« Mes Chers collègues, les attentats d’une barbarie sans précédent qui ont ensanglanté notre Ville le 13 novembre ont fait 130 morts et près de 600 blessés dont 200 sont encore hospitalisés.
Au-delà de ces personnes directement touchées, ce sont des dizaines de milliers de Parisiens qui ont été durement éprouvés.

Et j’ai ici une pensée émue pour les familles, les amis, les collègues et même les simples connaissances des victimes – comme pour les témoins des attentats et, plus largement, tous ceux qui ont eu le sentiment de perdre une part d’eux-mêmes vendredi dernier.
Je souhaite également redire à nos forces de sécurité et à nos services de secours à quel point nous sommes fiers de leur courage, de leur dévouement et de leur efficacité – et à quel point nous comptons sur eux. Policiers, pompiers, médecins, infirmiers, secouristes, militaires : vous faites bien davantage que nous protéger des terroristes – vous nous garantissez contre la terreur dans laquelle ils voudraient nous plonger.

La démocratie a ceci d’unique et d’infiniment précieux que ses citoyens sont ses premières sentinelles, et que ses sentinelles sont avant tout ses citoyens. Vous êtes ces sentinelles citoyennes sur lesquelles repose l’aspiration commune des Parisiens à la paix et à la sécurité. Notre soutien est et sera à la hauteur de notre reconnaissance : inconditionnel.
Je souhaite également saluer devant vous l’administration parisienne dont la réactivité et la générosité n’ont pas une seule fois été prises en défaut, alors même que nos agents devaient faire face, comme nos concitoyens, à la tristesse, à la colère et à la peur. Leur réponse au terrorisme a été exemplaire et je veux les en remercier.

Je veux enfin remercier la totalité des groupes de cette assemblée, qu’ont rassemblé au-delà de leurs différences et au-delà de leurs clivages un sentiment commun de dignité et d’unité. Ce rassemblement est au fondement de notre réponse face au terrorisme, et j’espère qu’il continuera à déterminer dans les prochaines semaines l’essentiel de nos paroles et de nos actes.
Mes chers collègues, avant d’envisager notre plan d’action municipal face au terrorisme, il me fallait témoigner encore une fois en notre nom de cette solidarité et de cette reconnaissance qui ont su transfigurer notre ville depuis une semaine.

C’est en nous appuyant sur elles que nous devons maintenant envisager le plus raisonnablement possible les conditions de notre sécurité et de notre liberté. J’insiste bien sur l’une comme sur l’autre, parce que l’une comme l’autre, sécurité et liberté, reviennent ensemble dans la bouche de tous les Parisiens que j’ai rencontrés. Si la sécurité peut être considérée comme la première des libertés, la liberté doit dans le même temps être comprise comme la première de nos sécurités. Il nous faut donc nous garder d’opposer, comme les terroristes le voudraient, ces deux éléments fondamentaux de notre pacte social.

