Ce qui fait l’intérêt de l’énergie, ce n’est pas seulement d’en avoir : c’est d’en avoir quand on en a besoin. Et donc d’en avoir en réserve, prête à l’emploi. L’exploitation à grande échelle des énergies renouvelables et des énergies « nucléaires » nécessite la mise au point de technologies appropriées capables de stocker et de transporter l’énergie. Nombre de solutions pour l’avenir énergétique se trouve dans les progrès enregistrés dans le domaine des piles, des batteries, des micro et mini-accumulateurs, des condensateurs, des micro-dispositifs de récupération d’énergie. Tel est l’un des grands enjeux à l’heure de la transition énergétique. Ebauche d’un Inventaire

De grandes opportunités de développement sont offertes aux techniques capables de répondre aux défis techniques soulevés par les nouvelles fonctionnalités des objets nomades, miniaturisés et interactifs de prochaine génération. Les enjeux de ces microtechnologies sont l’économie, le confort et la sécurité. Il s’agit, par exemple, de libérer l’utilisateur des contraintes liées au processus de charge des accumulateurs actuels et d’offrir une plus grande durée d’utilisation (exemple : piles à combustible miniatures et leur cartouche de recharge). Il s’agit aussi de disposer d’une source d’énergie garantissant l’inviolabilité des informations contenues dans un micro-système (exemple : micro-accumulateurs). Ou encore d’être en mesure de récupérer l’énergie disponible dans l’environnement local et constituer ainsi une source d’énergie isolée et autonome. Les nouveaux matériaux organiques et minéraux amélioreront les performances des électrodes des piles à combustible et des accumulateurs au lithium, des dispositifs thermoélectriques ou piézo-électriques. L’optimisation du rendement énergétique nécessitera souvent d’hybrider plusieurs sources d’énergie différentes (par exemple : le système de récupération associé à un système de stockage de l’énergie). Grâce à l’hybridation des métiers de la microélectronique, de l’électrochimie, de la micro-mécanique, de la micro-fluidique et de la micro-thermique, les nouvelles sources d’énergie offriront la possibilité de prolonger l’autonomie des objets portables qu’il s’agisse des caméras, des GPS, des systèmes Bluetooth de communication sans fil entre appareils, et d’alimenter des MEMs, des cartes et étiquettes « intelligentes », des systèmes médicaux autonomes, des capteurs isolés. L’accroissement des options de ces objets portables (écrans couleurs plus grands, téléphones avec appareil photo numérique, multimédia, GPS, logiciels embarqués…), rend ceux-ci toujours plus gourmands en énergie.

Batteries à hautes capacités

Les technologies charnières que représentent les batteries entrent dans une ère d’effervescence. De l’avis de nombreux scientifiques, les batteries rechargeables actuelles ont atteint leurs limites. Il faut les recharger fréquemment et pendant plusieurs heures. Elles ne sont pas assez puissantes, leur coût de fabrication reste élevé et leur longévité laisse à désirer. Y a pas photo ! Les batteries de l’avenir seront plus petites, bien lus durables et bien plus puissantes.

Aujourd’hui, les plus connus sont les Batteries lithium-fer-phosphate. Elles ne posent plus de problème de charge. Elles se rechargent en 10 minutes et complètement. Selon les experts américains, la formule lithium-ion est la plus prometteuse en termes de densité d’énergie stockée et devrait dominer ce marché dans le futur. Elles peuvent se recharger à 80% de leur capacité maximale en moins d’une minute et ne perdre que 1% de leur capacité après 1.000 cycles de charge et décharge. Mais il existe un risque d’explosion lorsque la tension est trop forte. Les batteries au lithium-soufre, dont la densité d’énergie est également très supérieure aux batteries actuelles, offrent aussi de belles performances en terme de densité d’énergie stockée. Mais elles présentent toujours des inconvénients : à chaque recharge, les batteries perdent une fraction de leur capacité de stockage, ce qui a pour effet de limiter leur durée de vie.

