A intervalles réguliers, de nouvelles maladies contagieuses apparaissent. L’accélération considérable des moyens de communication a permis, certes, des réactions plus rapides mais provoque aussi des paniques qui peuvent conduire à des réponses simplistes voire dangereuses.

L’apparition du SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) a donné lieu à la résurgence de pratiques de mise en quarantaine obligatoires et massives, notamment en Asie. En France, l’idée de renforcer les possibilités d’hospitalisation d’office, qui n’existent concrètement qu’en matière psychiatrique et théoriquement pour les maladies vénériennes, a été soulevée à cette occasion.

La Direction Générale de la Santé a élaboré un projet de décret concernant l’hospitalisation d’office, qui fait actuellement l’objet d’une concertation interministérielle.

Certes, si la mise en quarantaine est utilisée à bon escient et en s’appuyant sur des critères techniques – symptômes établis, durée de quarantaine en rapport avec le temps d’incubation de la maladie – son efficacité est réelle. La question n’est pas tant de remettre en cause cette efficacité. Le doute porte plutôt sur l’aspect faussement sécurisant du caractère obligatoire de cette mesure.
L’hospitalisation forcée repose sur le fantasme d’une maîtrise totale par le système collectif d’un problème de santé.

En réalité, cette maîtrise parfaite n’est qu’un fantasme.

Le rapport au corps, à la maladie, à la mort est profondément empreint chez chacun d’aspects inconscients et irrationnels qui empêchent l’efficacité de toute mesure coercitive en matière de santé.

Il n’est pas question d’obliger une personne à se soigner. Le droit au refus des soins est reconnu tant internationalement que par les lois françaises – seule exception à ce principe : l’obligation de soins décidée par un tribunal pénal. La discussion ne peut donc porter que sur la restriction à la liberté d’aller et venir du malade.

Paradoxe

L’hospitalisation d’office repose sur un paradoxe : l’extrême responsabilité du sujet atteint et son extrême irresponsabilité.

En effet, pour pouvoir être mise en oeuvre, l’hospitalisation d’office suppose que le sujet identifie des symptômes, décide de les soumettre à une structure de soins, accepte, s’il présume la maladie dont il est porteur, de faire face à un diagnostic de mort possible, et de mort dans une structure dans laquelle il sera isolé de ses proches. Cette démarche suppose, à chaque étape, une responsabilité dans la gestion de sa propre santé. Or, cette personne, du fait du caractère imposé de l’hospitalisation, est symboliquement traitée comme une irresponsable, en se voyant imposer une mesure qu’elle a probablement déjà anticipée et acceptée.

Une personne qui n’est pas prête à faire face à sa propre mort, et donc au diagnostic d’une maladie potentiellement mortelle, ne se rapprochera pas d’une structure de soins. Il en est de même pour une personne ne pouvant accepter l’idée de mourir enfermée. Ces personnes-là se détourneront des structures de soins.

L’hospitalisation forcée ne fait donc peser son obligation que sur des personnes qui l’auraient acceptée même sans contrainte. Elle permet de se targuer de chiffres rassurants, mais cache une réalité plus inquiétante : les personnes les moins à même de gérer leur propre santé et les risques inhérents à celle-ci se trouvent exclues du système de soins.

Le sida nous a appris l’importance d’inclure les droits de l’homme dans la gestion de la santé – non pas de manière incantatoire, car les droits et libertés peuvent trouver une limite dans la protection de l’ordre public, la salubrité publique étant ici en cause – mais de manière pragmatique : ils permettent de dicter la prise de décision efficace.

A cet égard, il avait été très intelligemment décidé de proposer systématiquement au sein des structures de soins, le test de dépistage du VIH à toutes les femmes enceintes, et non pas de l’imposer. Cette mesure a conduit à des taux d’acceptation supérieurs à 98%. Et les 1,5% des autres femmes pouvaient continuer à être suivies, conseillées, écoutées et peut-être persuadées de leur intérêt de se faire dépister.

Il en va de même pour le SRAS. Proposer systématiquement l’hospitalisation est à la fois une mesure respectueuse des droits individuels et efficace en terme de sécurité et de santé publique. Alors qu’imposer la contrainte est une illusion qui ne fera que pousser les personnes ne pouvant accepter cette mesure à s’éloigner des centres de soins et donc de toute possibilité de conseils, de prise en charge et surtout de recommandations permettant une moindre mise en danger des autres.

Maladie récente, le SRAS n’est, ni par sa nature, ni par son ampleur, une maladie d’un genre nouveau. Evitons que les réponses qui y sont apportées constituent un précédent inefficace ou dangereux.

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