Au Théâtre: « Le moral des ménages » d’après le roman de Eric Reinhardt*.
Les inventions de la classe moyenne.
Un gratin de courgette quotidien, cela peut marquer une vie, n’est-ce pas ! Pour « l’apprécier », il ne faut pas rater ce spectacle inspiré du roman d’Eric Reinhardt. C’est cinglant et les deux comédiens sont épatants.
Il y a quelque chose d’une vie derrière soi mais qui reste accrochée au temps présent tout en dessinant des envies de lendemain rêvant d’avenirs radieux ! Et encore, dans ce passionnant « Moral des Ménages », il y a ces souvenirs de jeunesse toujours incrustés dans les neurones, d’autres qui se transforment avec le temps ou sont, parfois, purement et simplement gommés. S’ajoute à cette réalité du quotidien, le côté boulot et petite famille dans un pavillon de banlieue qu’il faut bien assumer. Il y a tout de cela dans l’adaptation et la mise en scène réussie de Stéphanie Cléau du roman d’Éric Reinhardt, « Le moral des ménages » (chez Stock).
Voilà donc un livre ouvert sur la famille Carsen. Avec, en lecteur/acteur du passé/présent/futur immédiat, le conteur Mathieu Amalric, alias Manuel Carsen, fils de son père. Côté femmes, la comédienne Anne-Laure Tondu se glisse dans les rôles de mère de Manuel, puis amantes (au pluriel) de Manuel et finalement, fille de ce même Manuel Carsen.
Côtés signes marquants dans cette famille, une mère dominatrice, super-championne du gratin de courgettes distillé tous les soirs au fils et au mari (Jean-Pierre)! Ce dernier, lui, écrase souvent son désespoir de ne pas être respecté par ses collègues en enfonçant « son pousse gauche sur le camembert » ! Ce père a pourtant eu ses heures de gloire comme pilote, très jeune, d’hélicoptères. Or le voilà souvent prostré dans une penderie …
La mise en scène est aussi directe et excitante que l’aventure de Manuel Carsen. Plateau presque nu, juste traversé par un très long portant de vêtements. En fond des grands dessins de Blutch soulignent notamment la cruauté de ce monde. Manuel parle de sa famille mais surtout de ses nombreuses femmes croisées quelques temps.
Anne-Laure Tondu est toutes ses femmes. Même la ménagère de la classe moyenne vilipendée par le dit Manuel Carsen. Et si Mathieu Amalric est passionnant dans ses rôles, il est aussi magnifiquement accompagné par Anne-laure Tondu. Un spectacle court, tendu du début à la fin.
*Adaptation et mise en scène de Stéphanie Cléau.
Avec Mathieu Amalric et Anne-Laure Tondu.
Au Théâtre de la Bastille (76 rue de la Roquette, 75011) du 3 au 20 décembre 2014. Réservation : 0143574214.