La crise a clairement dĂ©montrĂ© que les problèmes qui touchent une banque isolĂ©e peuvent gagner l’ensemble du secteur financier et se propager rapidement au-delĂ  des frontières.

Les dĂ©faillances d’un certain nombre de banques importantes (Fortis, Lehman Brothers, banques islandaises, Anglo Irish Bank) pendant la crise ont rĂ©vĂ©lĂ© de graves lacunes dans les dispositifs existants. Elle a Ă©galement mis en Ă©vidence l’absence de systèmes permettant de gĂ©rer les Ă©tablissements financiers en difficultĂ©. Il existe peu de règles sur les mesures Ă  prendre par les autoritĂ©s en cas de crise bancaire. Faute de mĂ©canismes permettant d’organiser une dissolution ordonnĂ©e, les États membres de l’UE n’ont eu d’autre choix que de renflouer leur secteur bancaire. Les aides d’État destinĂ©es Ă  soutenir les banques ont reprĂ©sentĂ© 13 % du PIB.

Se fondant sur ce constat, le G20 a estimĂ© qu’il fallait mettre en place des cadres de prĂ©vention et de gestion des crises. Suite Ă  cette volontĂ© du G20, la Commission europĂ©enne a rĂ©cemment prĂ©sentĂ© son projet de cadre europĂ©en de gestion des crises dans le secteur financier, en prĂ©lude aux mesures lĂ©gislatives prĂ©vues pour le printemps 2011 qui crĂ©eront un cadre global de gestion des crises pour les banques et les entreprises d’investissement.

Michel Barnier, membre de la Commission chargĂ© du marchĂ© intĂ©rieur et des services, a dĂ©clarĂ©: «Notre première prĂ©occupation consiste Ă  Ă©viter de nouvelles crises financières. C’est la raison pour laquelle il est si important de renforcer le secteur bancaire et de crĂ©er un cadre de surveillance efficace. Mais cela ne mettra pas les banques Ă  l’abri de toute difficultĂ©. Les faillites demeurent possibles et doivent le rester, mais sans menacer l’ensemble du système financier ni risquer d’en faire supporter le coĂ»t par le contribuable. Aucune banque ne devrait ĂŞtre si grande ou si interconnectĂ©e que sa faillite ne peut ĂŞtre envisagĂ©e. Il faut donc mettre en place un cadre prĂ©cis afin que les autoritĂ©s dans toute l’Europe puissent intervenir lorsque des banques sont en difficultĂ© et rĂ©agir de manière ordonnĂ©e Ă  d’Ă©ventuelles dĂ©faillances bancaires. Telle est l’ambition du projet prĂ©sentĂ© aujourd’hui.»

Dans sa communication, qui est le rĂ©sultat de consultations menĂ©es en 2010, la Commission prĂ©sente les grandes lignes de ses propositions lĂ©gislatives pour 2011. Si la prioritĂ© immĂ©diate consiste Ă  mettre en place des modalitĂ©s efficaces de gestion des crises dans l’ensemble des États membres, la Commission prĂ©voit Ă©galement une «feuille de route», qui prĂ©sente quelques-uns des grands dĂ©fis Ă  relever Ă  plus long terme pour faciliter la gestion des crises.

Le nouveau cadre, tel qu’il est dĂ©crit dans la communication, aura un champ d’application Ă©tendu. Il vise Ă  doter les autoritĂ©s d’instruments et de pouvoirs communs et efficaces pour faire face aux crises bancaires dès les premiers signes de leur apparition et Ă©viter d’en faire supporter le coĂ»t par le contribuable. L’arsenal de mesures comprendra:

 des mesures prĂ©paratoires et prĂ©ventives, telles que l’obligation faite aux Ă©tablissements et aux autoritĂ©s de prĂ©parer des plans de relance (c’est-Ă -dire de prĂ©voir l’Ă©ventualitĂ© oĂą une banque serait confrontĂ©e Ă  de graves difficultĂ©s) et de rĂ©solution pour parer Ă  des difficultĂ©s financières ou Ă  une situation de faillite (ces plans sont appelĂ©s «dispositions testamentaires»);

 des pouvoirs permettant l’adoption rapide de mesures destinĂ©es Ă  remĂ©dier aux problèmes avant qu’ils ne deviennent graves, tels que la compĂ©tence accordĂ©e aux autoritĂ©s de surveillance d’imposer le remplacement d’instances de direction ou d’exiger d’un Ă©tablissement qu’il mette en Ĺ“uvre un plan de relance ou cède des activitĂ©s ou des lignes d’activitĂ©s qui reprĂ©sentent un risque excessif pour sa soliditĂ© financière;

 des instruments de rĂ©solution des dĂ©faillances, tels que le pouvoir de faciliter l’acquisition d’une banque ou d’une entreprise dĂ©faillante par un Ă©tablissement sain, ou de transfĂ©rer tout ou partie de ses activitĂ©s vers une «banque relais» temporaire afin de permettre aux autoritĂ©s d’assurer la continuitĂ© de services essentiels et de gĂ©rer la faillite d’une manière ordonnĂ©e.

