Avec un score de 51 sur 100, la France est l’un des pays où le milieu social joue le plus dans la détermination du niveau scolaire.

La France partage avec la République tchèque un triste palmarès, celui d’être parmi les pays où l’origine sociale influence le plus le niveau scolaire. Une influence qui s’exerce par des éléments très divers : le niveau de vie (conditions d’étude, recours aux cours privés, etc.), l’éducation (aide aux devoirs, lectures, etc.) et diverses pratiques (langage, loisirs, etc.). Le résultat tiré des enquêtes menées par l’OCDE sur le niveau scolaire à l’âge de 15 ans est valable en mathématiques, mais aussi en sciences ou à l’écrit. Des pays très différents ont les meilleurs résultats : les pays méditerranéens (Espagne, Italie, Portugal) le Canada et les pays nordiques.

La mauvaise position de la France peut s’expliquer par différents facteurs. Les programmes valorisent plus qu’ailleurs la culture de l’élite scolaire de la nation : la maîtrise d’un savoir mathématique théorique et de la langue française. A partir du collège, le système, très académique sur le plan de la forme, défavorise ceux qui peinent à entrer dans le moule officiel. Les évaluations à répétition dévalorisent et contribuent à l’échec des plus faibles. Le travail demandé hors temps scolaire est important, profitant à ceux qui disposent d’un soutien à domicile (des parents ou par le biais de cours privés).

 55 % des élèves de classes préparatoires sont enfants de cadres ou de professions libérales, tandis que seuls 16 % ont des parents ouvriers, inactifs ou employés.

A mesure que le niveau d’études augmente, la proportion d’élèves des couches sociales les moins favorisées diminue. Alors que les enfants d’ouvriers, d’inactifs et d’employés représentent la majorité des élèves de sixième (56 % pour les deux catégories cumulées), ils ne constituent qu’une faible part (16 %) des élèves de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE).

A l’inverse, les enfants, dont les parents sont cadres ou exercent une profession libérale, ne représentent que 16 % des élèves de sixième, tandis qu’ils constituent plus de la moitié (55 %) des élèves de classes préparatoires.
Si les inégalités sont présentes dès l’école maternelle, elles s’accentuent au fur et à mesure que le niveau d’études augmente, du fait d’une moins bonne réussite des enfants issus de milieux défavorisés ou, tout simplement, de choix d’orientation influencés par le milieu social. Mais le « handicap » du milieu social n’est pas insurmontable : même s’ils sont peu nombreux, et même s’ils doivent redoubler d’efforts, des enfants d’ouvriers et d’employés sont présents dans les filières de prestige.

 L’admission au baccalauréat dans une série plus ou moins prestigieuse est liée en partie à l’origine sociale : les fils de cadres supérieurs ont 2,9 fois plus de chances que les ouvriers d’avoir leur bac et 8 fois plus d’obtenir un bac S…

En témoigne la comparaison des pourcentages d’admis au baccalauréat en 2002 à celui des élèves entrés en 6ème en 1996 [1].
Si le système scolaire était équitable, le pourcentage d’admis dans les différents baccalauréats devrait être le même que celui qui est observé en classe de 6ème. Or, les enfants de cadres supérieurs représentent 13,8 % des élèves de 6ème mais constituent 24 % des admis au baccalauréat toutes séries confondues (soit une surreprésentation de 1,7 : résultat du rapport entre les 24 % d’admis au baccalauréat et les 13,8 % des classes de 6ème), et 40,2 % des admis au baccalauréat S (soit une surreprésentation de 2,9).

Les enfants d’ouvriers, qui représentent 31 % des élèves de 6ème, ne représentent plus que 18,2 % des admis au baccalauréat (soit une sous-représentation cette fois de 1,7) et 11,4 % des admis au baccalauréat S (soit une sous-représentation de 2,7). Au bout du compte, les fils de cadres ont 2,9 fois plus de chances que les ouvriers d’avoir leur bac et 8 fois plus d’obtenir un bac S !

 Les 10 % d’élèves sortis le plus tôt du système scolaire l’ont quitté à 17 ans, contre 25 ans pour les 10 % sortis le plus tard…

Les scolarités s’allongent, ce qui profite à tout le monde. Mais elles s’allongent surtout pour ceux qui ont les parcours les plus longs… Entre le milieu des années 1980 et le milieu des années 2000, la durée de scolarité s’est accrue d’au moins 3,2 années pour le dixième qui a été le plus longtemps à l’école (âge maximum pour lequel 90 % sont sortis), et de 1,5 année pour le dixième qui a connu le parcours le plus court. Les premiers sortent à 25 ans au moins alors que les seconds quittent l’école à 17,2 ans au plus. Huit années d’enseignement séparent ces deux groupes, contre 6,5 années au milieu des années 1980.
Les plus favorisés ont donc des formations encore plus longues qu’autrefois, accumulant les années ou les cursus doubles. Compte tenu du financement public de l’école, cela signifie qu’une part encore plus grande de l’argent public profite à la scolarisation des plus favorisés, alors que les moins formés connaissent assez peu d’évolutions.

