L’impatience des acteurs économiques sur la construction du Grand Paris commence à percer. Elle est d’autant plus perceptible que les premiers contrats de développement territoriaux (CDT) ont été identifiés

Les premiers contrats de développement territoriaux portent sur l’aménagement de zones autour de futures gares. Mais si le projet a jusqu’à présent été réduit à sa composante « transports » (le schéma du futur réseau a été rendu public le 26 mai), celle-ci n’est pas une fin en soi. Les 57 gares du futur réseau de 175 km du Grand Paris Express (qui viendra s’ajouter aux réseaux existants de métro, RER et trains franciliens) doivent avant tout exercer un effet de levier pour stimuler le développement de projets urbains.

A ce jour, on compte 17 contrats territoriaux, et les premières signatures sont attendues pour la fin de l’année 2011. D’où une certaine fébrilité au sein des entreprises qui aimeraient savoir dans quelle enceinte faire prévaloir leur vision et mettre en avant leurs contraintes, dans les domaines de l’énergie, de la logistique, de la gestion des déchets, des réseaux numériques…

Or, si le schéma de métro automatique peut maintenant progresser, avec un calendrier (tout théorique) de travaux entre 2013 et 2023 et une mise en service des premiers tronçons en 2018, la gouvernance de l’ensemble des autres projets reste encore à construire. Et compte tenu de la dimension pharaonique du projet global, les acteurs du Grand Paris de demain – politiques, économiques, institutionnels – s’interrogent pour trouver par quel bout prendre le problème.

400 projets à faire progresser

Ils ne partent pas tout à fait de rien. La loi Grand Paris de juin 2010 a créé la Société du Grand Paris, présidée par André Santini, qui doit se concentrer sur la réalisation du schéma d’infrastructures. Et pour pousser les autres projets urbains, l’Ateliers international du Grand Paris (AIGP) a vu le jour en février 2010. Mais la première assemblée générale de cette structure qui rassemble l’Etat, la ville de Paris, la Région, les maires d’Ile de France (représentant 192 collectivités) et les acteurs économiques (dont la Chambre de commerce et d’industrie de Paris) regroupés au sein de Paris Métropole, ne s’est réunie que le 7 juin dernier. Pierre Mansat, adjoint au maire de Paris, doit son élection à la présidence de l’AIGP début juin à un accord politique entre Nicolas Sarkozy et les socialistes Jean-Paul Huchon, président de la région Ile-de-France, et Bertrand Delanoë, le maire de Paris. Sa marge de manœuvre devrait être très encadrée.

Bertrand Lemoine, directeur de l’AIGP, doit composer avec cette assemblée hétéroclite et inventer les moyens de lever les obstacles de procédures. « Nous devons faire un urbanisme de projets plutôt qu’un urbanisme de règles », déclare-t-il. Beau programme. Mais comment le construire ?

Il s’appuie notamment sur un conseil scientifique composé de la fine fleur des architectes urbanistes qui piaffent d’impatience de passer de la réflexion à la réalisation. Jean-Yves Le Bouillonnec, député maire de Cachan, préconise la rupture avec les modèles existant pour progresser malgré tout. Mais les entreprises, emmenées par la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP) et son nouveau président Pierre-Antoine Gailly, se demandent quand elles seront sollicitées par les architectes pour mettre en avant leurs expertises et leurs propres projections sur la métropole de demain.

Car les idées fusent. Comment les mettre en musique, en tenant compte des situations existantes ? L’AIGP, qui évalue à 400 le nombre de projets urbains actuellement en gestation, est interpelée tant par les élus et les acteurs économiques que par les architectes. Des équipes pluridisciplinaires doivent être mises en place pour faciliter le dialogue. Il faut avancer, pour que le projet gagne en crédibilité.

Débat sur les dotations

Certes, des décisions ont été prises pour amorcer la pompe. Alors que le coût des investissements prévus se monte à 32,4 milliards d’euros (sans compter les habituels dérapages dans ces travaux pharaoniques), l’Etat a déjà annoncé que la Société du Grand Paris profiterait d’une dotation initiale de 4 milliards d’euros. Mais à l’occasion de la discussion à l’Assemblée nationale de la loi de finances rectificative 2010, le principe de cette dotation pour l’instant virtuelle a alimenté les débats.

Le député UMP Gilles Carrez, rapporteur de la Commission des Finances, s’est lui-même interrogé : « Où sont les 4 milliards d’euros », article 15) ? En guise de réponse François Baroin, ministre du Budget, a confirmé que l’Etat tiendrait cet engagement. De même, il est prévu de dégager 5 milliards d’euros par le biais de la fiscalité (taxe annuelle sur les bureaux, taxe spéciale Grand Paris…). Mais ces nouvelles taxes, destinées au projet de Grand Paris, venant de la part d’un gouvernement qui se targue de ne pas augmenter les impôts, ont suscité les critiques au Palais Bourbon.

Quoi qu’il en soit, les besoins de financement iront bien et le recours à l’emprunt fait évidemment partie de la panoplie des moyens à mettre en œuvre. « Sur les problématiques de la capacité d’emprunt, nous avons encore besoin d’ajuster nos points de vue », a concédé François Baroin. Plus les projets seront crédibles, réunissant tous les partenaires publics et privés, plus les investisseurs s’engageront.

C’est aussi un enjeu de la gouvernance à inventer pour qu’aboutisse le programme du Grand Paris.