Mes chers collègues, dès le 14 novembre au matin, la Ville de Paris a mis en place un dispositif inédit d’accueil, de prise en charge et de soutien à destination des Parisiens, coordonnée avec la Cellule interministérielle d’aide aux victimes.
Nous avons ainsi installé dans les mairies des Xe et XIe arrondissements des cellules d’urgence médico-psychologiques au sein desquelles plus de 1.500 personnes ont été prises en charge en 5 jours par le SAMU et la DASES avec le renfort salutaire de la Protection civile et de la réserve solidaire. Plusieurs antennes étaient parallèlement mises en place sur le terrain pour faciliter les démarches des victimes.
Dès vendredi soir, une notice d’information à destination des personnes touchées et une liste des structures de soins et d’aide aux victimes avaient été distribuées et affichées à proximité des lieux des attentats, dans les Mairies concernées, sur le site de la ville, les panneaux lumineux et les réseaux sociaux. Dans le même temps, nous avons communiqué le plus largement et le plus rapidement possible nos consignes de sécurité.
Dès lundi matin, nous avons mobilisé l’ensemble des médecins et des psychologues de la Ville pour l’accueil des enfants et des jeunes, en particulier dans nos écoles, où 1.000 petits parisiens environ ont été reçus, et dans nos centres ouverts aux jeunes sans rendez-vous et sans distinction d’âge.
Nos jeunes doivent faire l’objet de toute notre attention. Nous ne relâcherons ni notre vigilance ni nos efforts en agissant dans tous les domaines où nous le pouvons : par l’information divulguée sur les réseaux sociaux, par la coopération avec les associations et les professionnels de la jeunesse, par la mobilisation des structures de terrain qui les accompagnent. Tous ces dispositifs d’aide psychologique seront prolongés le temps qu’il le faudra.
Notre mobilisation avec l’APHP perdurera en effet au-delà de l’urgence. Les Parisiens seront soutenus dans leur long et douloureux travail de reconstruction. Ils seront accompagnés pas à pas dans leur vie d’après. Je m’engage ici solennellement à ce que pas une victime de ces attentats ne soit oubliée ou négligée dans notre ville : ni aujourd’hui dans l’urgence, ni demain quand nous ferons face à d’autres urgences.

Notre action, pour être efficace, doit s’inscrire dans le cadre d’une coopération étroite avec l’État et les autres acteurs, en particulier associatifs, faite de dialogue et de complémentarité.
C’est dans cet esprit d’unité et d’efficacité que nous avons ouvert un guichet unique d’accueil des personnes et des familles touchées. Il sera coordonné par le CASVP, alors qu’une cellule pluridisciplinaire sera mise en place pour répondre le plus concrètement possible, dans un second temps, aux besoins identifiés des victimes. Cette cellule travaillera en coordination avec l’association Paris Aide aux Victimes, qui a été missionnée par l’Etat pour suivre les victimes des attentats et qui disposera de la liste unique de victimes élaborée par le Parquet.

Nous utiliserons dans le même temps le levier du logement social pour faire face rapidement à toutes les situations qui le nécessitent. Je m’engage ici à ce que tout problème, même complexe, trouve sa solution. C’est le message que je passe très clairement aux bailleurs et aux gérants de résidences universitaires. Il en ira de même pour toute question touchant à l’emploi, à laquelle notre collectivité, au vu de la diversité de ses missions et de ses compétences, doit pouvoir répondre sans délai.
De la même manière, nous mobiliserons autant que de besoin la procédure d’accueil d’urgence en crèche.

Enfin, nous renforcerons notre soutien aux deux principales associations d’aides aux victimes de Paris, Paris Aide aux Victimes et la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs. Je veux saluer devant vous l’extraordinaire action de ces deux associations sur le terrain face aux évènements qui endeuillent notre Ville aujourd’hui mais également tout au long de l’année, et en particulier en aide des victimes des attentats de janvier dernier.

Pour les vies qu’elles sauvent et pour les vies qu’elles soignent, nous leur attribueront donc une subvention exceptionnelle, de même qu’à la Protection civile de Paris, encore héroïque dans l’urgence.
Dans le même temps, nous apporterons notre aide aux commerçants et aux artisans qui subissent des préjudices matériels mais également un traumatisme profond – certains d’entre eux ont été touchés directement, d’autres ont héroïquement porté secours aux victimes. Eux aussi méritent notre écoute, notre attention, notre accompagnement institutionnel et notre soutien matériel. Ce soutien direct leur sera donné sous forme d’aides exceptionnelles, à hauteur de 40.000 euros pour chaque commerce ayant subi un dommage matériel.
Nous ferons également en sorte de pouvoir exonérer des taxes relevant de notre compétence les commerces situés dans la zone de sécurité. Nous accompagnerons les entreprises concernées dans la préparation de leur dossier de sinistre pour les assurances. Enfin, nous créerons avec nos partenaires un fond de soutien et de solidarité. Plus largement, notre collectivité soutiendra et coordonnera les différentes initiatives à même d’accorder des aides financières d’urgence aux entreprises en difficulté.

