Le déclin du pétrole est annoncé. Même en exploitant les ressources non conventionnelles, il ne sera plus possible de maintenir dans les pays industrialisés la consommation à son niveau actuel.

Le point de vue ne supporte plus de contestation chez les experts : la production mondiale de pétrole (environ 30 milliards de barils en 2009) entre dans sa phase de déclin. Si ce n’est dès 2010, ce sera dans les très prochaines années. Comment retarder cette échéance ? La question est cruciale quand on sait que le pétrole est incontournable, pour quelques décennies encore dans le pire des cas, pour les transports.

Depuis que le pétrole est exploité industriellement, vers la fin du 19 ème siècle, il est admis que les réserves suffisent à couvrir une trentaine d’années de consommation. Or, souligne Yves Mathieu, géologue et ancien responsable de l’Institut Français du Pétrole, le renouvellement des réserves « s’est avéré insuffisant par rapport à notre consommation depuis 25 ans ».

Comment pourra-t-on répondre à la demande croissante des deux géants de la planète, la Chine et l’Inde, et aux autres nouveaux champions de la croissance, Brésil, Corée du Sud… ? Aujourd’hui, la consommation de pétrole par tête d’habitant se situe à 150 litres par an pour un indien, 350 pour un chinois quand elle atteint 1800 litres pour un européen et 4000 pour un américain !

Dans l’état actuel des réserves- au sens strict, les volumes de pétrole productibles dans les conditions techniques et économiques du moment- il ne sera pas possible de maintenir à son niveau actuel-710 litres par habitant et par an – la disponibilité moyenne en pétrole sur la planète, estime Yves Mathieu. Ou alors, il faudrait que le doublement attendu du parc automobile mondial s’opère avec des véhicules fonctionnant sans pétrole ou encore que les européens et les américains réduisent lourdement leur consommation actuelle .

Le salut viendrait-il des pétroles non conventionnels, tels les schistes bitumineux ou les sables asphaltiques ? Les ressources sont énormes, et notamment au Canada, au Venezuela ou encore au Kazakhstan ou en Azerbaïdjan. Reste, souligne Yves Mathieu, qu’il faudra « trouver des moyens techniques pour les produire sans dégrader l’environnement tout en minorant au maximum les émissions de gaz à effet de serre qu’ils ne manqueront pas de générer ».

Si ces obstacles étaient surmontés et que les non-conventionnels puissent enfin contribuer notoirement à la production mondiale de pétrole, il n’empêche que le déclin annoncé du brut ne pourrait être que différé. D’où le constat en forme de conclusion d’Yves Mathieu : « la consommation pétrolière individuelle de l’européen ne pourra être que moindre ». Même si les véhicules se montrent plus économes et que l’usage de la voiture individuelle se modère au profit des transports collectifs, la solution qui s’impose consisterait, analyse Yves Mathieu, à remplacer le pétrole comme source d’énergie pour les autres usages que le transport, dont le chauffage ou encore la production de produits dérivés (textiles, plastiques….). C’est à cette seule condition, conclut-il, que « la liberté de circuler sera maintenue sans effort notable des consommateurs ».

Le dernier siècle du pétrole ? la vérité sur les réserves mondiales. Le point de vue d’un géologue. Yves Mathieu. Editions Technip.

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Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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ENVIRONNEMENT, ETUDE

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