A l’occasion d’un colloque qui s’est tenu le 2 avril 2015, le CEIFAC s’est attaché à définir et à mieux comprendre comment prévenir et réprimer la criminalité financière et d’examiner les moyens d’investigation financière à l’échelle de l’Union européenne. Un enjeu qui passe par la nécessité de former davantage de procureurs en charge des sections financières, de juges d’instruction appartenant à des pôles financiers, de gendarmes et policiers d’unités de recherches spécialisées en délinquance financière et
de douaniers..

L’avenir de la lutte contre la criminalité ?

C’est l’objet de la création en 2013 du CEIFAC (Collège européen des investigations financières et analyse financière criminelle) de l’Université de Strasbourg. Blanchiment de capitaux, fraudes financières, détournements, contrefaçon de l’euro, ventes de marchandises illégales, corruption… Le FMI estimait en 2009 que la criminalité organisée générait dans le monde, entre 870 et 1 500 milliards de dollars américains, soit un montant équivalent à 1,5% du PIB mondial et au budget pluriannuel 2014-2020 de l’Union européenne.

La création en 2013 du Collège européen des investigations financières et analyse financière criminelle (CEIFAC), financé à 90 % par la commission européenne, a été une étape importante en matière de lutte contre la criminalité organisée, lutte qui doit désormais s’intensifier grâce à la mise en œuvre des investigations financières. Le CEIFAC se veut un laboratoire européen de la construction d’une Europe juste et harmonieuse, l’Europe de la Justice et de la liberté à travers la vocation de l’Université de Strasbourg de contribuer à la construction de l’Europe de la connaissance.

L’investigation financière menée par le CEIFAC est identifiée, aujourd’hui, comme l’un des moyens les plus efficaces pour enrayer le développement de l’économie criminelle. Elle est en outre incontournable pour dépister les actifs criminels en vue de leur confiscation. Le but premier d’une investigation financière est d’identifier et de documenter les flux financiers qui interviennent au cours d’une activité criminelle.
Elle consiste à rechercher des liens entre l’origine des flux financiers, les bénéficiaires, le moment où l’argent est reçu et l’endroit où il est déposé ou investi. Les résultats de l’investigation financière peuvent ainsi fournir des informations et des preuves d’une activité criminelle. Diligentée de manière proactive et parallèle à l’enquête sur les auteurs de l’activité criminelle, elle permet de circonscrire l’étendue des réseaux criminels, de cerner l’ampleur du phénomène criminel, de mettre à jour des infractions qui ne l’auraient pas été sans elle. Au-delà elle permet de pister les produits du crime, et tous les biens susceptibles d’être confisqués.

Unique en Europe, le CEIFAC a su conjuguer pendant deux ans formation et recherche afin d’être moteur dans le domaine. En à peine deux ans, quatre sessions de formation ont déjà eu lieu et ont permis de former près de 120 stagiaires experts venus de l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne et des pays candidats. Procureurs en charge des sections financières, juges d’instruction appartenant à des pôles financiers, gendarmes et policiers d’unités de recherches spécialisées en délinquance financière et des douaniers se sont ainsi côtoyés et ont échangé. De retour dans leurs unités et services, ils ont pour mission de disséminer la formation reçue, afin de sensibiliser les services d’investigation et de poursuite, sur l’importance des investigations financières dans la lutte contre la criminalité organisée.

Sur le plan de la recherche, le CEIFAC développe son activité dans le cadre du Grasco, dirigé par Chantal Cutajar. Le centre de recherche est rattaché à l’UMR DRES 7354 (Université de Strasbourg). La problématique s’articule autour de la question : Quelle stratégie pour amener les Etats à mettre en œuvre des investigations financières systématiques pour lutter contre l’infiltration de l’économie par des flux d’argent illicite ?
La mise en œuvre systématique et proactive d’investigations judiciaires en matière économique et financière se heurte à des obstacles qui ont été identifiés. Des préconisations sont développées :

1°) La reconnaissance d’un statut juridique de l’investigation financière en tant que procédure pénale spécifique, parallèle et proactive.

2°) La levée des obstacles à la mise en œuvre efficiente des investigations financières par la collecte et l’analyse des informations centralisée au niveau d’une cellule de renseignements financiers européenne.

3°) La création à l’échelle européenne d’un corps d’investigateurs financiers accrédités issus des autorités de poursuite et de justice au sein des Etats membres.

Le CEIFAC, financé par la Commission européenne et par les collectivités locales alsacienne a également une mission d’information et de formation envers les citoyens, les éclairant sur l’état de la criminalité en Europe, les fondements économiques de la criminalité, le rôle du renseignement financier pour lutter contre la criminalité organisée, les obstacles à la lutte contre la criminalité organisée et les moyens de
les dépasser, et le rôle que peuvent jouer les citoyens et les journalistes dans la lutte contre la criminalité organisée

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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