Pile au lithium

En attendant la démocratisation des piles à combustible, ce sont encore des batteries Lithium-Ion ou Lithium-Polymère qui sont très majoritairement employées dans les ordinateurs portables. Le lithium est le métal permettant d’atteindre les plus hautes énergies massiques dans les piles, lorsqu’il est associé à une cathode de potentiel élevé. La tension produite varie de 1,5 à 3,7V, soit plus du double de celle délivrée par les piles salines et alcalines. Ces piles, qui ont une cathode soit solide, soit liquide, n’ont pas toutes abouti à des fabrications industrielles importantes. L’utilisation de ces piles est en augmentation, notamment dans les technologies mobiles pour lesquelles la compacité de la source d’énergie est un point crucial.

Batterie au plastique

Imaginez une batterie qui se charge aussi vite qu’un condensateur… et dont le conducteur électrique est du plastique. Les chercheurs de l’université Brown de Rhode Island (Etats-Unis) nourrissent de grands espoirs sur ces batteries fortifiées aux polymères. Elles sont plus petites que les piles alcaline, mais cent fois plus puissantes. Elles sont en outre capables de se recharger en quelques minutes.

Batterie au carbone et à l’air

On trouvera bientôt aussi des accus appelées « stair » qui fonctionnent au carbone et à l’air. Très légères et de petit gabarit, ces batteries mises au point par des chimistes de l’Université de St Andrews, en Ecosse, sont surtout destinées aux téléphones et ordinateurs portables, baladeurs. Le principe de base est de remplacer le lithium par du carbone poreux et de l’oxygène, ce qui permet d’alléger l’accumulateur. Elles permettent d’emmagasiner une quantité d’énergie importante. Lorsque leur énergie est épuisée, elles sont à même de capter l’oxygène de l’air qui réagit avec le carbone poreux des électrodes. Cela permet de restituer de l’énergie 10 fois plus longtemps. Au final, plus de problème de source de matière première et un coût très modéré.

Supercondensateur aux algues brunes

C’est l’acide alginique d’une algue brune, qu’on trouve dans sa paroi cellulaire qui fait la spécificité de ce condensateur mis au point par une équipe du CRMD (Centre de recherche sur matière divisée) de l’université d’Orléans Elle est naturellement riche en oxygène et le reste à l’état de cuisson. L’oxygène emprisonné dans ces électrodes leur permet d’absorber le courant plus facilement. Cela confère à ce condensateur une durée de vie dix fois supérieure à celle d’une batterie au lithium après avoir été rechargé 10 000 fois. De plus, la transformation d’algues en charbon coûte moins cher que la production de charbon actif, et elle est plus écologique Les sels d’acide alginique constituent une activité en plein bouillonnement. Les secteurs de l’agroalimentaire et de la pharmacie en utilisent plus de 20 000 tonnes chaque année.

Pile pliable

Les chercheurs américains du Rensselaer Polytechnic Institute ont créé une pile électrique pliable qui peut stocker de l’électricité comme un super-condensateur. Grâce à la nanotechnologie, ils sont parvenus à produire une structure moléculaire très proche du papier, avec 90% de cellulose et 10% de nanotubes de carbone. Cette pile poids plumes, d’une grande souplesse, peut être pliée, roulée, et même découpée en morceaux. Chaque élément séparé conservera ses propriétés de stockage d’électricité. On peut aussi les empiler comme une liasse de papiers afin d’en accroître les capacités. On peut également imprimer textes et dessins sur la pile. Les copies pouvaient utiliser des électrolytes naturels dans la sueur, l’urine et le sang humain pour être activées et produire de l’électricité. Cette pile particulière utilise comme électrolyte (milieu conducteur) une solution ionisée (salée), peut voir ses propriétés améliorées lorsqu’on y ajoute de la sueur ou du sang humains. Mieux : lorsqu’on empile plusieurs feuilles, les capacités de stockage de la pile augmentent. Elle peut fonctionner normalement par des températures allant de -37,8 degrés à 148,9 degrés. Et elle est enfin infiniment moins nocive pour l’environnement que les piles au lithium. En outre, elle est aussi biodégradable puisqu’elle ne contient aucune substance chimique toxique. Les applications de cette innovation sont multiples, par exemple dans l’électronique, où l’on recherche toujours la miniaturisation, mais aussi dans le domaine médical. Reste à développer un processus de production industriel, ce à quoi s’emploie le RPI.

