Chronique de Pierre Le Roy

L’Union européenne a tout ce qu’il faut pour devenir une grande puissance mondiale, à l’égal des Etats-Unis et de la Chine et la création de l’Euro, à l’orée du 21ème siècle, devait constituer une nouvelle étape dans la progression de l’Union Européenne vers plus de consistance et d’efficacité au service des Européens.

Quinze ans après, force est de constater qu’il n’en est rien, puisque l’euroscepticisme progresse d’année en année. La crise économique mondiale des années 2008-2009 y est évidemment pour beaucoup, mais il apparaît que la stagnation de l’Union a une autre raison, qui vient d’une absence de consensus sur le diagnostic de la maladie européenne : la moitié des Européens pensent que l’Union est en panne parce qu’il y a trop d’Europe, et l’autre moitié pense que c’est parce qu’il n’y en a pas assez.

Ceux qui pensent qu’il y a trop d’Europe ne sont pas seulement présents en Grande-Bretagne. S’il y avait un référendum dans chaque pays de l’UE, pour ou contre le maintien dans l’Union, combien seraient en faveur du maintien ? Dans tous les pays, l’idée selon laquelle il serait préférable de revenir aux frontières et à la monnaie nationales gagne du terrain, à coup d’arguments simples, voire simplistes, qui affirment que la Commission de Bruxelles est peuplée de technocrates dont les compétences concernent des domaines beaucoup trop nombreux et souvent de peu d’importance, ce qui n’est pas forcément faux. Ils citent volontiers l’exemple de cette directive européenne qui se propose d’interdire aux jeunes travailleurs de 16 à 18 ans de monter sur des escabeaux pour cueillir des fruits …

A l’inverse, ceux qui pensent que la crise de l’UE vient du fait qu’il n’y a pas assez d’Europe citent par exemple le fait que la création de l’Euro ne s’est pas accompagnée d’un mouvement vers une concurrence plus loyale dans le domaine des coûts de production, puisque les charges sociales et la fiscalité en général et celles des entreprises en particulier restent des compétences nationales. Ils citent aussi le fait que, de toute évidence, avec des frontières ouvertes au sein de l’espace européen, le contrôle des migrations provenant de l’extérieur de l’UE ne peut se faire qu’aux frontières extérieures européennes, avec un corps européen de contrôleurs, comme aux Etats-Unis.

La réponse : plus d’Europe et moins d’Europe

Et si la solution, pour aller de nouveau de l’avant, était dans une nouvelle définition des compétences des Etats et de l’UE ? Il est clair que les Etats, et à fortiori l’Union, sont trop grands pour s’occuper des « petits » problèmes, mais n’est-il pas vrai aussi que les Etats sont trop petits pour s’occuper des « grands » problèmes ? Sans aller jusqu’à l’idée selon laquelle certains problèmes, comme le climat, le cours des monnaies ou la guerre et la paix ne peuvent être traités qu’au niveau mondial, l’UE ne devrait-elle pas entamer un double mouvement ?

D’une part, aller vers plus d’Europe dans certains domaines, en définissant pour l’avenir à moyen et long termes quelques priorités qui redonneraient du corps à l’idée même de construction européenne, qui ressemble à un vélo : s’il n’avance pas, il s’écroule ! D’autre part et a contrario, l’UE devrait aussi, bien entendu, aller vers moins d’Europe dans de nombreux domaines, en cessant de légiférer sur les détails de notre vie quotidienne, pour laisser agir les Etats et sans doute même plutôt les échelons décentralisés. Faute d’une clarification de ce type, on ne peut être que très inquiet sur l’avenir de notre Europe, d’autant plus que les effets de la crise mondiale se feront sentir encore longtemps.

De nouvelles élections auront lieu bientôt en France et en Allemagne. Souhaitons que ce soit l’occasion d’un nouveau départ pour l’Union Européenne ! Hélas, les Européens ne savent pas trop ce qu’ils veulent, ou plutôt, ils sont très divisés sur l’avenir souhaitable de l’Europe : dommage, car, quand on est malade, on a peu de chances de guérir si les médecins ne sont pas d’accord sur le diagnostic. !