Un père de famille nous relate ses réflexions sur les jours fériés en France !

Mon fils, élève de 3ème au collège Longchamp à Marseille, a été renvoyé ce mardi 10 janvier 2006.

 Pour quelle raison, lui ai-je demandé, tu as fait quelque chose de grave ?
Il m’explique qu’il était seul en classe ce matin et qu’il a eu l’autorisation de rentrer chez lui.

 Seul ? Mais où étaient tes camarades ? Que s’est-il passé ?

 Papa. C’est la fête de l’Aïd aujourd’hui. La dernière fois, pour la fête du Ramadan, c’était la même chose, nous étions quatre en classe et nous n’avons rien fait de la journée. Alors cette fois, les autres ont demandé à leurs parents de ne pas venir et moi, comme j’avais oublié, je me suis retrouvé tout seul.

Que faire ? Que dire ? Que lui dire ? Suite à un déménagement, mon fils est dans ce collège depuis cette année. Un collège public. Un collège de la République, qui est rythmé par le calendrier républicain, avec ses fêtes nationales et ses jours fériés. Ses jours fériés pour cause d’armistice, de fête du travail mais aussi pour cause de fête religieuse. Mais catholique, bien entendu. Pas de jour férié pour des fêtes musulmanes dans le calendrier républicain. Enfin … pas vraiment. Pas officiellement. Parce qu’en l’occurrence, oui, ce mardi est la fête de l’Aïd et plus de la moitié des camarades de classe de mon fils, ou plus exactement, plus de la moitié de leurs parents, considère qu’aujourd’hui est un jour férié.

A défaut de véritablement poser un problème, ce cas de figure que nous rencontrons, mon fils et moi, pose au moins une question. Dans un pays qui compte dans sa population un grand nombre de citoyens de confession musulmane, faut-il officiellement décréter ces jours de fête religieuse comme de nouveaux jours fériés ? Notre société se doit sans doute de s’adapter à l’évolution des groupes qui la composent. Elle devrait intégrer ces modifications dans les textes de loi qui la constituent. Pourquoi finalement fêter Noël et pas l’Aïd ?

Et le principe de laïcité, me direz-vous ? Séparation de la société civile et de la société religieuse, l’Etat n’exerçant aucun pouvoir religieux et les Eglises aucun pouvoir politique (d’après la définition du Petit Robert). De ce divorce prononcé, affirmé et revendiqué par nos aînés, on constate encore aujourd’hui qu’il ne résout pas tout et que la coexistence demeure compliquée à gérer au quotidien. Certes, des raisons historiques peuvent justifier le déséquilibre entre les confessions au niveau des jours fériés. Mais le présent récent fait aussi parti de l’histoire et le développement démographique de certaines confessions nourrit l’idée d’une meilleure équité entre les mouvements religieux. A moins qu’il faille finalement supprimer Noël et d’autres jours fériés pour redonner à la République toute sa majestueuse neutralité ?

 oui, je suis d’accord avec toi mon fils, ce serait certainement plus juste.

 Mais… et les cadeaux ?

Aujourd’hui, si mon fils a gagné un jour de congé, lui et moi avons aussi gagné une occasion de discuter ensemble de cette société dans laquelle nous évoluons, de cette société qui n’est pas la même que celle que j’ai connue à son âge. A défaut de mathématiques ou de biologie, nous avons parlé et appris un peu sur la politique. Religieusement, bien entendu. Merci l’Aïd donc.