Nanopiles

Les batteries actuelles des automobiles ne suffisant pas à les faire rouler sur de grandes distance, des nanocondensateurs électrostatiques ont été mis au point par des chercheurs du NanoCenter de l’Université du Maryland pour augmenter sensiblement leurs performances de stockage. Ces nanopiles multiplient par dix la capacité de stockage du classique condensateur électrostatique. Avec cette technique qui allie la haute densité d’énergie, la forte puissance électrique et le rechargement rapide, il sera bientôt possible de distribuer efficacement l’électricité récoltée grâce aux moyens alternatifs comme le vent ou le solaire. Et cela de façon massive, précisent les scientifiques. Leur objectif est de réussir à appliquer des milliards de nanostructures dans une batterie. L’appareil se présente comme des sortes de panneaux solaires. Il transporte les électrons rapidement sur une grande surface où ils sont rangés.

Pile à combustible à hydrogène

La PAC est un convertisseur d’énergie qui fonctionne un peu comme une centrale électrique, avec d’un côté, un combustible réducteur stocké comme carburant et de l’autre, un oxydant tel que l’oxygène arrivant de l’air extérieur. Le combustible peut être de différentes natures (méthanol, gaz naturel, gaz de biomasse…), mais la pile la plus couramment étudiée est la pile à hydrogène. Au contact chimique de l’oxygène, l’hydrogène produit de l’eau. Ce processus dégage de l’énergie sous forme d’électricité. Le principe est celui d’une électrolyse inversée. Elle se distingue des accumulateurs et des piles ordinaires par la nature de ses électrodes. Ces dernières ne sont soumises à aucune modification de structure au cours des réactions électrochimiques. Elles font seulement office de support à ces réactions. Des nanomatériaux et des procédés d’assemblage permettent à certaines piles à hydrogène de réduire considérablement les coûts de l’énergie produite. Ainsi, les nanomatériaux qui ont des propriétés de solidité, de légèreté, de conductivité, de souplesse pourraient diviser par cent le coût des piles à combustible et surtout les miniaturiser. Elle procure une autonomie de 250 km avec une charge. Cinq fois plus légère que les batteries utilisées actuellement. La synergie des piles à hydrogène avec les énergies renouvelables permettent d’assurer une véritable autonomie énergétique à certain sites comme c’est le cas dans l’île d’Ultsira en Norvège. Sur le plan des applications, des pas sont franchis en particulier dans les transports. Des prototypes de véhicules légers à pile à hydrogène sont en chantier. La BMW Hydrogen 7 est officiellement la première voiture de série roulant à l’hydrogène pris comme carburant mais non comme producteur d’électricité. C’est Daimler Chrysler qui semble être le plus avancé sur la question. DaimlerChrysler compte une centaine de véhicules en circulation début 2005. Engagé de longue date dans la réduction des effets négatifs de l’automobile sur l’environnement, le constructeur allemand a réaffirmé que la solution hydrogène était la seule viable sur le long terme. Le groupe Renault-Nissan a présenté un projet d’une pile à combustible incorporant un reformeur qui permet de produire de l’hydrogène à bord du véhicule. Les grands acteurs se réunissent pour faire avancer l’hydrogène en tant que carburant du futur. Ainsi, Shell, Total, Ford, General Motors, MAN, Volkswagen ainsi que BMW et Daimler-Chrysler ont annoncé leur « volonté commune de promouvoir l’hydrogène comme carburant de demain en Europe ». Ce groupement annonce la date de 2015 pour la commercialisation des premiers véhicules propulsés à l’hydrogène. Des bus à pile sont également apparus. Depuis le premier bus lancé dans les rues de Madrid en mai 2003, d’autres sont apparus notamment à Stuttgart, Hamburg, Barcelone, Porto, Stockholm, Londres, en Californie, et en Chine. Selon des estimations canadiennes, la pile à combustible pourrait donner naissance à une industrie de 154 milliards de dollars en 2020. Reste que si la pile à hydrogène fait figure de convertisseur miracle d’énergie, elle pose néanmoins deux problèmes de taille. D’une part l’hydrogène gazeux n’existe pas sur Terre, il faut donc le produire. D’autre part, c’est un gaz extrêmement inflammable qu’il faut comprimer et stocker. Or les deux opérations nécessitent une dépense énergétique. L’idéal serait évidemment de produire de l’hydrogène à partir d’énergies renouvelables ou de l’énergie nucléaire couplée à des procédés thermochimiques à haute température. La pile nécessite actuellement pour sa fabrication des métaux rares, par exemple du platine. Il faut environ 100 grammes de platine pour faire une pile à combustible de voiture, assure certains experts doutant de l’avenir de l’hydrogène. Il faudrait donc 120 ans pour transformer le parc actuel (600 millions de voitures), et 600 ans pour y convertir un parc mondial passé à 3 milliards de véhicules, avec la Chine et l’Inde.