 A peine 9,1 % de la population active dispose d’un diplôme équivalent à bac +2.

Dans la population active, la part des bacheliers et plus (32, 7 %) est proche de celle des « sans diplôme » (28,7 %). Les taux élevés de scolarisation des 15 à 19 ans (92,2 %) et des 20 à 24 ans (45,6 %) indiquent un meilleur accès des jeunes à la qualification et une entrée plus tardive sur le marché de l’emploi.

L’évolution du niveau de formation est sensible quand on compare les tranches d’âge suivantes :

la part des non diplômés diminue de moitié chez les 25- 49 ans.

82 % des salariés ont un diplôme contre 65,3 % pour la tranche d’âge 50 à 64 ans.
près d’un salarié sur deux a au moins le bac ou équivalent contre 30 % pour la tranche d’âge des 50 ans et plus.
On confond souvent le niveau scolaire des jeunes générations qui sortent du système éducatif – dont près des deux tiers (64 %) avec le bac – et celle de l’ensemble des générations où la part des niveaux infra bac reste élevée (56,3 %).
Le taux d’accès à une première certification qualifiante est très faible puisque seuls 1,3 % des 25-49 ans déclarent être en cours d’études initiales alors que près d’un actif sur quatre n’a pas de diplôme professionnel.
Comment favoriser la mobilité professionnelle, lutter contre le chômage, la précarité, sans mettre en place une politique de formation continue pour les plus éloignés de la qualification ?

 Un étudiant à l’université coûte 9 000 euros par an à la collectivité, contre 13 900 euros pour un élève de classe préparatoire aux grandes écoles.
Tous niveaux et tous types d’établissements confondus, la dépense moyenne par élève ou étudiant s’élève à 7 470 euros en 2007, selon le ministère de l’Education nationale. Alors qu’un étudiant à l’université coûte 9 000 euros par an, la collectivité publique dépense par contre 13 900 euros par élève de classe préparatoire aux grandes écoles, soit près de 1,5 fois de plus.
Les dépenses de personnel représentent les trois quarts de la dépense d’éducation. Les disparités constatées entre les dépenses moyennes par élève des différents niveaux d’enseignement traduisent, en grande partie, les différences liées à l’encadrement en personnels enseignants et à leurs profils : taille des classes, nombre d’heures d’enseignement par élève et statut des enseignants.
Ainsi on remarque une proximité des coûts entre un étudiant préparant un brevet de technicien supérieur ou inscrit en classe préparatoire aux grandes écoles. Pour plus de la moitié des étudiants, la majeure partie des cours est dispensée en amphithéâtre. Comment ne pas faire un lien entre le taux d’encadrement des filières post-bac et les chances de réussite de leurs étudiants ?

 Les filles ont de meilleurs résultats scolaires en français que les garçons, et sont plus présentes à l’université. Toutefois, les garçons sont plus nombreux à obtenir un doctorat.

La thèse selon laquelle les filles réussissent mieux à l’école que les garçons est désormais un lieu commun. Est-ce si vrai que cela ? Les filles réussissent mieux en français dans les petites classes, ont plus souvent leur bac et une licence, voire un master. On compte plus de filles que de garçons à l’université.
Mais quand on creuse, on s’aperçoit que les garçons ont de meilleurs résultats en mathématiques au primaire, écart qui s’estompe en troisième.

Au lycée, ils sont beaucoup plus représentés dans la filière S (scientifique), qui conduit aux filières les plus sélectives de l’enseignement supérieur. A l’université, les garçons sont moins nombreux que les filles, mais obtiennent plus souvent un doctorat. Les filles représentent les trois quarts des classes préparatoires littéraires mais seulement 30 % des scientifiques. Elles ne représentent qu’un gros quart des élèves en école d’ingénieur.

Ni les filles, ni les garçons ne sont meilleurs par nature. Leurs modes de vie, leur éducation, les choix de leurs parents ou le fonctionnement du système éducatif restent différenciés. Ils expliquent la plus ou moins grande réussite scolaire dans certains domaines, et, surtout les choix d’orientation vers telle ou telle filière.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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