Mais le préjudice causé par les attentats va malheureusement bien au-delà des commerces attaqués. Je pense ici à toutes les entreprises qui risquent de subir dans les prochaines semaines une baisse significative de leur chiffre d’affaire.
Pour les soutenir, nous lancerons des campagnes de communication pour défendre la diversité et la richesse des activités parisiennes. Main dans la main avec l’État, nous apporterons des réponses concrètes et appropriées aux difficultés rencontrées par les différents secteurs, et en particulier le secteur culturel.

J’avais dit après les attentats de janvier que la culture n’était pas ce qui reste quand on a tout oublié – mais ce qu’ensemble nous ne refuserons toujours d’oublier. Ce souci de la culture n’a jamais été aussi important qu’aujourd’hui. Dans ce domaine aussi, nous resterons debout et nous regarderons droit dans les yeux tous ceux qui nous menacent. Je le dis aux acteurs culturels, vous couvez compter sur cette ville qui vous doit tant de ce qu’elle est.
S’agissant enfin des marchés contraints à la fermeture le week-end dernier, je veux rappeler qu’ils ont été autorisés à ouvrir de nouveau leurs portes dès lundi, alors même que les rassemblements restaient interdits. Nous exonérerons de droits de place et nous accompagnerons dans leurs démarches auprès des assureurs les commerçants et les maraichers concernés. Les marchés alimentaires sont partie prenante de la singularité culturelle de notre ville et ils seront défendus en tant que tels.
Il ne s’agit pas seulement de dire que la vie doit continuer. Il faut le lui permettre concrètement. C’est ce que nous ferons. Et c’est avec le même volontarisme pragmatique que nous traiterons les questions fondamentales de notre sécurité.

Tout au long de cette semaine, nous avons renforcé avec l’Etat nos dispositifs de sécurité. Plusieurs milliers de policiers et de militaires supplémentaires ont été déployés en Ile de France, au plus près des citoyens. Le niveau de protection a donc été élevé, en particulier dans les transports en commun, aux abords des équipements publics, à proximité des grands magasins et de tous les espaces culturels et touristiques susceptibles de recevoir un large public. Grâce à ces renforts, la Tour Eiffel et le Marché de Noël à titre d’exemple, ont pu rapidement rouvrir leurs portes.
Pour accompagner cet effort sans précédent de l’Etat, notre ville sanctuarisera sa contribution au budget de la préfecture de police et recrutera dans les plus brefs délais à la DPP 30 agents supplémentaires.
Nous développerons ainsi notre capacité de prévention situationnelle grâce à des ingénieurs qui effectueront des diagnostics de sécurité des équipements publics. Dans le même temps, nous renforcerons nos équipes de terrain grâce à de nouveaux postes d’inspecteurs de sécurité.

Dans tous les domaines (culture, petite enfance, scolaire, jeunesse et sport, espace public), nous allons renforcer la sécurité des équipements publics, dans le prolongement de notre action depuis les attentats de janvier.
Parce qu’en matière de sécurité nous prenons clairement nos responsabilités, nous avons également à cœur de relayer auprès de l’Etat la demande pressante des écoles et des crèches d’être davantage protégées. Nous ne partons pas de rien.
Ces dernières années, ce ne sont pas moins de 25M€ qui ont été investis dans la sécurisation des écoles et de leurs abords. Aujourd’hui 171 écoles disposent par exemple de visiophones et 83 écoles de dispositifs anti-intrusion. Et suite aux attentats de janvier, c’est plus d’un demi- million d’euros qui a été investi pour sécuriser 73 écoles et 15 établissements secondaires.
Nous intensifierons notre effort en multipliant partout où leur utilité est avérée les installations de visiophones, de caméras supplémentaires, et de sas d’entrée sécurisés. Nous multiplierons également de nouveaux dispositifs comme un bouton d’alerte agression dans certains équipements, à l’instar de ce qui existe dans les musées.

