Il n’y a pas que Michael Jackson dans l’actualité.

Pianiste de jazz réputé, Laurent Coq a choisi la voix de l’indépendance. Il réalise, produit et distribue son dernier album sous son propre label. Un pari économique risqué et entièrement assumé. Entretien.

« Sur un disque vendu 15 euros en magasin, il me revenait moins d’un euro. Ce n’était plus possible ! ». Le pianiste de jazz Laurent Coq explique pourquoi, après dix ans d’activité au sein d’un label (Cristal), il a décidé de rompre avec le système classique de production pour tout contrôler, de la création artistique à la vente de ses propres œuvres.

Ce choix de l’indépendance, le jazzman l’a opéré en toute connaissance de cause et en appréciant le poids du risque. Se définissant comme « un artisan », le musicien-compositeur précise qu’il a pris cette décision « après des années d’observation et de frustration ».

Cette nouvelle démarche s’est traduite par la création de son propre label, 88 trees (allusion aux 88 touches du piano) et la confection, de A à Z, de son dernier album « Eight fragments of summer », disponible depuis le mois de mai.

Dans le même temps, il a récupéré ses droits auprès de son ancien label pour quatre albums qu’il avait lui-même produits.

Tout au long de sa carrière, engagée en 1997, menée alternativement à New York et à Paris et couronnée de nombreux prix (Académie du Jazz notamment), Laurent Coq aura toujours assuré la direction artistique de ses albums, sept à ce jour. Mais toutes les autres phases-production, fabrication, distribution, marketing- étaient assurées, par une maison de disques.

Un site internet propre lancé voici cinq ans

Le musicien avait pourtant commencé à « jouer sa propre partition » en lançant son site internet il y a cinq ans de cela. On pouvait notamment y télécharger, gratuitement, des captations de concerts avec des morceaux de 5 à 10 minutes. Bilan d’activité correct : plus de 70.000 téléchargements jusqu’à présent.

Un succès d’estime pour un jazzman apprécié des deux côtés de l’Atlantique mais sans véritable impact financier. « Naïvement, confie-t-il aujourd’hui, je pensais en créant mon site qu’il aurait un effet accélérateur sur les ventes payantes de mes albums ».

Làs, le pianiste se doit de constater que pas un seul des internautes ayant téléchargé sa musique n’a laissé de message sous forme de mail !

Cette indifférence des consommateurs par voie numérique n’a pourtant nullement découragé Laurent Coq dans sa démarche artisanale.

Il a décidé de vendre son premier album sous son propre label sur son propre site avec un système de paiement sécurisé.

Le disque est aussi disponible dans certains magasins y compris dans certaines Fnac, mais le site web de la Fnac ne le propose pas, refusant de vendre des albums autoproduits.

Après un mois de commercialisation, « Eight fragments of summer »- huit compositions du pianiste- très bien accueilli par la presse professionnelle, a dépassé les 200 ventes dont la moitié réalisées sur son site.

Sur la base d’une recette de dix euros par album, pour la vente par son site (www.laurentcoq.com) l’artiste-producteur a encaissé près de 2000 euros.

Vente directe sur son site web

La route est encore longue pour équilibrer l’affaire, la production totale (artistique, enregistrement à New York, pressage, service de presse) pour un millier d’albums se chiffrant entre 12 000 et 14 000 euros.

Un financement totalement assuré par Laurent Coq qui a investi ses économies provenant de ses droits d’auteur (composition pour de la musique de film, des émissions de télévision, des spectacles de danse), de son activité d’accompagnateur (auprès des saxophonistes Julien Lourau, Pierrick Pedron, Sophie Alour ) et de ses cours dans une école de musique (l’EDIM à Cachan).

« Je vais essayer de ne pas perdre d’argent avec ce disque », confie Laurent Coq. Compte tenu de l’effondrement des ventes d’albums, il ne se hasarde pas à avancer un objectif en termes de volume, rappelant seulement que ses précédents disques enregistraient des scores situés entre 1000 et 2000 unités, un niveau pas négligeable dans le jazz.

« Ah si tous les gens qui ont téléchargé mon album le payaient, je m’en sortirais très bien » lâche-t-il dans un sourire. D’après ses informations portant d’ailleurs sur un seul site de « peer to peer », « Eight fragments of summer » a déjà été téléchargé plus de 1350 fois en l’espace d’un mois.

« La musique qu’on ne paye pas n’a pas de valeur »

Vitupérant ce « pillage » de la musique, dénonçant «  cette situation ubuesque où une économie entière, celle du disque, est torpillée sans aucune réaction », Laurent Coq estime que « la musique que l’on ne paye pas ne perd pas seulement de sa valeur marchande, mais de sa valeur tout court ». Dans cet environnement en pleine décomposition, le jazzman ne regrette nullement d’avoir pris ses responsabilités, même s’il reconnaît « avancer en plein brouillard ».

Et le pianiste de conclure : « en tant qu’artiste, j’ai envie que mon œuvre reste, qu’il y ait une trace, avec le disque ».

  Laurent Coq: « Eight fragments of summer ». 88trees.

Laurent Coq (piano), Jérôme Sabbagh (saxophone ténor), Joe Sanders (basse) et Damion Reid (batterie).

www.laurentcoq.com

 En concert les 26 et 27 juin au Sunside (75001)

www.sunset-sunside.com

Au sujet de Claire Marzin

Claire est coordinatrice de projet pour Place Publique, rédactrice et documentaliste pour Canal Plus, Télérama, Les Echos et Place-Publique. Claire Marzin est la webmaster des sites Place-Publique.fr et Place-Publique Edition. Spécialiste de la gestion de contenus, elle conseille et accompagne les petites entreprises et les associations dans la création ou la refonte de leur site internet. Sa formation de documentaliste et la gestion des services de Documentation du Nouvel Economiste, de Management et de La Tribune, l'ont naturellement conduite à la production de contenus pour site internet.

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ART & CULTURE, Le Magazine

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