L’école ne parvient pas à réduire les inégalités sociales : c’est en substance le constat dressé à l’issue de la conférence organisée par le think/tank Terra Nova autour du thème : « quel avenir pour la jeunesse ».

Cette conférence s’appuyait notamment sur les résultats d’une partie de l’enquête de France Télévisions « Génération quoi ? » Dans ce questionnaire, les jeunes livrent leur déception quant au fonctionnement du système éducatif : 61% d’entre eux estiment qu’il ne donne pas sa chance à tous et qu’il ne récompense pas le mérite. Une enquête de l’Insee confirme ce constat. Un fils d’enseignants, de cadres ou d’ouvriers n’obtiendra pas les mêmes résultats scolaires. « Sur 100 jeunes entrés en 6e en 1995, 44 sont désormais titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur. Cette part, qui s’élève à 76 % pour les enfants d’enseignants ou de cadres, n’est que de 31 % pour les enfants d’ouvriers qualifiés et 20 % pour les enfants d’ouvriers non qualifiés ».

C’est au primaire que les bases sont posées.

« Les enfants de milieux sociaux favorisés ont dès la 6ème de meilleurs résultats scolaires », poursuivent les experts de l’Insee. « Ainsi, aux épreuves d’évaluation à l’entrée en 6e, les trois quarts des enfants de cadres font partie de la moitié des élèves qui ont le mieux réussi, contre à peine un tiers des enfants d’ouvriers ». Un élève à l’aise dès la 6e n’aura pas trop de difficultés pour le reste de sa scolarité. À l’inverse, « les jeunes arrivés au collège avec un an de retard (ou plus) ou dont les performances en français et en mathématiques les plaçaient parmi les élèves les plus faibles, ont rencontré dans leur scolarité secondaire des difficultés qui leur ont rarement permis d’atteindre le baccalauréat. Seul un sur dix a obtenu un diplôme d’enseignement supérieur et quasiment aucun d’entre eux n’est parvenu au niveau bac+5 », indique l’Insee.

Le think tank Terra Nova relève également une vraie rupture au moment de l’entrée en 6ème. Pour les élèves en difficultés, le passage du maitre unique à une dizaine d’enseignants ayant des exigences et des styles d’enseignement différents auquel il faut ajouter la situation sociale de certaines familles qui n’ont ni les moyens ni le temps d’accompagner la scolarité de leurs enfants….sont autant de facteurs qui multiplient les risques d’échecs et de décrochages.

Quand l’étudiant s’achète un statut social

Et d’après les participants au débat Terra Nova, la discrimination sociale se poursuit au moment des études supérieures. Les grandes écoles sont toujours marquées par un élitisme social et intellectuel qui les souvent rend inaccessibles aux milieux modestes. D’un autre côté, les lycées professionnels n’ont hélas, pas bonne presse en France. La voie est donc toute tracée pour les étudiants issus des familles les plus aisées : un établissement scolaire situé dans les beaux quartiers, des cours de soutien scolaires, des vacances passées dans un summer camp américain, etc… Un environnement qui mène souvent ces jeunes aux classes préparatoires souvent sans réelle conviction : « Après l’école l’étudiant s’achète un statut social. Il attache peu d’importance au contenu et choisit les établissements les plus prestigieux –écoles d’ingénieurs, écoles de commerces- au détriment parfois de ses motivations profondes » relevait le sociologue et maître de conférence Camille Peugny.

L’ensemble du système éducatif est t-il à revoir alors que le processus de sélection et l’enseignement dispensés au sein de ces grandes écoles n’est plus forcément en phase avec les besoins des entreprises qui recherchent un savoir-être autant qu’un savoir faire ? Certains établissements telles que l’Ecole 42 lancée il y a un an par l’entrepreneur Xavier Niel pourrait faire des émules. Le processus de sélection cette école informatique d’un nouveau genre ne se fait ni sur le diplôme ni sur l’argent mais repose sur la motivation du candidat. Une initiative qui contribue à son modeste niveau, à réduire la fracture sociale en France.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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ETUDE, Le Magazine

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