Le concept de « green jobs » liés au développement durable porteur de création d’emplois, ne doit pas masquer les insuffisances liées aux conditions de travail. Un rapport de l’Onu en pointe les limites.

La notion d’« emplois verts » est devenue en quelque sorte emblématique d’une économie et d’une société plus durables, déterminées à préserver l’environnement pour les générations futures. Equation difficile que celle d’assurer de façon compatible le développement économique avec une empreinte écologique durable. Ce qui suppose une transformation de l’économie et de la société, comme le souligne le récent rapport de l’Onu « Green jobs: towards decent work in a sustainable, low carbon world » (1). Ce dernier soulève moult questions. A commencer par savoir si la lutte contre le changement climatique est potentiellement créatrice de millions d’emplois à travers le monde ?

C’est la première fois qu’une organisation internationale tente de chiffrer le phénomène sur le marché du travail de l’éco-économie. Et de se demander où ces emplois seront créés et qui a des chances d’y avoir accès? Mais aussi, et c’est une dimension importante du rapport, s’ils peuvent-ils être considérés comme décents et, comment faire, si ce n’est le cas pour qu’ils le deviennent ?

Les emplois verts réduisent l’impact sur l’environnement des entreprises et des secteurs économiques, ces emplois contribuent donc à la préservation de la planète, mais force est de constater qu’un grand nombre d’emplois considérés comme verts en principe ne le sont pas dans la pratique. De surcroît, les emplois verts ne constituent pas automatiquement un travail décent. Il est absolument nécessaire qu’au label « développement durable » soit associé le concept de «  management durable et responsable ».

« Nous devons nous assurer que les emplois verts sont des emplois décents » a déclaré le directeur général du BIT (Bureau international du travail), Juan Somavia. Pour qui construire une économie de développement durable n’est pas qu’un problème de technologie ou de finances mais concerne les gens, la société, c’est donc un changement culturel important, pour une plus grande conscience environnementale et mais aussi des opportunités pour un travail décent.

Les emplois verts concernent un large éventail de profils professionnels. Certains sont des emplois entièrement nouveaux, mais la plupart s’appuient sur des métiers traditionnels, avec des contenus et des compétences plus ou moins modifiés, constate ce rapport, qui souligne qu’il paraît possible de créer des emplois verts viables à tous les niveaux de la population active.

Le marché mondial des produits et services environnementaux devrait doubler pour passer de 1 370 milliards de dollars par an à l’heure aujourd’hui à 2 740 milliards de dollars d’ici à 2020, d’après le cabinet Roland-Berger Strategy Consultant. La moitié de ce marché concerne l’efficacité énergétique et l’autre moitié les transports durables, l’alimentation en eau, l’assainissement et la gestion des déchets.

En Allemagne, par exemple, la technologie environnementale devrait concerner 16 % de la production industrielle d’ici à 2030, l’emploi dans ce secteur dépassant l’emploi dans les principales activités industrielles traditionnelles du pays. Aux Etats-Unis, les nouvelles pousses qui se consacrent aux technologies propres représentent le troisième plus grand secteur après l’informatique et la biotechnologie. Elles pourraient générer 400 000 – 500 000 emplois dans les prochaines années.

Autre secteur porteur d’emplois verts, celui des énergies renouvelables. Les investissements y sont en forte expansion devraient atteindre 343 milliards de dollars en 2020 et quasiment doubler à nouveau d’ici à 2030. On notera que, par le passé, même les prévisions. Ces investissements devraient se traduire par au moins 20 millions d’emplois supplémentaires dans ce secteur (dont 2,1 millions pour l’énergie éolienne, 6,3 millions pour le solaire photovoltaïque solaire et 12 millions pour les biocarburants. En Europe, le secteur des énergies renouvelables devrait créer, à l’horizon 2010, 1 million d’emplois.

Plusieurs exemples cités dans ce rapport montrent la contribution que les emplois verts peuvent apporter à une croissance économique propre dans les pays en développement, de la fourniture d’énergies renouvelables aux pauvres au Bangladesh ou au Kenya, à la création d’emplois dans les transports publics propres en Inde, en passant par des méthodes de recyclage réorganisées au Brésil. Mais cela ne lève pas plusieurs interrogations quant à la qualité des emplois dits verts. De plus, la création d’emplois verts progresse trop lentement pour contribuer sensiblement à la réduction du chômage et du sous-emploi dans les pays les plus pauvres. Trop peu d’emplois, verts bénéficient à ceux qui en ont le plus besoin. La moitié des 2,3 milliards d’emplois de la planète se trouve aujourd’hui dans le monde développé, et les emplois verts ne vont pas inverser la tendance aussi facilement, même si au Nigeria une industrie de bio carburants basée sur les récoltes de manioc et de canne à sucre pourrait employer 200 000 personnes et que l’Inde pourrait créer 900 000 emplois d’ici 2025 grâce à la gazéification de la biomasse. En résumé , le concept d’emplois verts n’est pas forcément un sésame, et risque de se transformer en un mot valise si on ne veille pas à y associer des conditions de travail décentes et socialement responsables.

(1) unep.org/civil_society/Publications/index.asp

Au sujet de Estelle Leroy

Estelle Leroy-Debiasi est journaliste professionnelle, Diplômée en Economie, ex rédactrice en chef du quotidien économique La Tribune. Elle contribue régulièrement au site ElCorreo, site de la diaspora latinoamericaine.

Catégorie(s)

ENVIRONNEMENT, ETUDE

Etiquette(s)

, , , , ,