Pour être plus solidaires, les territoires (locaux et européens) doivent plus que jamais favoriser la participation de toutes les partes prenantes.

Quelles sont les dynamiques en œuvre entre économie sociale et développement territorial aux niveaux local et européen ? C’est la question posée par la mutuelle de protection sociale complémentaire CHORUM, via CIDES, son centre de ressources et d’action pour le développement de l’emploi de qualité dans l’économie sociale et solidaire, avec l’appui du think tank européen Pour la solidarité.

La réponse prend la forme d’une importante monographie, “Territoires et solidarités : un enjeu européen”, qui pointe d’une part l’importance des différents niveaux d’échelon (européen, local) dans la pérennité de l’action de l’économie sociale, d’autre part l’incidence de l’échelon européen sur les échelons locaux.

Transformer un ensemble cohérent de domaines de la vie sociale

Le concept de développement territorial durable et solidaire, qui relève plutôt d’une lecture latine de l’économie sociale territoriale, recouvre un mode de développement et de planification politique qui intègre la cohésion sociale comme un objectif prioritaire. Une stratégie de développement territorial durable induit donc un certain nombre de prérequis, largement sous-tendus par la notion de participation.

Elle doit transformer un ensemble cohérent de domaines de la vie sociale, porter sur un territoire favorisant l’implication de populations diverses, inclure un diagnostic partagé, favoriser la participation des habitants à la définition du projet, s’appuyer sur un partenariat avec les acteurs locaux, s’inscrire dans la durée et prévoir les modalités d’une évaluation régulière.

De la RSE à la RTE

Le développement territorial durable et solidaire repose sur le concept de responsabilité sociétale des territoires (RTE), déclinaison de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises), qui à l’instar de cette dernière agrège l’ensemble des parties prenantes (associations, entreprises, associations de citoyens, etc.) comme des partenaires légitimes de toute action.

Le “community development”, qui relève davantage d’une vison anglo-saxonne, vise pour sa part à “faire émerger des communautés actives et influentes fondées sur la justice, l’égalité et le respect mutuel”, note l’étude de CIDES. Il s’inscrit clairement dans une démarche politique de transformation sociale, conjuguant des valeurs clés comme le travail collectif, l’apprentissage, la réflexion, la conscience politique et la durabilité. Le “community development” vise à changer les relations entre citoyens et sphères de pouvoir afin de permettre aux premiers de prendre part aux questions qui les touchent dans leur quotidien. Ce, en mobilisant l’ensemble des communautés d’influence (organismes publics inclus), en les aidant à organiser, planifier et évaluer des actions.

La cohésion sociale, concept central de la solidarité territoriale

Le lien entre économie sociale et développement territorial est indissociable de la notion de cohésion sociale. Celle-ci peut recouvrir des interprétations multiples. Pour le Conseil de l’Europe, il touche la plupart des domaines du vivre ensemble : revenu, pouvoir d’achat, emploi, logement, santé, couverture sociale, mobilité, culture, information, communication, lutte contre l’exclusion, participation citoyenne, liberté d’opinion, non-discrimination, multiculturalisme.

L’économie sociale, par son ancrage local, contribue fortement à la cohésion sociale. L’étude de CIDES rappelle toutefois que la relation entre les collectivités et les associations relèvent de plus en plus d’une logique de contractualisation, largement dictée par les dispositions réglementaires européennes en matière de services. La mise en concurrence des structures de l’économie sociale avec les entreprises s’avère de plus en plus fréquente, encourageant l’introduction de clauses sociales et environnementales dans les contrats de marchés publics. Pour autant, parallèlement, on voit se dessiner de nouvelles dialectiques partenariales entre entités de l’économie sociale et entreprises.

35% du budget de communautaire

C’est notamment au moyen de sa politique de cohésion (qui représente 35% du budget de communautaire) que l’UE tente de réduire les disparités territoriales persistantes. La programmation 2007-2013 de la politique européenne de cohésion se fonde sur un triple enjeu : la convergence, la compétitivité régionale et emploi, et la coopération territoriale des Etats membres.

Dans ses dernières conclusions, la Commission européenne suggère une conditionnalité des aides dans le respect de la stratégie « Europe 2020 », en particulier dans les secteurs de l’emploi et de la croissance. Le futur Fonds social européen (FSE) devrait correspondre intégralement à la stratégie « Europe 2020 » et aux « lignes directrices intégrées ». Il ne fait aucun doute que les orientations budgétaires impacteront frontalement le fonctionnement et le développement du secteur de l’économie sociale.

Menaces sur le programme européen d’aide alimentaire

L’émoi suscité par la récente annonce d’une réduction drastique du budget européen consacré aux plus pauvres a mis en lumière les effets désastreux de coupures budgétaires. Créé sous l’impulsion de Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, le programme européen d’aide alimentaire (PEAD), utilisé dans 19 des 27 Etats membres, pourrait disparaître en 2013. Il permet aujourd’hui de permet de financer l’aide alimentaire de 13 millions d’Européens pauvres, dont 4 millions de Français.

Face à la transversalité de plus en plus systémique des problématiques de cohésion sociale, face aux enjeux économiques et sociaux de la stratégie communautaire, face aux effets de la crise, les acteurs de l’économie sociale doivent plus que jamais innover dans leur relation aux territoires. En s’appuyant sur les pratiques existantes et en renforçant la réflexion collective.

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Au sujet de Muriel Jaouën

Journaliste de formation (ESJ Lille, 1990), Muriel Jaouën publie régulièrement dans le magazine de Place-Publique. Ses spécialités : économie sociale, développement durable, marketing, communication, organisations, management.

Catégorie(s)

ECONOMIE, ETUDE

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