Pas de taxe carbone au 1er janvier : le Conseil constitutionnel a estimé que les exemptions trop importantes (elles concernaient 93% des émissions de CO2 d’origine industrielle hors carburant, et globalement plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre) créaient pour les particuliers une situation d’inégalité face à l’impôt.

Rappelé à l’ordre par les Sages, le gouvernement a d’abord promis une nouvelle mouture de la loi pour le 20 janvier. Mais freiné par sa majorité, Nicolas Sarkozy a finalement décidé que la réécriture de la loi prendrait plus de temps. Et qu’elle ne repasserait pas devant le Parlement avant les élections régionales, histoire de ne pas mettre la droite sous pression… et de ne pas agiter un chiffon rouge devant les électeurs et les candidats de la majorité en parlant de taxe en pleine campagne électorale. Dans le meilleur des cas, la nouvelle loi ne devrait s’appliquer qu’au 1er juillet. Mais combien de rebondissements possibles d’ici là ?

Dommage pour la fiscalité environnementale, même si l’institution présidée par Jean-Louis Debré affirme que la décision a été rendue pour rendre à la taxe une efficacité que les exonérations multiples lui avaient fait perdre. Car qu’en sera-t-il de la nouvelle mouture, après l’impopularité de la mesure critiquée par deux Français sur trois, après la bronca des députés de la majorité contre le principe d’une nouvelle taxe, et après l’échec du sommet de Copenhague qui porte atteinte à la pertinence politique des dispositions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ?

Une loi voulue par Nicolas Sarkozy…

La référence à Copenhague n’est pas qu’un effet de style. C’est pour se présenter comme le champion européen de la lutte contre le réchauffement climatique que Nicolas Sarkozy avait accélérer l’adoption de sa contribution climat énergie. Espérant bien que, à Copenhague, l’Union européenne procéderait à des annonces pour signifier l’extension de ce principe jusqu’aux frontières de l’Europe. Et comme l’Union est le continent le plus avancé pour réduire les émissions de CO2, le président français espérait bien ainsi apparaître comme le champion mondial d’un avenir plus vert. Il est bien évident que Copenhague n’ayant abouti à aucune décision, c’est toute la démarche de la France dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre qui pourrait être révisée à la baisse – taxe carbone comprise.

En outre, les députés UMP hostiles à la taxe ont, en quelque sorte, gagné une manche. Certes, le PS était également contre l’instauration d’une taxe, même si au départ certains de ses membres avaient été séduits par une contribution pour lutter contre les émissions de CO2. Mais minoritaires à l’Assemblée, les socialistes n’auraient pu, seuls, faire échec à la loi. Les agriculteurs, les marins pêcheurs avaient d’emblée bénéficié d’allègements de la part du gouvernement ; les routiers avaient suivi. Mais lors du débat à l’Assemblée, les députés de la majorité se sont empressés d’en ajouter d’autres, d’autant plus facilement votés par cette majorité que le président du groupe UMP, François Coppé, s’était montré lui-même très réservé sur l’opportunité de cette loi.

… mais vidée de sa substance par la majorité

Bref, à force d’introduire des exemptions, la majorité a en quelque sorte facilité la tâche au PS pour obtenir que la loi fût retoquée par un Conseil constitutionnel qui ne pouvait que constater son caractère inégalitaire. Un bien mauvais coup porté à Nicolas Sarkozy par ses propres troupes à l’Assemblée par un travail parlementaire de sape pour vider la loi de sa substance. Quel choix sera maintenant celui de François Fillon pour que la réécriture de cette loi ne déclenche pas la même bronca dans les rangs de l’UMP, surtout à la veille des élections régionales ?

Reste que le candidat Sarkozy s’était engagé par la signature du Pacte écologique de Nicolas Hulot à mettre en place une fiscalité environnementale, que le président doit demander au gouvernement d’être en phase avec les conclusions du Grenelle de l’Environnement, qu’un deuxième projet de loi encore plus frileux serait contre-productif pour l’image de Nicolas Sarkozy auprès des Verts et de leurs partisans (alors que le premier projet de taxe établi sur la base d’une tonne de CO2 à 17 dollars était déjà apparu bien peu ambitieux)… Les enjeux écologiques l’emporteront-ils sur les calculs politiques, surtout si l’Europe en vient à traîner les pieds pour étendre la mesure ? On espérait une réponse en janvier. Il faudra maintenant attendre plusieurs mois.