
C’est un serpent de mer : les Français ne croient plus aux promesses. Ils voient le verre à moitié vide. Dans un pays où il est impossible de réconcilier les contraires, gouverner semble impossible ou du moins tenir d’un exercice d’équilibriste.
Critiquée par la Commission européenne pour son manque de rigueur, vilipendée par la gauche précisément pour son excès de rigueur, la marge de manœuvre de l’autorité nationale est réduite. Diminuer la dette publique et en même temps vaincre le chômage, comment faire ? Un coup de pouce aux patrons et c’est les syndicats qui s’emportent. Un avantage social accordé aux salariés Et c’est le patronat qui se bloque. Il y a toujours plus à gauche, et toujours plus à droite. Quand un gouvernement, assiégé par les sondages, vise le rassemblement pour mener la bataille de l’emploi, évidemment, il se heurte aux conservatismes idéologiques. Personne ne veut jouer le jeu. Ouvrir les professions à de nouveaux publics et c’est le corporatisme des pharmaciens, des notaires, des huissiers, et des pilotes qui s’enflamme. Donner des droits aux homosexuels avec le mariage pour tous et c’est la France catholique qui descend dans la rue pour supprimer des droits à d’autres Français. Pour faire passer la réforme territoriale, controversée, aussi bien à droite qu’à gauche, le gouvernement est dès lors invité à appliquer la recette du juste milieu: un savant mélange de ténacité et de consensus.
Force est de constater : le gouvernement passe beaucoup de temps à tenter de désamorcer des conflits, à essayer de se faire comprendre. Le dialogue social reste la méthode privilégiée du président de la République. Il s’est engagé dans son programme à inscrire dans la Constitution l’obligation de consulter les partenaires sociaux sur les textes qui les concernent. Faut-il y voir une force ou une faiblesse? Réponse : 60% des partenaires sociaux n’ont pas répondu à l’invitation. Une chose est sûre, en deux ans et demi, malgré son volontarisme et l’énergie déployée, il ne réussira pas dans un pays où le conflit est culturel à faire ce que le gouvernement Schroeder, en Allemagne, a mis dix ans à faire. Que faire ? Faut-il être patient ? Faire la révolution ? Changer de cap ? Ou bien unir toutes les énergies et assumer?
A quoi cela rime-t-il de faire croire que les actuels responsables de l’Ă©tat sont des amateurs, sinon Ă dĂ©motiver les bonnes volontĂ©s ? La bonne foi oblige Ă admettre que, malgrĂ© les couacs et quelques reculades, le gouvernement de Hollande essaye de bien faire. Dans le tumulte des critiques, on oublie les bonnes idĂ©es, les initiatives courageuses et les rĂ©formes en passe d’être rĂ©ussies, pour peu qu’on fasse les comptes. La grande faiblesse du gouvernement, c’est de ne pas savoir faire l’inventaire de ce qui marche.
MalgrĂ© l’annonce d’un chaos, la rĂ©forme de l’éducation sur les rythmes scolaires ne s’est pas si mal passĂ©e. La rentrĂ©e a Ă©tĂ© plutĂ´t calme. Le budget de l’école a enregistrĂ© une hausse de 1,1 md supplĂ©mentaire. C’est le premier budget de l’état. 9000 postes ont Ă©tĂ© créés. La France est le pays oĂą il y a le plus de crèches et de solutions de garde d’enfants pour les femmes au travail. 20 000 places ont Ă©tĂ© ouvertes. 3 millions de français pauvres ne paieront plus d’impĂ´ts. L’introduction de l’action de groupe (Ă©quivalent français de la Class action amĂ©ricaine) dans la Loi Consommation permet aux clients lĂ©sĂ©s d’obtenir la rĂ©paration du prĂ©judice Ă©conomique subi. Question logement, le projet de loi instaure notamment une garantie universelle des loyers (GUL) et un dispositif d’encadrement des loyers. La trĂŞve hivernale a aussi Ă©tĂ© allongĂ©e jusqu’au 31 mars. Enfin, le texte comprend des mesures contre les copropriĂ©tĂ©s dĂ©gradĂ©es et l’habitat indigne, vient rĂ©glementer les professions immobilières et veut faciliter l’accès au logement social. Autre avancĂ©e sociale, l’alignement de la taxation du capital sur le travail dans le projet de loi de finance 2013. Les intĂ©rĂŞts, dividendes et autres plus-values sont dĂ©sormais tous soumis au barème progressif.
