Tout le monde ne se retrouve pas dans la « grande presse ». Du coup, beaucoup d’autres manières d’informer coexistent : la presse « différente », « l’autre » presse, la presse « contestataire », « militante », « citoyenne », celle dite du « tiers secteur », « sociale », « alternative »… En quels termes peut-on définir ce que cachent ces « étiquettes » ? Quelles sont leurs ressemblances, leurs points de discordance ? Leur credo ? Leur identité ? Il n’y a pas une presse mais des presses. Il n’y a pas une définition mais des définitions.

La presse dite « sociale » (affiliée au syndicat de la presse sociale), touche à la société civile, c’est une presse d’information spécialisée. Elle rassemble les titres édités par des associations pour la plupart professionnelles, partenaires des institutions, reconnues d’utilité publique ou encore agrémentées « éducation populaire » mais aussi par des organismes mutualistes, des organisations coopératives, syndicales ou familiales. Adhérents (d’un syndicat, d’une mutuelle, d’une association), nous recevons tous cette forme de presse dans nos boîtes aux lettres.

Ses lecteurs sont volontiers considérés comme des acteurs, participant à une communauté de pensée et à un mouvement social.
Lien Social par exemple est une revue hebdomadaire faite par et pour les travailleurs sociaux. Le journal se revendique « sérieux sans être ennuyeux, critique sans complaisance ni sectarisme. Il parle avec humour et discernement de ce qu’il connaît : le travail social au quotidien. Il offre un outil d’échange d’informations et de réflexion, de confrontation, de recherche, de nature à enrichir et dynamiser la pratique quotidienne des professionnels du secteur sanitaire et social. »

Diffusée uniquement par abonnement, la revue bénéficie aussi de quelques ressources publicitaires généralement en dehors des annonceurs « consuméristes ».

Dans la presse dite « alternative , tout comme dans la presse sociale, les lecteurs sont considérés comme acteurs : « de l’information à l’inform’action ».
« Le guide des médias alternatifs » liste une série de critères de sélection :

 la présentation d’alternatives et de critiques face à la société capitaliste, avec adresses et propositions constructives,

 l’autonomie financière du média, sa gestion saine sans l’influence d’entreprises polluantes (par exemple sans le marchand de canons Dassault, sans Lagardère ou EDF),

 l’absence de publicités nocives (par exemple pour des « cartes de crédits » ou pour le nucléaire),

 le fonctionnement horizontal du média, sa structure démocratique, égalitaire,

 la diversité et la transparence de ses sources d’informations,

 la pratique de l’information libre, par exemple en copyleft (reproduction possible d’une information, gratuitement en citant la source et son adresse),

 le respect d’autrui, le respect des personnes différentes, de toutes origines, de tous pays, de toutes couleurs et de toutes opinions.

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Exemple parmi d’autres : « Silence » est une revue mensuelle, née en 1982. Gérée par une association indépendante, elle est orientée écologie, non violence et cherche à proposer des alternatives à la « pensée unique ».

Résistant à l’invasion de la société de consommation, la revue préconise de réduire la production de biens polluants au profit des relations humaines : « La question sociale est intimement liée à la question écologique ». Par souci de cohérence, « Silence » est imprimé sur du papier recyclé blanchi sans chlore.
Leurs articles sont libres de reproduction pour que l’information circule. Leur rêve ? Que les lecteurs deviennent des insoumis actifs dans notre société. Leurs principes ? La transversalité via les réseaux, les micro-projets, les échanges d’informations : « Soyons donc complexes, différents, multiformes et tolérants ».

L’équipe de la revue a refusé d’investir du temps dans les demandes de subventions se contentant des aides automatiques réservées à la presse (taux de TVA privilégié, aide à l’embauche de salariés). Six salariés en CDI équivalents à 3 temps pleins y travaillent. Au départ, une soixantaine d’abonnements de sympathisants a financé un poster de soutien qui a lui-même financé l’achat de papier recyclé et, au final, la publication du premier numéro. Sa diffusion se fait par abonnement, vente au numéro et stands tenus par des bénévoles. La revue fête ses 25 années d’existence, ce qui prouve, à l’évidence, sa bonne santé et sa capacité à répondre à un besoin.

La presse dite du « tiers secteur »

2006 a vu trois rencontres de quelques médias différents, à Grenoble en avril, à Marseille en mai, et à Saint-Denis en septembre.

Elles ont abouti à « l’Appel de Marseille », ainsi qu’à une volonté de convergence des médias du tiers secteur qui se définiraient ainsi :

 ils sont indépendants, laïques, pluriels, à but non lucratif et respectueux de la déontologie du journalisme ainsi que des droits des créateurs.

 Ils considèrent que leur public est composé de citoyens actifs et non pas de consommateurs passifs. Leur gestion est démocratique et fondée sur les valeurs associatives.

 Ils sont ouverts, participatifs, constructifs et transparents. Ils explorent de nouveaux dispositifs au service de l’expression populaire directe.

 Ils favorisent l’esprit critique vis-à-vis de toutes les formes de domination.

 Ils défendent et pratiquent l’égalité des droits entre les femmes et les hommes.

 Ils sont soucieux de la lutte contre toutes les formes d’exclusion et de discrimination.

 Ils sont attentifs à la promotion des identités culturelles dans toute leur diversité, des droits de l’être humain et de tout ce qui contribue à un monde plus solidaire, plus juste et plus respectueux de l’environnement.

 Tournant le dos à toutes les pratiques concurrentielles, ils aspirent à travailler ensemble, dans la coopération et la complémentarité, en s’organisant en réseaux transversaux pour créer les indispensables synergies et solidarités locales, régionales, nationales, européennes et internationales.

Les liens unissant ces trois types de presse sont plutôt identiques ou complémentaires. La presse sociale ferait peut-être davantage appel aux subventions des, certains titres sont plus spécialisés, plus professionnels. Des journalistes possédant la carte de presse mais aussi des acteurs non journalistes et des bénévoles constituent les équipes rédactionnelles des trois formes de presse.
Hormis, les revues des mutuelles ne se retrouvant pas dans d’autres catégories que le social, les syndicats et les associations participent aux trois.
Avec l’arrivée des nouvelles technologies, ces presses aussi se posent la question de leur survie.

La « presse sociale » s’interroge sur son devenir et un possible soutien européen en organisant les premières « rencontres européennes de la presse sociale (le 26 septembre dernier au Conseil économique et social), les médias du tiers secteur veulent « convergent » pour devenir plus forts et les « alternatifs », habitués au soutien citoyen et idéologique bénéficie du bon accueil réservé au guide des médias alternatifs.

On ne peut que s’interroger sur les divisions qui séparent encore ces trois types de presse se retrouvant entre autres sur la question sociale, l’information et l’inform’action, leur but non lucratif… L’union et la force n’auraient-ils donc plus cours ?



Médias alternatifs : le guide

Le « Guide des médias alternatifs et des sources d’informations différentes » (Esteban, septembre 2006) en 368 pages, sans publicité, comprend notamment :

 un annuaire thématique des médias alternatifs, avec plus de 600 contacts de médias différents : revues alternatives, radios libres, télévisions associatives, newsletters et sites internet engagés,

 des entretiens avec des journalistes et médiactivistes,

 un carnet d’adresses de lieux-ressources et contacts utiles,

 des conseils et astuces pour créer un média alternatif,

 une bibliographie ainsi qu’un Index des médias et noms cités.

Distribué en librairies par le réseau Dif’Pop ou par le site www.guidaltern.org.

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