Indéfectiblement, et un peu partout, les femmes continuent d’être moins bien rémunérées que les hommes. Suffisamment pour inspirer à la Commission Européenne une campagne dans toute l’Union : “A travail égal, salaire égal”. Pourtant, à l’épreuve des faits, il y a de quoi rester sceptique quant à l’évolution des pratiques. D’autant plus qu’en la matière, même l’angle de vue statistique est sexué.

17,4%. C’est l’écart de salaire moyen entre hommes et femmes, tous secteurs d’activité confondus dans l’Union européenne.
L’égalité de rémunération pour un travail égal constitue l’un des principes fondateurs de l’Union européenne. Ancré dans le traité de Rome de 1957, ce principe a déjà fait l’objet en 1975 d’une directive, qui interdit toute discrimination dans l’une ou l’autre des composantes de la rémunération entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de valeur égale. La législation a permis d’accélérer la réduction des cas de discriminations “simples et visibles”, comme les écarts de rémunération à travail égal, expérience égale, compétences égales et résultats égaux.
Il n’empêche, 17,4%, voilà qui ne s’apparente en rien à un décrochage anecdotique. D’autant moins qu’il semble ataviquement ancré dans les pratiques. Comme une fatalité devant laquelle on – les femmes et les hommes- aurait définitivement fini par abdiquer.

Le poids du temps partiel

Ces disparités trouvent plusieurs facteurs d’explication. Premier d’entre eux: le temps de travail. En France par exemple, les femmes sont cinq fois plus souvent en temps partiel que les hommes. En outre, les hommes effectuent davantage d’heures supplémentaires.
Pourtant, toujours en France, si l’on compare les situations à temps complet, les femmes gagnent encore 19% de moins que les hommes.
Si l’on descend dans le niveau de détail en comparant les situations à poste, qualification, expérience et secteurs d’activité équivalents, on constate encore un écart de 10%.

Revenons à l’Europe. Le rapport sur l’égalité entre les femmes et les hommes publié par la Commission pour 2009 confirme qu’en dépit de certains progrès, des inégalités entre les deux sexes demeurent dans de nombreux domaines. Le taux d’emploi des femmes : 58,3% contre 72,5% chez les hommes. Le temps partiel : 31,2 % (vs 7,7%), particulièrement élevé dans des secteurs où l’emploi est moins bien rémunéré.

Les femmes écartées des postes clés

Les femmes sont également largement sous-représentées aux postes clés de la vie économique et dans la vie politique européenne. Tous les gouverneurs des banques centrales des vingt-sept États membres de l’Union sont des hommes. La sous-représentation des femmes aux postes les plus élevés est très marquée dans les grandes entreprises : 90% des membres des conseils d’administration sont des hommes (ratio qui s’est à peine amélioré au cours des dernières années).
Si la proportion de femmes dans les parlements nationaux a augmenté de moitié environ au cours de la dernière décennie, passant de 16% en 1997 à 24% en 2008 (31% au sein du Parlement européen), la parité est bien loin. Et moyenne, les ministères nationaux comptent trois fois plus d’hommes que de femmes.

Rappelons que les femmes constituent pourtant 59% de l’ensemble des nouveaux diplômés universitaires.

Statistique : selon que l’on se place d’un côté ou de l’autre…

La discrimination salariale entre hommes et femmes semble tellement ancrée dans les réflexes qu’elle a fini par orienter jusqu’à la présentation des chiffres.
Explication avec l’exemple français.
Tous temps de travail confondus, le salaire des femmes en France équivaut en moyenne à 73 % de celui des hommes (données publiées en 2006 par le ministère du Travail). Les femmes gagnent donc 27% de moins que les hommes. Ou – ce qui est mathématiquement aussi exact – les hommes gagnent 37% de plus que les femmes.
Le plus souvent l’écart de salaires hommes/femmes est présenté du point de vue masculin, c’est-à-dire rapporté au niveau de salaire étalon, celui des hommes. Le calcul se fait ainsi : 100 moins 73 = 27. Divisé par 100 = 27%. Mais on peut inverser le point de vue en partant du salaire des femmes. Le calcul est alors le suivant : 100 moins 73 = 27. Divisé par 73 = 37%. Il est frappant de constater que c’est la méthode aboutissant au ratio d’écart le plus faible qui reste la référence utilisée par les médias et les institutions.

Au sujet de Muriel Jaouën

Journaliste de formation (ESJ Lille, 1990), Muriel Jaouën publie régulièrement dans le magazine de Place-Publique. Ses spécialités : économie sociale, développement durable, marketing, communication, organisations, management.

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