Le mercredi 18 mai 2011, le G8 a rendu public le rapport sur la redevabilité, présentant le bilan des engagements pris ces dernières années par les dirigeants des 8 pays les plus riches du monde sur les questions de santé et de sécurité alimentaire

Sida : entre auto-critique et auto-satisfaction,le G8 continuera-t-il d’oublier 10 millions de malades ?

. Nos associations condamnent l’opacité qui a entouré l’élaboration de ce rapport et estiment que les pages consacrées au VIH / sida sont insatisfaisantes.

Ce document ne permet pas d’expliquer pourquoi l’engagement pris en 2005 par les pays du G8 au sommet de Gleanagles d’atteindre d’ici 2010 l’accès universel n’a pas été respecté, ni de mesurer les écarts entre les résultats obtenus et l’objectif assigné. La seule chose qui est sûre est que depuis début 2011, un million de personnes sont mortes faute d’accès aux traitements. Bref, à en croire ce rapport sur la redevabilité, le G8 n’est redevable de rien.

Un processus de consultations des ONG très opaque

Cela faitplusieurs mois que les expert-es du G8 planchent sur ce document. Si les ONG ont été invitées à une série de consultation en présence des rédacteurs, elles n’ont pu avoir accès au rapport avant son lancement, réduisant ainsi la possibilité de formuler des recommandations en toute connaissance de cause.

L’engagement d’un accès universel aux traitements contre le VIH passe à la trappe

Les dirigeant-es du G8 au sommet de Gleaneagles en 2005 s’étaient engagés à atteindre l’accès universel au traitement VIH d’ici 2010.

Or le rapport reconnaît que cet objectif « n’a pas été atteint : les pertes humaines dues à cette pandémie restent élevées, car un grand nombre de personnes n’ont pas accès au traitement ».

Les chiffres exacts de ce dramatique fossé entre objectifs et réalité ? En 2010, loin de l’accès universel promis, c’est seulement 1 malade sur 3 qui avait bénéficié d’un traitement anti-VIH. D’après l’OMS, 10 millions de malades étaient encore en attente de traitement au cours de l’année 2010. Et deux millions d’entre eux sont décédés au cours de l’année dernière. Nos associations se réjouissent des progrès considérables réalisés, mais sont également extrêmement inquiet-es de l’absence de financements des pays les plus riches pour prendre en charge les 10 millions de malades restant-es, dont près de 8 millions habitent des pays pauvres.

Le rapport ne revient ni sur les défaillances qui ont empêché d’atteindre cet objectif, ni sur les étapes nécessaires pour y parvenir. Le document ne saurait donc prétendre opérer un véritable suivi de ces engagements.

Les causes d’un engagement non tenu

Puisque le G8 s’y refuse, nous rappelons les décisions politiques qui ont amené à faire en sorte que l’engagement, parfaitement réaliste, d’un accès universel aux traitements n’a pas été tenu :

 Le rapport parle des « moyens impressionnants » consacrés à la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, qui prouveraient que la lutte contre le « VIH/Sida constitue une priorité de haut-niveau » pour le G8. Or le tableau de financementréalisé par les experts du G8 eux-mêmes prouvent que les financements consacrés au sida par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme baissent depuis 2008 ! De quelle volonté politique de parvenir à l’accès universel peut-on parler si les moyens financiers ne suivent pas ? A titre d’exemple, l’Italie, pays membre du G8, n’as pas payé 160 millions de dollars annoncés par Silvio Berlusconi en 2009, ni les 183 millions annoncés pour 2010.

 Les pays membres du G8 ont jusqu’à présent refusé de soutenir des financements innovants, comme la taxe sur les transactions financières promues par les ONG depuis plusieurs années. Ils pourraient la mettre en place dès maintenant. Cette taxe permettrait de lever près de 300 milliards de dollars par an, soit plus que les ressources nécessaires à la seule lutte contre le sida.

 Loin de favoriser les génériques, comme le rapport l’affirme à propos de la France et de la Grande-Bretagne au sein d’UNITAID, les pays riches ne cessent d’imposer des traités internationaux qui entravent ces copies de médicaments, moins chères et tout aussi efficaces. Promouvoir les génériques permettrait pourtant d’optimiser les financements du G8 contre le sida.

C’est en mobilisant de nouvelles ressources financières et en faisant baisser les prix des médicaments par la promotion des génériques que le G8 pourra assurer rapidement l’accès universel aux traitements.

10 après son lancement au G8 de Gênes, le Fonds mondial de lutte contre le sida représente aujourd’hui l’organisme multilatéral qui a eu l’impact le plus significatif pour lutter contre les pandémies. En moins de 10 ans, il a ainsi permis de passer de 5 % de personnes séropositives sous traitements à plus d’un tiers.

Act Up et Aides demandent donc instamment aux pays du G8 de définir un véritable plan d’action et une nouvelle date butoir permettant de sauver rapidement la vie de toutes les personnes vivant avec le VIH.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

Catégorie(s)

Le Magazine

Etiquette(s)

,