Comment nous déplacerons-nous, demain, dans une société qui d’un côté, entend limiter le trafic de véhicules, et de l’autre pousse toujours plus à la mobilité pour travailler, se rencontrer, visiter, commercer ?

En 2030, nous serons 61% sur la planète à vivre dans les mégapoles. Soit 5 milliards d’individus. Le développement et la fluidité accrus des communications favorise cette concentration car elle facilite l’accès aux possibilités d’emploi, aux avantages et aux services fournis par la grande agglomération. Mais pour Jean Jouzel, climatologue, c’est clair : « les villes actuelles ne seront plus adaptées dans vingt ou trente ans ». Aussi la gestion de l’environnement urbain est-elle une priorité. A l’heure où les élus sont amenés à restreindre l’usage des transports polluants – 26% de l’augmentation de l’effet de serre est due au transport routier -, comment les individus se déplaceront-ils dans une ville durable sans contraindre la mobilité?

« Les déplacements domicile-travail ne représentent plus aujourd’hui (dans les sociétés plus développées) qu’un quart des déplacements alors que les déplacements liés aux loisirs augmentent de 30% », explique Luc Gwiazdzinski, directeur de la Maison du temps et de la mobilité à Belfort.

L’Observatoire international de prospective régionale indique aussi que le trafic des usagers dans la ville sera de plus en plus aléatoire et zigzaguant. Les chercheurs de l’OIPR constatent que l’activité s’étend de plus en plus le week-end, ou tard dans la soirée et dans la nuit. De nouveaux rythmes urbains liés à l’aménagement du temps de travail, aux horaires décalés, au développement des loisirs et à l’élévation du nombre d’inactifs due au vieillissement de la population apparaissent.

En conséquence, les déplacements domicile-travail vont diminuer au profit des déplacements de temps libre. Les citadins-consommateurs souhaitent aussi avoir accès aux services à tout moment. Ce qui, en raison de la variété des emplois du temps, conduit à imaginer une ville ouverte 24 heures sur 24, en quasi service continu.

Une logique des temps se substitue peu à peu à une logique des lieux. Des technologies comme le portable sont devenues des instruments-clés pour gérer cette mobilité sans se déplacer. De même, le télétravail, le e-commerce et la maison domotique rendent possibles des nouvelles formes de vie urbaine réduisant les déplacements. Mais l’essentiel du problème reste dans les modes de circulation.

Certaines villes, comme Nantes, encouragent les entreprises à élaborer des plans de mobilité pour favoriser l’usage régulier des transports publics par les salariés.

La solution la plus en vue : le transport « multimode » basé sur l’utilisation de transports successifs. Parking-relais inviolables pour deux ou quatre roues, pôles d’échanges train-bus, centrales de mobilité pour informer les voyageurs des connexions les plus rapides, création de tarifs intermodaux… Il trouve dans les projet d’interconnexion « tram-train » mis en œuvre par plusieurs villes et régions, comme Karlsruhe, Sarrebruck ou l’Ile de la Réunion, son expression la plus prometteuse. Les atouts : complémentarité avec les autres modes de transports, réseau maillé aux réseaux urbains et interurbains, fréquence élevée, horaires en adéquation avec les besoins de déplacement, confort des voyageurs

Attention aux solutions fonctionnellement parfaites, rentables sur le plan économique, mais qui ne plairaient pas aux habitants et aux usagers qui travaillent dans la ville sans forcément y habiter (commerçants, salariés, entreprises…). Certains spécialistes évoquent le risque de fossiliser les centre-villes en villes musées.

Il y aura donc encore des voitures en circulation dans les villes. Certes beaucoup moins. Mais les automobilistes en ville devront changer leurs habitudes. Les impératifs croissants de sécurité routière et la réduction de la consommation d’énergie exigeront une limitation importante de la vitesse des véhicules. La signalétique de la circulation s’en trouvera changée. Des systèmes télématiques permettront de diminuer les encombrements. Les constructeurs prennent déjà acte de cette exigence de mobilité dans la ville durable. D’ici dix à vingt ans, les moteurs électriques hybrides ou les moteurs à hydrogène seront la norme.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

Catégorie(s)

VILLE & URBANISME

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