Jeudi 24 mars, jour de la condamnation par le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) de Radovan Karadzic, l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie, à 40 ans de prison pour génocide et crimes contre l’humanité, la journaliste Florence Hartmann, qui se trouvait aux côtés des associations de victimes de la guerre de Bosnie-Herzégovine, a été brutalement arrêtée par des gardes du Tribunal et écrouée dans la prison des criminels de guerre pour y exécuter une peine de prison de 7 jours.

La coïncidence entre ces deux faits jette une ombre terrible sur un jour qui aurait dû être celui du triomphe de la justice. Il s’agit d’un événement insensé et révoltant pour tous ceux qui, dans le monde, défendent la liberté d’informer et plus généralement les droits humains.

Florence Hartmann avait été la porte-parole du procureur du TPIY Carla Del Ponte de 2000 à 2006, avant de se retrouver poursuivie en tant que journaliste par ses anciens collègues, devenus à la fois juge et partie, pour outrage à la Cour. Motif : avoir révélé dans son livre Paix et châtiment (Flammarion, 2007) les dessous d’une négociation secrète entre le Tribunal et la Serbie dans le cadre du procès de l’ancien Président serbe Slobodan Milosevic.
Dans ce marché, le Tribunal s’engageait à ne pas divulguer certaines preuves de l’implication permanente et déterminante de l’Etat serbe dans la guerre en Bosnie-Herzégovine.

Soulignons avec force que ces éléments étaient déjà connus des milieux autorisés, et qu’au moment des faits Florence Hartmann n’était plus employée du TPIY, mais avait repris son métier de journaliste indépendante. Elle n’a jamais dérobé des documents ou pratiqué le mélange des genres, comme on a trop souvent pu l’entendre ici ou là. Son seul credo est que le public a droit à la vérité, et que c’est le devoir du journaliste de l’informer. C’est pourquoi elle a jugé crucial de publier ces informations.

Condamnée à une amende de 7000 euros, levés en deux semaines par son Comité de soutien et déposés sur un compte que le Tribunal a refusé de prélever, son jugement a été confirmé en appel en 2011, et sa peine définitivement commuée en 7 jours de prison. Le simple fait que son procès ait été rattaché à l’affaire Milosevic était en soi un scandale et une absurdité. Le fait qu’elle se retrouve aujourd’hui internée dans la même unité de détention
que les criminels de guerre qu’elle a sans relâche combattus par ses actes de bravoure, son engagement indéfectible et ses écrits, nous le qualifions de perversion pure et simple d’une institution que nous avons nous-mêmes contribué à créer en 1993.

Nous continuons de croire que l’établissement du TPIY est un immense progrès dans l’histoire encore jeune du droit pénal international. C’est en effet son existence qui a permis l’arrestation du principal responsable de la guerre, Slobodan Milosevic, 5 ans seulement après la fin des combats, et a ouvert la voie à l’établissement de la Cour Pénale Internationale (CPI), où il n’est pas interdit d’imaginer qu’un jour, un Bachar El Assad puisse se retrouver au banc

Les conditions mêmes de l’arrestation de Florence Hartmann, d’une rare violence, évoquant un guet-apens, alors que les associations de victimes tentaient de résister à l’assaut des gardes du Tribunal, ont entaché à jamais le souvenir de ce jour. Une semaine de prison, c’est peu, diront certains. Mais que fait Florence Hartmann dans le quartier des criminels de guerre, non loin de Radovan Karadzic condamné pour génocide ? Que fait-elle placée à l’isolement, lumière allumée 24 heures sur 24, guichet ouvert toutes les 15 minutes, privée de communication avec l’extérieur ?

A l’instar de Carla del Ponte, nous réclamons sa libération immédiate, et plus encore, nous exigeons sa réhabilitation. Empêchée aujourd’hui de travailler dans les organisations internationales et dans les médias du fait de cette condamnation odieuse, seule une réhabilitation totale lui permettra de reprendre le cours de sa vie professionnelle et personnelle, mise en suspens et radicalement affectée par cette injustice.

LIBÉREZ ET RÉHABILITEZ FLORENCE HARTMANN !
Comité de soutien, tél. +33 (0)6 83 77 99 29

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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