
Nojoom Ali avait obtenu le divorce Ć 10 ans. Le combat de la jeune yĆ©mĆ©nite contre le mariage prĆ©coce est portĆ© Ć lāĆ©cran dans un film, premiĆØre fiction jamais tournĆ©e au YĆ©men.
En 2008, le monde avait dĆ©couvert Nojoom Ali, Ā« la plus jeune divorcĆ©e au monde Ā». MariĆ©e Ć un homme de vingt ans plus Ć¢gĆ©, la jeune yĆ©mĆ©nite avait portĆ© lāaffaire devant la justice au motif que son mari avait enfreint la loi en abusant dāelle sexuellement avant sa pubertĆ©. La loi yĆ©mĆ©nite fixait alors l’Ć¢ge minimum du mariage Ć 15 ans mais il pouvait y ĆŖtre dĆ©rogĆ© en stipulant dans le contrat de mariage l’interdiction des relations sexuelles jusqu’Ć ce que les Ć©pouses y soient Ā« prĆŖtes Ā».
Ayant obtenu le divorce, Nojoom fit la Ā« une Ā» des journaux, figura parmi les Ā« femmes de lāannĆ©e Ā» du magazine US Glamour, et raconta son combat, avec la
collaboration de la journaliste Delphine Minoui dans « Moi, Nojoud, 10 ans, divorcée » (Ed Michel Lafon, 2009, traduit dans 16 langues).
CinĆ©aste yĆ©mĆ©nite, auteur de 25 documentaires, Khadija al-Salami, vient de porter son combat Ć lāĆ©cran. PrimĆ© au dernier festival de DubaĆÆ (meilleur film de fiction) Ā«Moi Nojoom, 10 ans, divorcĆ©eĀ», a Ć©tĆ© prĆ©sentĆ© en avant-premiĆØre le 8 juin Ć lāInstitut du monde arabe. Le film est dĆ©jĆ vendu Ć l’international (notamment dans des pays comme le BrĆ©sil, TaĆÆwan, la ThaĆÆlande, le Liban) et les discussions se poursuivent avec des distributeurs pour la France.
.La rĆ©alisatrice Ć©tait particuliĆØrement sensibilisĆ©e Ć cette forme dāesclavage ayant elle-mĆŖme Ć©tĆ© mariĆ©e Ć 11 ans. Elle nāa pas choisi la facilitĆ© en tournant le film au YĆ©men, alors que le Maroc avait Ć©tĆ© envisagĆ©. Tout au long du tournage, elle a ainsi cachĆ© aux acteurs le thĆØme central du film, leur donnant leur texte au fil des jours pour Ć©viter toute fuite et toute incursion des Ā« intĆ©gristes Ā» favorables au mariage des enfants. Ā« Le tournage fut un vrai cauchemar Ā», confie Khadija al-Salami qui espĆØre bien en laisser un tĆ©moignage dans un Ā« making of Ā».
Premier film de fiction jamais tournĆ© au YĆ©men, Ā« Moi Nojoom, 10 ans, divorcĆ©e Ā» est assurĆ©ment un film-choc āĀ« un coup au plexus Ā» a commentĆ© Christiane Taubira, Garde des Sceaux Ć lāissue de la projection-qui dĆ©nonce un flĆ©au toujours prĆ©sent dans ce pays de la pĆ©ninsule arabique où le mariage prĆ©coce et forcĆ© affecte prĆØs de la moitiĆ© des femmes de moins de 18 ans (et 15 % des moins de 15 ans).
La rĆ©alisatrice ne cĆØde pas pourtant Ć la tentation de la charge outranciĆØre. Et cāest bien lĆ son point fort, sa sensibilitĆ©, son ouverture dāesprit, son refus du manichĆ©isme. Khadija al-Salami sāattache Ć analyser cet engrenage-la pauvretĆ©, lāanalphabĆ©tisme, lāignorance de la loi, le poids des traditionsā¦- qui conduit le pĆØre Ć vendre Nojoom, sa fille de 10 ans, pour payer son loyer.
Ā« Ma mĆØre a Ć©tĆ© mariĆ©e Ć huit ans, a dĆ©clarĆ© Ć RFI Khadija al-Salami. JusquāĆ aujourdāhui, elle est encore terrorisĆ©e par cette expĆ©rience. Quand je lui ai demandĆ©: Ā« Maman pourquoi est-ce que tu māas poussĆ©e Ć me marier ? Ā», elle māa rĆ©pondu: Ā« Je ne croyais pas quāil y avait autre chose. Je croyais que cāĆ©tait notre destin et quāil fallait avoir la patience et accepter notre destin Ā».
AprĆØs Ā« lāaffaire Nojoom Ā», lāĆ¢ge lĆ©gal du mariage au YĆ©men a Ć©tĆ© portĆ© en 2009 Ć 17 ans et la loi impose aussi le consentement de la future Ć©pouse. La loi est-elle appliquĆ©e ? La guerre civile dans laquelle le pays est aujourdāhui plongĆ© a relĆ©guĆ© cette Ć©volution humaine, humanitaire, au second plan. Les associations se mobilisent mais les obstacles restent Ć©levĆ©s comme les traditions ou lāanalphabĆ©tisme qui touche plus de 70 % des femmes dans les zones rurales. Dans le monde, selon les organisations humanitaires, plus de 70.000 femmes meurent chaque annĆ©e des sĆ©quelles des mariages prĆ©coces.