Cadences infernales, concurrence sauvage entre salariés, voire discrimination syndicale, l’usine Toyota d’Onnaing cumule les effets pervers du toyotisme – modèle d’oganisation de l’entreprise -, dans une région où la crise économique et la désindustrialisation ont fait des ravages. Reportage.

nairi_livre.jpg Cet article est extrait de l’ouvrage L’usine à 20 ans, de Naïri Nahapétian, éd. Les petits matins et Arte éditions, disponible sur http://www.arte-boutique.fr.

Rose, vêtue de son uniforme gris et blanc brodé de la marque « Toyota », se dirige pour prendre son poste vers l’entrée de l’usine d’Onnaing, près de Valenciennes, où le constructeur automobile japonais s’est implanté depuis 2000. Elle a vingt-neuf ans, moyenne d’âge des salariés du site, et décrit avec enthousiasme l’ambiance qui règne au sein des équipes : « Tout le monde se tutoie. Les team leaders sont des members comme nous. Ils sont là pour organiser le travail et nous aider. » Chez Toyota, en effet, de petites équipes de quatre ou cinq ouvriers, les Toyota-members, sont supervisées par un team leader, lui-même sous les ordres d’un group leader qui organise le travail de quatre ou cinq teams.

Team activities et Family days

Rose apprécie également les team activities organisées par l’entreprise pour ces salariés : « Booking, restos, et Family days, où tout Toyota est invité avec les conjoints, les parents, les enfants. On mange, on goûte, on fait de l’escalade… ». Le reste du temps, à l’usine, elle monte les ceintures et le ciel de toile de la voiture, et doit, pour cela, porter des pièces parfois très lourdes. Quand on est une femme, dans ce cadre, il faut « savoir s’imposer, en montrant qu’on tient la cadence », même si celle-ci est extrêmement soutenue. En 2003, en effet, l’usine Toyota d’Onnaing a été classée au troisième rang des sites automobiles européens qui affichent la plus forte productivité.

Au début des années 80, les usines japonaises ont envahi le marché américain avec des automobiles à des prix défiant toute concurrence et d’une qualité imbattable. Leur secret : un modèle d’organisation de l’entreprise mise au point au sein de Toyota dans les années 60 par l’ingénieur Taiichi Ohno. Fondé sur la constitution d’équipes polyvalentes et un management plus participatif, le toyotisme, comme on l’appelle, a surtout pour effet d’intensifier l’activité grâce aux flux tendus. « Zéro stock, zéro délai, zéro défaut », tel est le slogan qui l’a popularisé. Mais on s’y réfère également sous le sigle des 3 D : « Dirty, dangerous, Die-hard » : sale, dangereux, meurtrier.

Le système de production de Toyota (Toyota production system) s’est assoupli au cours des années 1990, notamment face aux difficultés de recrutement que rencontraient les entreprises japonaises. Il s’applique aujourd’hui à Onnaing dans une région, le Hainaut, qui a subi une forte désindustrialisation, et où l’entreprise s’apprête à ouvrir un deuxième site.

Éric Pecqueur, trente-huit ans, délégué syndical CGT, fils et petit-fils d’ouvrier communiste, a fait partie des premiers embauchés à Onnaing comme animateur d’équipe, autrement dit team leader. Fils et petit-fils d’ouvrier communiste, Éric est porteur d’une longue tradition politique, et voit plutôt le management appliqué à Onnaing comme « un moyen de fliquer les ouvriers et de maintenir des cadences élevées ».

Sur l’immense parking du site, on reste à discuter dans sa voiture. Chez Toyota, on est très strict sur les autorisations, et le syndicaliste n’a pas osé inviter une journaliste dans son local, sachant que la direction lui refuserait ce droit.

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« Merci patron ! »

Dans une région, le Nord-Pas-de-Calais, où il y a 250 000 demandeurs d’emplois, soit 14 % de sa population active, où un jeune sur quatre est au chômage, un travail chez Toyota, rappelle Éric, représente « quelque chose d’inespéré ». La grande majorité des ouvriers est embauchée en CDI, alors que les entreprises alentours n’offrent que des postes d’intérimaires. Et, même si les salaires sont bas, les primes peuvent monter jusqu’à sept cent cinquante euros par mois. Aussi, la plupart, dit-il, « ont juste envie de dire merci au patron », quels que soient les rythmes et les conditions de travail. Pourtant, constate le syndicaliste, malgré la présence d’un ergonome et d’un kinésithérapeute, tous deux à plein temps, « beaucoup d’ouvriers sont cassés, ils ont des problèmes aux articulations, aux genoux, au dos »…

Le système de promotion interne à Toyota permet de devenir team leader puis group leader, autrement dit agent de maîtrise. Cela crée, sur ce site marqué par la jeunesse de ses effectifs, « une concurrence sauvage entre collègues. Les ouvriers ravalent leur colère, explique Éric, font des heures supplémentaires, travaillent le week-end. Ils acceptent de se faire maltraiter, insulter, de voir leurs co-équipiers se faire sanctionner et licencier injustement ».