Nanocornets de carbone (cf photo)

Pour des chercheurs du CNRS, le stockage ne sera peut-être plus un problème. Ils proposent une solution bon marché et efficace : le piégeage de l’hydrogène dans des nanocornets de carbone, structures coniques pointues à leur extrémité, qui grâce à leur faible masse et à leur capacité d’absorption s’avèrent de très bons matériaux poreux, donc capables de récupérer l’hydrogène utilisé sans nécessité de régénérer le matériau. Des nanocornets de carbone pour stocker l’hydrogène. A la différence des nanotubes de carbone qui ont l’inconvénient de ne pouvoir stocker le gaz qu’à des températures extrèmement basses, les nanocornets présentent une bien plus forte et bien plus stable interaction entre l’hydrogène et le carbone. Ces résultats lèvent les réserves qui empêchaient d’envisager l’utilisation de nanomatériaux à base de carbone pour des applications industrielles.

Réformeur

Le problème du stockage d’hydrogène pourrait être en partie résolu dès 2015, grâce à un appareil appelé « réformeur ». Dès 2015, grâce à un appareil pas plus gros qu’une valise appelé « réformeur », les premières productions de masse de véhicules fonctionnant à l’hydrogène pourraient commencer. Le carburant serait transformé par « craquage chimique » en hydrogène qui alimenterait à son tour une pile à combustible. L’avantage ? La consommation de carburant passerait de 6 litres aux 100 km à 3 litres et le problème du stockage de l’hydrogène serait résolu

Pile à combustible bactérienne

: Son principe : utiliser des bactéries en guise de catalyseur sur les électrodes d’une pile. Cette pile pourrait figurer au centre d’une nouvelle filière énergétique. Il s’agit de recueillir, sous forme d’électrons, à la surface de la membrane d’une bactérie, l’énergie de dégradation de déchets organiques par ce micro-organisme, afin de la convertir en électricité. Des chercheurs du laboratoire Ampère, à Lyon, ont récemment mis au point un générateur de courant à base de bactéries énergétiques destiné à réduire le coût du traitement des déchets agricoles ou ménagers. Comment cela est-il possible ? Certaines bactéries, lorsqu’elles ont un petit creux, dégradent les molécules organiques en libérant des électrons et des protons. En transférant ces particules sur des électrodes, on obtient de l’électricité. Pour le moment, on songe les utiliser pour assurer une partie de l’alimentation électrique des stations d’épuration. Ces piles pourraient également servir avantageusement des stations spatiales, des balises en mer ou sur la montagne, et même des robots. Même la Nasa s’intéresserait à l’idée pour traiter, dans le futur, les eaux usées de ses astronautes.

*Cet article est extrait du livre de Yan de Kerorguen « Energoscope : Guide de toutes les énergies, connues et inconnues » ; Editions TECHNIP

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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