Plus de 250 personnes ont d’ores et déjà signé l’appel de Mémorial France

Le 11 novembre, le Procureur général de la Fédération de Russie a déposé, devant la Cour Suprême, une demande de dissolution de l’ONG Memorial International au prétexte que celle-ci « viole systématiquement la loi […] et le droit international (sic) par ses activités ». Cette offensive vise à éliminer l’ONG la plus emblématique de la société civile russe qui, depuis 1989, lutte sans relâche contre toutes les atteintes aux droits humains en Russie et oeuvre à une meilleure connaissance et à la préservation de la mémoire des répressions de masse et des crimes staliniens. Elle s’inscrit dans le droit fil de la politique engagée depuis une dizaine d’années, en particulier depuis la tristement célèbre loi de 2012 sur les « agents de l’étranger » (ce terme désignant toutes les ONG recevant un financement international) qui oblige, entre autres, ces ONG, à marquer sur toutes leurs activités, documents, correspondance, la mention « Agent étranger ». Memorial International et ses branches régionales ont fait l’objet, ces derniers temps, de pressions croissantes de la part des autorités : perquisitions et contrôles fiscaux à répétition, campagnes de dénigrement dans les médias, amendes astronomiques pour « non-respect de l’affichage de la mention d’agent étranger », menaces contre ses membres. Plusieurs de ses responsables ont été́ arrêtés et condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement. 

Une nouvelle étape — cruciale — a été franchie puisqu’il ne s’agit pas moins que de la « liquidation » (traduction littérale du terme utilisé par le Procureur général) de Memorial International et de l’ONG qui lui est proche, le Centre des Droits humains Mémorial. 

L’association Memorial International est une des institutions russes dont le travail historien sur les répressions de l’époque stalinienne, les efforts pour recueillir les témoignages et préserver la mémoire des victimes de ces violences, ainsi que la défense des droits humains, ont toujours suscité un immense respect dans notre communauté. Elle a constitué des archives uniques sur l’histoire de ces répressions, sur la dissidence, sur bien d’autres questions essentielles de l’histoire du 20e siècle. Ses recherches, ses publications, ses activités muséales et pédagogiques, menées toujours avec la plus grande rigueur et honnêteté, en ont fait un acteur central dans le renouvellement et la diffusion de connaissances sur cette période. 

La dissolution de cette association serait perçue comme un non-sens scientifique et moral par la communauté académique et culturelle que nous représentons. En faisant disparaître un partenaire et un acteur essentiel du monde scientifique et culturel, elle desservirait les coopérations scientifiques que nous menons. 

Nous apportons notre entier soutien à Memorial International et demandons avec insistance que les menaces de sa dissolution soient levées. 

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

Catégorie(s)

A la une