Un représentant de la CFDT gare sa voiture près de celle d’Éric Pecqueur, qui le salue en murmurant entre les dents : « Il va cafter… ».

Depuis cinq ans, Éric a été l’objet de six avertissements et récemment d’une journée de mise à pied pour avoir « prétendument » insulté un group leader. Il a attaqué Toyota aux prud’hommes pour discrimination syndicale, avec huit autres militants syndicaux. Dix autres actions sont en cours pour licenciements abusifs. Le premier cas a été jugé aux prud’hommes en mars 2005 : Philippe Loucheux, accusé en 2002 de faute grave, en l’occurrence d’avoir volontairement cassé une clé de prise de coupe appartenant à l’entreprise. L’ouvrier a obtenu douze mille euros d’indemnités, car la justice a estimé que Toyota ne justifiait pas d’un motif réel de licenciement.

Les dernières élections syndicales en novembre 2004 ont été marquées par un net recul de la CGT. De 49 % des voix, elle est passée à 14 %, alors que la CFDT affiche un score de 65 %. Entre octobre et novembre, en l’espace de six semaines, commente Éric Pecqueur, huit sanctions disciplinaires ont touché six candidats.

Cet homme doux et cultivé, qui a abandonné son Deug de maths-physique pour un emploi de cariste, « peut-être un peu » pour rester fidèle à son milieu d’origine, est-il un grand paranoïaque ? Après tout, il milite à Lutte ouvrière, et, comme tout bon militant d’extrême gauche, se doit de l’être un minimum.

Mais d’autres organisations syndicales confirment sa vision du Toyota production system. Ainsi, Fabrice Cambier, 34 ans, délégué syndical Force ouvrière sur le site d’Onnaing, à la question, « y-a-t-il une discrimination syndicale aujourd’hui chez Toyota ? », il répond sans hésitation : « Oui ». Et met en avant le fait qu’il est entré dans l’entreprise comme team leader en juin 2000, et qu’il en est encore au même point : « Beaucoup de mes collègues ont évolué, mais pas moi. On a fortement l’impression d’être pénalisé dans notre promotion en tant que délégué. »

Un syndicaliste à son tableau de chasse

Emmanuel Smoluch, en revanche, délégué CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens), croit au Toyota production system. Âgé de 32 ans, il est également team leader depuis août 2000, et pense que « c’est un système très efficace, même s’il y a des petites dérives en termes humains et sociaux. Mais il y a surtout une différence de gestion entre les Japonais et Français. En cas d’erreur, par exemple, un Japonais demande d’abord comment les choses se sont passées, alors qu’un Français cherche toujours le coupable : qui a fait quoi ? ». Emmanuel Smoluch prend également du recul vis-à-vis de la CGT : « Sur notre site, la CGT est sur une ligne d’opposition pure et dure : ils sont contre tout ! ».
_ En revanche, dès qu’on l’interroge sur les procès en cours dénonçant la discrimination syndicale et les licenciements abusifs, il ne peut, dit-il, « qu’être d’accord » avec son « collègue de la CGT ». D’autant qu’en avril 2004, il a lui-même subi une procédure de licenciement : « Mon management m’accusait d’être responsable de différents défauts dans l’atelier et… de harcèlement sexuel sur une intérimaire. » Pour Emmanuel Smoluch, il est clair que son engagement syndical est à l’origine de cette tentative de licenciement : « Accrocher un syndicaliste à son tableau de chasse était un moyen de marquer un très bon point pour mon management direct ». L’inspection du travail, alertée, a conclu que le syndicaliste de la CFTC n’avait commis aucune faute. Le chef d’équipe qui l’avait mis en cause a été rétrogradé.

Lors de ce conflit, il se souvient du soutien inébranlable de la CGT, « même si, rappelle-t-il, on ne s’apprécie pas beaucoup et qu’on n’est pas souvent d’accord ».
Car Emmanuel Smoluch continue à penser, contrairement à Éric Pecqueur, que « le système est bon, mais dépend des personnes qui l’appliquent ». D’ailleurs, précise-t-il, « la direction essaie de réformer le management et d’améliorer les relations avec les syndicats ».

Avoir du mordant

À quatorze heures, au moment de la relève, devant la sortie de l’usine, Olivier, vingt-quatre ans, et Sébastien, trente ans, témoignent : « On n’est pas syndiqués, parce qu’il y a des gens qui font ça très bien. » Mais aussi parce que « ce n’est pas très bien vu par la direction ». Celle-ci, dans la plus pure tradition japonaise, préférerait les voir « faire grève avec des brassards, sans interruption de travail ». Et les salariés, disent-ils, « ont peur de perdre leur emploi, car, en dehors de l’usine, il n’y a pas grand-chose ici ».