Aucune banque ou entreprise ne devrait ĂŞtre si grande que sa faillite ne peut ĂŞtre envisagĂ©e («too big to fail»). L’objectif premier consistera Ă  veiller Ă  ce que les banques puissent faire faillite sans mettre en pĂ©ril la stabilitĂ© financière en gĂ©nĂ©ral. La rĂ©solution des dĂ©faillances bancaires doit pouvoir s’effectuer en rĂ©duisant au minimum les risques de contagion et en garantissant la continuitĂ© des services financiers essentiels, parmi lesquels l’accès des titulaires de compte bancaire Ă  leur compte. Le cadre doit offrir un substitut crĂ©dible aux coĂ»teuses opĂ©rations de renflouement de banques que nous avons vĂ©cues ces dernières annĂ©es.

L’Europe est Ă©galement confrontĂ©e au fait que beaucoup de banques opèrent sur l’ensemble du territoire europĂ©en, alors qu’aucun système n’est prĂ©vu pour parer aux consĂ©quences transfrontalières d’une dĂ©faillance bancaire Ă  l’Ă©chelle europĂ©enne. Un dĂ©fi majeur consiste, dès lors, Ă  mettre en place un dispositif efficace garantissant une coordination et une coopĂ©ration optimales entre les autoritĂ©s afin de rĂ©duire au minimum les rĂ©percussions nĂ©gatives Ă©ventuelles lorsqu’une banque transfrontalière fait faillite.

La Commission propose de s’appuyer sur les collèges d’autoritĂ©s de surveillance existants (groupes d’autoritĂ©s de surveillance nationales) pour crĂ©er des collèges d’autoritĂ©s de rĂ©solution (rĂ©unissant les autoritĂ©s de surveillance et les administrations nationales responsables de la rĂ©solution des dĂ©faillances) chargĂ©s d’assurer la planification et la gestion des crises.

La Commission proposera Ă©galement que les nouvelles autoritĂ©s de surveillance europĂ©ennes et notamment l’autoritĂ© bancaire europĂ©enne, jouent un rĂ´le de coordination et de soutien dans les situations de crise, sans empiĂ©ter sur les responsabilitĂ©s budgĂ©taires des États membres.
Comme elle l’avait déjà expliqué en mai 2010 dans sa communication sur les fonds de résolution des défaillances bancaires, la Commission propose également la création de fonds nationaux alimentés par des contributions versées par les banques, afin de financer le coût d’éventuelles mesures de sortie de crise et de faire de la résolution une solution crédible.

Actuellement, le renflouement par les gouvernements Ă©tant le seul choix possible, le risque moral est omniprĂ©sent dans le système. L’existence de mĂ©canismes de financement communs permettant d’Ă©viter le recours aux deniers du contribuable devrait amĂ©liorer la coopĂ©ration transfrontalière et faciliter la planification de la rĂ©partition des coĂ»ts de rĂ©solution des dĂ©faillances d’établissements transfrontaliers.

Enfin, la communication Ă©tablit une feuille de route des mesures qui seront envisagĂ©es Ă  plus long terme pour produire un cadre de gestion des crises qui soit plus intĂ©grĂ©, et notamment mieux adaptĂ© aux groupes bancaires europĂ©ens intĂ©grĂ©s (c’est-Ă -dire aux banques opĂ©rant Ă  l’échelon europĂ©en). La Commission apprĂ©ciera le bien-fondĂ© d’une harmonisation accrue des rĂ©gimes d’insolvabilitĂ© bancaire, un rapport Ă©tant prĂ©vu pour la fin de 2012, et dĂ©terminera, parallèlement au rĂ©examen des activitĂ©s de l’autoritĂ© bancaire europĂ©enne en 2014, la meilleure mĂ©thode pour mettre en place un cadre plus intĂ©grĂ© en matière de rĂ©solution des dĂ©faillances de groupes transfrontaliers.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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