Les blogs ont évolué au point pour certains de devenir de véritables journaux en ligne qui ne manquent pas une occasion de devenir le poil à gratter de la grande presse.

Le blog The Huffington Post d’Arianna Huffington, ex républicaine par son mariage et pro démocrate par opportunisme, douée pour occuper la scène médiatique, est emblématique du poids que peut avoir la voix d’un individu bien informé.

Désormais soutenue par une équipe rédactionnelle étoffée, son site reçoit quelques dix millions de visiteurs par mois tenant la dragée haute à des quotidiens institutionnels comme le Washington Post et le New York Times. Mais elle n’est pas un cas unique.

Des milliers de bloggeurs coopèrent pour défendre une cause qui les mobilise, on l’a vu lors des discussions sur la loi Hadopi. Différemment, OneWorld en ouvrant son portail du Web sur les questions de justice sociale encourage les gens à intervenir là où les médias traditionnels ne sont pas assez déterminés pour traiter certaines questions importantes qui ne sont pas dans l’actualité du jour. Les bloggeurs ont forcé la presse à être plus critique envers elle- même et à entretenir de nouveaux rapports avec ses lecteurs.

Aux Etats-Unis, après le 11 septembre 2001, la façon dont la presse à manipulé les faits pour entrainer les américains dans la guerre d’Irak n’a pas été oublié1. Faute d’avoir préservé la capacité à donner un sens à l’information, à décoder les rôles et les motivations des acteurs en cause, ce pouvoir est parti chez les bloggeurs qui ne se gênent pas pour crucifier des journalistes considérés en fait comme de simples rédacteurs.

Pour résoudre le problème, coté journalistes patentés on cherche à attirer une partie de ces émetteurs/rédacteurs bénévoles pour alimenter les blogs et les éditoriaux que sortent les journalistes sur l’actualité immédiate. Cette symbiose qui interpelle les lecteurs les plus impliqués semble bien fonctionner même si elle pêche encore sur le plan économique. Des quotidiens comme les Echos en profitent pour ouvrir des rubriques complémentaires à ses éditions papier afin d’accepter des interventions de qualité tout en gagnant en audience.

Parmi les transformations actuelles de la presse, nous assistons à un métissage entre journalistes bénévoles et journalistes chevronnés. Ces derniers restent en mesure de chaperonner et de vérifier la qualité et la crédibilité des articles qui lui sont soumis.

Une option qui aura fait un temps le succès d’Ohmy News, le site participatif coréen. En perdition début des années 2000 c’est sa transformation en journal coopératif qui lui sauvera la vie. Aujourd’hui le comité de rédaction assure 30% du rédactionnel, les lecteurs le solde. En modifiant son modèle économique avec l’aide de ses lecteurs, Ohmy News a pu faire des économies considérables sur sa fabrication. Aujourd’hui sa trop grande dépendance des budgets de publicité l’oblige à repenser son approche économique.

Abonnements ? Lecteurs Sponsors ? Nul ne sait le choix que fera la direction du titre et l’accueil que réserveront les lecteurs coréens à leurs initiatives.

Place Publique est une suite française de l’aventure d’Ohmy News sous forme d’association loi 1901. Le site reprend l’idée d’un « journalisme citoyen », comme le souligne la présentation de leur projet, avec pour avantage de réduire les coûts rédactionnels, de se présenter comme gratuit tout en faisant supporter les coûts de gestion et de contrôle rédactionnel par les dons et les inscriptions à son association. En cela Place publique montre une voie possible pour la presse traditionnelle en métissant journalistes spécialisés et bloggeurs de qualité. Une façon aussi de donner un vrai sens à la notion de pluralité des opinions.

Alors !? … Ce que pourrait être le journal de demain.
Il est encore en papier. He oui ! Il ne faudra pas enterrer trop vite notre quotidien ou notre magazine préféré. Mais ils auront tous deux changés profondément de physionomie. D’abord ils se vendent surtout par abonnement. La différence est que l’on aura presque complètement cessé de vous proposer des gadgets souvent inutiles. Ceci au bénéfice d’un ensemble de services en ligne qui complèteront la version papier. Ils ne seront disponibles, pour les plus complets, qu’aux abonnés. Ces services seront multimédias afin de résoudre le conflit temporel entre la presse d’analyse et l’actualité. D’ailleurs selon une programmation choisi par l’abonné, des applications de type twitter apporteront les dernières nouvelles sur les portables et autres écrans utilisés par la famille.

D’autres, en s’appuyant sur des moteurs de recherche plus ou moins sophistiqués, s’assureront d’offrir une bonne compilation des sujets qui intéressent le lecteur abonné. Selon la nature de l’abonnement, des études, des vidéos et des images lui assureront un point de presse personnel avec des capacités d’extraits d’archives pour les chercheurs, étudiants ou professionnels souhaitant creuser certains sujets. Bien évidement, une version papier imprimable est disponible à tous moments.

Les directions de la Presse devront prendre le parti de n’avoir plus une position dominante dans la fourniture d’information et de multiplier les partenariats de coproduction et de co-diffusion. D’où leur rapprochement incontournable avec des opérateurs et des fournisseurs de terminaux mobiles de type ebooks.

Certains titres ont d’ores et déjà pris ce virage à leur plus grand bénéfice sur lesquels ils restent discrets. On les comprend. Les titres les plus audacieux auront pris des accords avec des bloggeurs célèbres afin d’assurer une production d’analyses et d’avis croisés sur les sujets les plus sensibles. Ceux-ci seront mis à la disposition des abonnés et des publics de passage sur leurs sites, car si les abonnés ont le privilège de l’info et de ses analyses en temps réel, l’internaute de passage pourra bénéficier des résumés et des commentaires des bloggeurs.

Les bandeaux publicitaires de type « couponing » se multiplieront, la presse touchant en plus des budgets publicité, des rémunérations des affaires faites par leur intermédiaire. D’autres emprunteront aux stratégies des majors en organisant régulièrement des visioconférences (ou callconf) et des tchats avec des responsables ou des célébrités. Certains même n’hésiteront pas à marcher sur les plates-bandes de la télévision en assurant eux-mêmes des productions de contenus audio-visuels.

Alors, que reste-t-il pour le journaliste !? L’essentiel ! La capacité à donner du sens aux évènements, à les placer dans un contexte historique ou économique qui échappe à l’auditeur, au téléspectateur ou au lecteur lambda ! C’est ça une presse diversifiée. Les journalistes modernes s’inscrivent dans le mouvement irréversible où ils deviennent des analystes de l’information et des contenus avant que d’être des rédacteurs de nouvelles.

Dans « Le syndrome de Chronos 1» face au « déluge électronique » qui nous assomme, je me souviens avoir écrit : « l’important maintenant n’est pas d’avoir des informations stratégiques, le problème est de savoir si elle est stratégique ». Pour moi, un journalisme de l’époque numérique est celui sur lequel je puis compter pour décoder le monde et ses tourments. Un écosystème nouveau s’ébauche qui aboutit au métissage de la presse traditionnelle et de la presse en ligne.

Ne manque à ce scénario que les élus qui vont proposer de réduire les subventions à la presse en contrepartie de l’abandon de la publicité urbaine (et de ces budgets) qui ira de nouveau s’investir dans la presse locale.