Du coup, « point de vue ambiance, c’est pas terrible. Il n’y a que des jeunes qui se bouffent la gueule et montent en cadence pour se faire bien voir ». Les deux ouvriers parlent même de « délation ». L’opérateur qui travaillait en face de Sébastien en fut victime puisqu’il a été licencié après avoir été accusé, confie le jeune homme, d’avoir cassé un outil : il s’agit de Philippe Loucheux…

Benjamin, vingt-sept ans, team leader, ne voit pas les choses ainsi. Assis au pied d’un arbre au milieu du parking, alors que la marée des ouvriers à l’heure de la relève passe et repasse autour de lui, il s’explique. Avec les « quatre gars » de son équipe, il s’occupe d’appliquer la peinture interne des voitures. « Je dois gérer leur qualité et le volume de production », dit-il. Après avoir été team member pendant trois ans, il a réussi à décrocher une promotion, malgré le fait que « les places étaient très chères ». « Je me suis montré, ajoute Benjamin, j’ai joué plus d’écoute et j’ai eu du mordant. »
Didier, vingt-huit ans, est plus laconique. Les syndicats ? « Ce qu’ils demandent n’est pas réaliste. » Il a la main bandée. C’est une tendinite, qu’il va bientôt montrer à la médecine du travail, en interne : « J’ai rendez-vous la semaine prochaine. »

Mademoiselle, que faites-vous ? C’est pour quoi toutes ces questions ? Vous avez une autorisation ?
L’agent de sécurité intervient pour faire cesser les entretiens. Il appelle Nicolas Fayol, chargé des relations extérieures chez Toyota, qui, une semaine auparavant, expliquait au téléphone que le site ne communiquait plus. « Mais pourquoi interrogez-vous les salariés comme ça à la sauvette, demande-t-il ? Pourquoi n’avez-vous pas demandé une autorisation ? Je vous l’aurais accordée. On est une entreprise ouverte, ici. Vous cherchez quel genre de jeunes ? ».

Cinquante-sept secondes

À la sortie, Éric Pecqueur guette, inquiet, dans sa voiture. On quitte le parking pour retrouver Cédric dans un café du centre-ville de Valenciennes. Récemment syndiqué à la CGT, ce garçon blond et musclé, âgé de vingt-cinq ans, passe à la salle de gym tous les mercredis, avant de rejoindre la chaîne à quatorze heures. Il y monte des planchers et des systèmes de freins, au rythme « d’une voiture toutes les cinquante-sept secondes ». C’est le standard chez Totoya.

Selon la règle du « juste à temps », ce temps évolue au gré de la demande des clients : au printemps, une voiture était produite toutes les soixante-seize secondes ; il y a deux ans, le rythme était de quatre-vingt-dix secondes.

« C’est très fatigant, on n’arrête jamais. J’ai des douleurs aux poignets, aux jambes, au dos. Et il y a aussi le stress, car il faut se dépêcher », explique Cédric. Il a connu l’intérim, après avoir passé un bac professionnel spécialisé en maintenance, notamment dans une usine Peugeot, « à côté », avant d’être embauché en 2003 chez Toyota. Un CDI, cela ne se refuse pas. Mais il se souvient qu’ailleurs, même si le travail à la chaîne obéissait à des procédures pré-définies,
« il était toujours possible de faire le travail dans un ordre qui nous convenait mieux. Nulle part ce n’est aussi strict que chez Toyota ».

Comme l’explique Cédric, chez Toyota, les primes, appelées « intéressements », dépendent de trois critères : le respect du plan de production – « Si on produit moins que ce qui est prévu, notre prime baisse ; si on produit plus, on ne gagne rien » – ; la qualité, mesurée par le nombre de défauts ; et la sécurité, mesurée par le nombre d’accidents de travail.

Le système est source de nombreux effets pervers. « La pression entre members est très forte. Dès que tu risques d’arrêter la ligne, les copains te font remarquer que tu mets leur prime en danger », souligne Cédric. Autre effet pervers, dès que le team leader repère un défaut, il s’empresse de le dire à la direction, « sans venir nous voir ». À l’inverse, les accidents de travail « ne sont pas toujours déclarés, et, quand ils le sont, pas forcément pris en compte », ajoute Cédric.