La moralisation de la vie publique est une autre avancĂ©e. Une autre loi rend aussi incompatible le mandat parlementaire avec un mandat exĂ©cutif local. En clair, les parlementaires ne pourront plus exercer de mandat exĂ©cutif local en mĂŞme temps, Ă partir de 2017. Ce texte a pour but d’amĂ©liorer la reprĂ©sentativitĂ© et de renouveler la classe politique française.
Sur le plan Ă©conomique, la loi compĂ©titivitĂ© prĂ©voit un crĂ©dit d’impĂ´t de 20 milliards d’euros pour les entreprises, pour relancer l’investissement et l’emploi est un pas important. De mĂŞme, la baisse des cotisations sociales de 30 milliards des entreprises Ă travers le pacte de responsabilitĂ©, bien que dĂ©criĂ©e par la gauche, est un effort historique dans la lutte pour l’emploi. Ce sont deux mesure clĂ©s qui reposent sur la confiance. Avec en contrepartie un recrutement significatif d’emplois par les patrons et les d’investissements qui vont avec. La France est aussi en en pointe dans la lutte contre la fraude fiscale. Plusieurs milliards ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© rapatriĂ©s de l’étranger. En outre, les Ă©tablissements financiers ont dĂ©sormais pour obligation de placer, d’ici 2015, leurs activitĂ©s les plus spĂ©culatives dans des filiales, financĂ©es de façon autonome. Encore, sur le plan fiscal, l’invention de la taxe sur les transactions est surtout diligentĂ©e par la France.
Ne parlons pas de la politique internationale de la France qui reste leader dans nombre de domaines. LĂ oĂą les EuropĂ©ens restent relativement passifs, la France bouge. Ne boudons pas notre patriotisme. Elle est, en Europe, une exception de courage politique que mĂŞme les mauvais esprits ont du mal Ă critiquer. Prenons l’Euro et l’Europe. C’est la France qui appelle ses voisins Ă rĂ©orienter l’Europe, oĂą « l’austĂ©ritĂ© a fini par dĂ©courager les peuples ». Et de rĂ©affirmer au Conseil europĂ©en la prioritĂ© de la croissance et de l’emploi pour le continent. Le gouvernement appelle l’Europe Ă assumer leurs « responsabilitĂ©s » pour relancer l’Ă©conomie du continent notamment pour que l’Euro baisse et que les taux d’intĂ©rĂŞts devenus bas facilitent les programmes d’investissement chiffrĂ©s Ă plus de 300 milliards d’euros.
Bien sĂ»r il y a l’emploi, au cĹ“ur de tout. C’est la plus grande difficultĂ©, et il faut bien l’avouer, peu de rĂ©sultats sont probants. Des initiatives ont Ă©tĂ© prises. Le texte sur la sĂ©curisation de l’emploi accorde plus de flexibilitĂ© aux entreprises (accord de maintien dans l’emploi, mobilitĂ© interne, refonte des procĂ©dures de licenciements…) tout en crĂ©ant de nouveaux droits pour les salariĂ©s (accès Ă©largi aux mutuelles, droits rechargeables au chĂ´mage, formation… « Etudiants entrepreneurs », « contrats de gĂ©nĂ©ration », les 150 000 « emplois d’avenir », « service civique » “Contrat d’apprentissage (APC)”, “Contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE)”, “Contrat insertion activitĂ© (CIA”). Sans doute faut-il faire beaucoup plus, mais le chĂ´mage des jeunes s’est stabilisĂ©. Il est surprenant que les mĂ©dias en fassent si peu de cas. Ou bien, ces derniers considèrent que les jeunes ne comptent pas beaucoup ou bien que ces rĂ©formes sont « peanuts ». Ou bien encore le gouvernement qui a mis en place ces dispositifs ne sait pas les promouvoir.
Manque de charisme, trop de promesses, et un manque d’inventaire, à deux et demi du bilan du quinquennat, il faudra mieux faire.