Entretien avec Pierre Larrouturou, porte-parole de l’Union pour l’Europe sociale.

Place Publique : Une Europe sociale existe-t-elle ?

Pierre Larrouturou : En théorie oui, en réalité non. Le chômage et la précarité augmentent dans tous les pays et les retraites commencent à diminuer. En matière économique et monétaire, les responsables européens s’inspirent de ce qu’il y a de mieux dans chaque pays, alors qu’en matière sociale, il y a pour le moment une tendance à un alignement vers le bas.

P.P. : Pourquoi est-elle difficile à mettre en place ?

P.L. : C’est sans doute lié à un manque de démocratie dans nos pays, mais, aussi et surtout, à l’organisation politique de l’Europe. La Commission et le Conseil européen n’ont pas un fonctionnement démocratique. Par conséquent, c’est un plus petit dénominateur commun libéral qui s’impose partout. Des réalisations importantes ont été menées telle que le marché unique, la monnaie unique, mais pour le moment ce sont les libéraux qui l’ont emporté. On parle de l’Europe sociale depuis 20 ans, mais elle reste un vœu pieux.

P.P. : Que proposez-vous pour construire cette Europe sociale ?

P.L. : L’association Union pour l’Europe sociale demande d’intégrer un « vrai traité de l’Europe sociale » dans les textes constitutionnels actuellement en négociation. Nous proposons un texte soutenu par une pétition dont l’objectif est notamment d’alerter les chefs d’Etat. Si, en juin, ces derniers s’accordent sur un texte constitutionnel qui ne dit rien en matière sociale, il y a une grande probabilité pour que le « non » l’emporte aux référendums qui se dérouleront dans plusieurs Etats fondateurs dans les deux prochaines années.

P.P. : Que comporte ce traité de l’Europe sociale ?

P.L. : Jean Monnet disait « l »Europe n’avance qu’avec des idées simples ». Nous avons donc rédigé un texte simple qui comporte 7 articles. Le premier définit cinq objectifs à atteindre d’ici 2015. Tous les pays devraient converger vers moins de 5 % de chômage, moins de 5 % de pauvreté, moins de 3 % d’illettrisme en classe de 6e, moins de 3 % de « mal-logement » et consacrer au moins 1 % du PIB à l’aide publique au développement.

Aujourd’hui, en Angleterre, il y a seulement 4 % de chômage mais 25 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. La simultanéité des objectifs de chômage et de pauvreté est donc importante, sinon nous courons le risque de voir se développer le modèle américain des salariés pauvres.

Le 2ème article affirme que la politique menée par la Banque centrale européenne doit être au service de la cohésion sociale. Le 3ème article revendique une harmonisation de la fiscalité entre tous les pays de l’Union européenne. Le texte insiste, par ailleurs, sur la nécessité d’une charte du développement durable et de l’arrêt des exportations subventionnées en matière agricole.

Le texte que nous proposons rassemble des progressistes de réseaux assez variés : José Bové, Jacques Delors, Bronislaw Geremek, Susan George, Antonio Guterres, René Passet, Alain Trautmann, du collectif Sauvons la recherche ; des élus et des citoyens de neuf pays européens soutiennent notre initiative.

Pour signer la pétition et en savoir plus : www.europesociale.net

Propos recueillis par Claire Alet