Dégoûté par le « chantage aux évolutions de carrière », Cédric a décidé de se syndiquer, mais ne le rend pas public : « Sinon, je serai marqué au fer rouge, je subirai des pressions quotidiennes et n’aurai plus de carrière. »

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Cinq minutes de communication

Au téléphone, quelques semaines plus tard, Nicolas Fayol, de la direction de la communication de l’entreprise, n’est toujours pas en mesure d’accorder une autorisation pour visiter l’usine, mais se montre intarissable sur la politique de recrutement de Toyota : « Nous embauchons sans conditions d’âge et d’expérience professionnelle, aussi nos effectifs sont le reflet du Valenciennois, région qui est assez jeune dans son ensemble. 40 % de nos salariés ont été recrutés à la sortie de l’école ou étaient sans emploi, 35 % étaient en situation précaire, petits boulots, CDD, mi-temps, emplois temporaires, etc. Notre entreprise offre en outre d’importantes possibilités de promotion interne. Cela créé beaucoup de motivation, une émulation très forte. »

Nicolas Fayol récuse le terme de toyotisme, « trop péjoratif ». Le système de production de Toyota (Toyota production system), « un outil de référence dans le monde industriel que tout le monde essaie de copier », est appliqué sur le site d’Onnaing, mais, ajoute le chargé de communication, « sans que cela soit un copier-coller bête et méchant de ce qui se fait au Japon ».

Le chargé de communication de Toyota définit plutôt l’organisation de l’entreprise comme « une structure très à l’écoute des gens, avec une hiérarchie très proche, à qui on peut exposer ses ressentiments vis-à-vis des collègues, qui apporte une aide dans la réalisation des tâches et peut expliquer la stratégie de l’entreprise ». Ainsi, chaque jour, les group leaders ou chefs d’équipes consacrent cinq minutes à la communication avant la prise de poste des opérateurs, « échange » où il est question de « l’actualité de l’entreprise, de l’organisation du travail, on leur reparle du déroulement de la ligne précédente ».

Une assistante sociale est également présente à temps plein dans la structure, et Toyota a mis en place une cellule pour l’hébergement. Les salariés bénéficient d’une mutuelle pour vingt euros par mois et peuvent participer à des activités de loisirs financées par l’entreprise. Le chargé de communication définit cet ensemble comme « une politique paternaliste appliquée à une entreprise de trois mille personnes ». Plus tard, il utilise le terme de « volonté communautariste ». Extrait du dialogue qui s’en suit.

Vous assumez cette expression ?

Non, je le dis avec vous, c’est pour marquer le fait que nous assurons un suivi proche, et qu’il y a une identification forte des salariés à l’entreprise, une identification réelle qui ne se décrète pas.

Et comment s’insère le dialogue social avec les syndicats dans ce système ?

Le dialogue social avec les syndicats a une fonction particulière… Beaucoup de gens s’imaginent que les Japonais ne tolèrent pas les syndicats. C’est une erreur. Il s’agit de préjugés culturels simplistes. Il faut absolument en parler ! La vocation des syndicats est de relever les problèmes au sein de l’entreprise. Ce sont des instances parfaitement utiles. Maintenant, chez nous, cinq organisations syndicales sont représentées… Et nous signons les accords négociés, notamment sur les salaires, avec celles qui veulent bien signer !

C’est-à-dire ?

Bah, vous savez bien, il y a un syndicat en France qui ne signe jamais aucun accord. Chez nous, il n’a même pas signé l’accord sur l’intéressement…

Qui ça ?

Vous savez bien, il n’y en a qu’un, en France, qui ne signe jamais…

Enfin, vous avez quand été attaqué pour discrimination syndicale.

C’est le même syndicat, encore une fois !

Combien d’actions sont-elles en cours ?

Je ne saurais vous le dire exactement.

Les réponses de Nicolas Fayol sur les différentes actions aux prud’hommes seront toutes du même tonneau : « Cela fait partie de la vie interne des entreprises… Il y a des enjeux qui dépassent le cadre de notre entreprise : certains syndicats relaient surtout ce que les centrales parisiennes leur demandent… ».

La section CFDT de l’usine Toyota d’Onnaing est resté de son côté injoignable tout au long des trois mois sur lesquels s’est déroulée, par intermittence, cette enquête au cœur du toyotisme à la française. Un système qui soumet les hommes à un niveau de productivité-record, collant au plus près à la demande. Sur un site immense, où les ouvriers travaillent par petites équipes, ce système se fonde sur l’illusion que chacun est team member à égalité avec les autres, tout en maintenant une concurrence entre opérateurs, et laissant peu de place à toute opposition syndicale…

Au sujet de Naïri Nahapetian

Naïri Nahapétian est née à Téhéran de parents arméniens. Elle a quitté l'Iran à l'âge de 9 ans, après la Révolution islamique. Elle vit à Paris. Journaliste free-lance durant plusieurs années, elle travaille actuellement pour le mensuel Alternatives économiques. Elle est l'auteure de l'essai L'Usine à vingt ans paru dans la collection « Bruits » (Les petits matins/Arte éditions, 2006) et publie régulièrement des nouvelles, notamment dans les revues Rue Saint Ambroise

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