Lorsque les lycéens expérimentent les sciences comme des chercheurs…
Retour sur 6 années d’un programme original conçu par une équipe de chercheurs à destination de lycéens de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur

Depuis 6 ans des chercheurs en biologie mènent une expérience originale en direction des lycéens. Ils offrent chaque semaine à des classes entières de lycées une plongée de plusieurs jours au cœur de la démarche scientifique dans un laboratoire qui leur est entièrement réservé dans un institut Inserm sur le campus de Marseille-Luminy. (Université de la Méditerranée).

Ainsi quelque 1000 lycéens par an réalisent des mini-stages de recherche encadrés par des étudiants en thèse. Le détail de ce programme vient d’être publié dans la revue PloS Biology

On observe ces dernières années une désertion des filières scientifiques. Il s’agit donc de rendre ces carrières plus attirantes pour les jeunes générations. C’est dans cet esprit que s’inscrit le programme conçu par Constance Hammond, directrice de recherche à l’Inserm. Elle a imaginé une façon de stimuler la curiosité, l’imagination et la créativité des jeunes en leur permettant de pénétrer concrètement au cœur de la recherche scientifique. Les lycéens approchent la recherche par ce qui fait son essence : la construction de savoirs.

Le programme, lancé en 2004, consiste à faire participer tous les élèves d’une classe de lycée en section scientifique à des projets de recherche miniatures, correspondants aux programmes scolaires. La classe est divisée en quatre groupes, chacun encadré par un étudiant en thèse.

 Première partie : observer, élaborer un projet de recherche (sur un thème pré-défini) : que voulez-vous étudier et comment allez-vous procéder ?

 Deuxième partie : mettre au point les expériences nécessaires au projet, expérimenter et évaluer les problèmes rencontrés, discuter les résultats.

 Dernière partie : interpréter et présenter se s travaux qui sont soumis à la critique des autres élèves et de chercheurs.
_Les ateliers mis en place par Constance Hammond et ses collaborateurs, au sein de l’association « Tous chercheurs », abordent différents domaines de la recherche en biologie tels que l’utilisation des protéines fluorescentes (biologie moléculaire), la réponse à l’infection (immunologie), le développement cérébral et la plasticité (neuroscience), l’étude de la pollution de l’eau (développement durable), le traitement du diabète de type 1 (physiologie)….

« Il est très étonnant que dans le cursus français des enseignants en sciences, jusqu’au capes et à l’agrégation, les stages en laboratoire ne soient pas obligatoires. De ce fait les enseignants n’ont bien souvent qu’une connaissance théorique de la démarche scientifique. Ils l’imaginent linéaire et rapide, l’expérimentateur trouvant toujours le résultat attendu. Ainsi les expériences réalisées en TP sont souvent de simples vérifications qui n’apprennent pas à réfléchir et ne forment pas à la critique positive en sciences», constate la chercheuse.

L’approche pédagogique est très différente de celle à laquelle sont habitués les élèves de lycée. Les lycéens sont guidés par les jeunes chercheurs encadrants. Il n’y a pas de « bon » ou de « mauvais » résultat établi a l’avance ; si une expérience ne donne pas de résultat interprétable, les élèves sont encouragés à essayer de comprendre pourquoi et à recommencer. Ainsi, les échanges sont libres, les hypothèses de recherche émises et les recherches de protocoles sont juste guidés par le chercheur junior. Il insiste sur la nécessité de vérifier soigneusement ses résultats.

Les professeurs des classes participantes sont aussi parties prenantes : ils sélectionnent à l’avance les sujets qu’ils souhaitent aborder au laboratoire et programment leur cours sur le sujet à la suite de mini-stage de recherche. Les jeunes chercheurs sont formés avant les sessions. Ils acquièrent ainsi une expérience d’enseignement complètement nouvelle.

De tels laboratoires pour lycéens « hors les murs », sur un campus universitaire pourraient être généralisés à d’autres régions de France, estiment Constance Hammond et ses collaborateurs. En effet, la pédagogie associée est applicable à toutes les disciplines scientifiques, mathématiques , physique, et biologie. En centralisant en un seul lieu un équipement performant, identique à celui présent dans les labos de recherche scientifique, ils permettraient d’accueillir de nombreux lycées d’une même région dans des conditions optimales. Les lycéens y bénéficieraient d’un encadrement resserré et de haut niveau. Pour Constance Hammond, « C’est aussi l’opportunité pour les lycéens de visiter une université, et de travailler avec le service universitaire d’information et d’orientation pour affiner leurs choix avant la terminale ».

Pour en savoir plus

Source
“Creative research science experiences for high school students“
C. Hammond, D. Karlin and J. Thimonier
Tous Chercheurs, Equipe de Recherche Technologique en éducation (ERTé) Hippocampe n°47, INMED and University of the Mediterranean Sea, 163 route de Luminy, BP 13, 13273 Marseille 9
PloS Biology, Community Page, published 21 Sep 2010 10.1371/journal.pbio.1000447
http://www.plosbiology.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pbio.1000447

Contact chercheur
Constance Hammond
Directrice de recherche Inserm
Coordinatrice de l’Equipe de recherche technologique en éducation Hippocampe n°47
Présidente de l’association Loi 1901 « Tous Chercheurs » abritée dans les locaux de l’Inmed
http://www.touschercheurs.fr
Tel : 04 91 82 81 10 / 45
Mel : hammond@inmed.univ-mrs.fr

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

Catégorie(s)

Le Magazine, Sciences et société

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