Ces nouvelles mesures ne doivent pas nous faire oublier celles que nous avions prises immédiatement après les attentats de janvier. Ces derniers mois, nous avons été amenés à doter de gilets pare-balle la totalité des agents exposés.
Là encore nous poursuivrons notre montée en puissance comme nous le faisons dans le domaine de la vidéoprotection, où nous avons également décidé d’installer 165 caméras de vidéosurveillance supplémentaires dans Paris. En lien avec le préfet de police je souhaite que leur installation soit accélérée pour permettre leur déploiement dès les prochains mois.
Parce qu’Internet est un enjeu clé de la guerre contre le terrorisme, nous lancerons un hackaton dédié à la sécurité pour permettre à la communauté numérique de se retrouver et d’inventer des solutions nouvelles face aux menaces terroristes. Il s’agit de permettre à tous ceux qui innovent au quotidien de pouvoir faire contribuer leurs idées à notre protection.

Pour finir, je voudrais évoquer le travail de fond opéré par la ville pour lutter contre le terrorisme par-delà les enjeux de sécurité.
S’il faut distinguer la question du terrorisme de celle de la cohésion républicaine, en se prémunissant de tout rapport de causalité trop simple, il reste que les attentats font écho aux fractures économiques, sociales, territoriales, religieuses, ethniques parfois, qui fragilisent les valeurs et le vivre-ensemble républicains.
La définition de la laïcité – et les moyens de la faire appliquer concrètement –, la transmission des valeurs de la République à l’école et dans d’autres sphères, la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sont des enjeux majeurs.
C’est le sens de l’appel à projet lancé après Charlie qui a fait émerger 52 projets issus en particulier d’associations de terrain, qui vont permettre la mise en place de dispositifs innovants au plus près des citoyens dans les quartiers populaires de Paris. C’est le sens également de la rédaction d’un guide de la laïcité à destination des agents ainsi que de l’organisation de sessions de sensibilisations pour faire respecter la laïcité au sein de notre administration en ayant recours, si besoin, à la sanction.

Mais il faut aller plus loin et nous engager dans le combat contre la radicalisation religieuse – dans la jeunesse parisienne évidemment chez laquelle nous devons savoir déceler les signaux faibles et y apporter une réponse immédiate – mais également dans notre propre administration qui ne peut ni ne dois pouvoir servir de base arrière à des djihadistes ou à des sympathisants du Jihad.
Il ne s’agit pas ici de stigmatisation : je refuse clairement la stigmatisation de l’autre. Mais j’assume en revanche dans le même temps de stigmatiser le refus de l’autre auquel conduit toujours la radicalisation religieuse. Cette radicalisation n’a pas sa place dans notre ville – nous l’empêcherons d’y prendre racine.
C’est dans le cadre de ce combat que notre Ville participe désormais à la cellule de prévention de la radicalisation et d’accompagnement des familles, et que nous avons entrepris des actions de sensibilisation et de formation des travailleurs sociaux concernés. Nous avons aussi renforcé nos efforts en matière de réinsertion de personnes sortant de prison, en particulier par la création d’un 3e poste de référent insertion en milieu ouvert.
Mes chers collègues, l’ensemble des mesures mises en œuvre et celles qu’il nous reste à installer, dans le débat et la concertation, ont bien entendu vocation à évoluer et à s’affiner en fonction des circonstances et des besoins exprimés par les victimes.

Je veux remercier avec force et chaleur l’ensemble de mes adjoints qui tous, dans leur domaine spécifique, travaillent avec détermination et professionnalisme pour accompagner au mieux les personnes touchées par cette tragédie et pour que Paris surmonte cette épreuve dans la dignité, la fraternité et la liberté.
Paris est blessé, Paris souffre mais Paris est en vie et vivra. J’ai confiance dans l’ensemble de notre administration ainsi qu’en notre assemblée pour y prendre toute sa part. Je vous remercie. »

* Discours prononcé devant le Conseil de Paris, lundi 23 novembre. Seul le prononcé fait foi.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

Catégorie(s)

SOLIDARITE

Etiquette(s)

, , , ,