les rapports par pays, avec les observations des gouvernements annexées, sont disponibles sur
:

www.coe.int/ecri

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