La guerre amplifie le problème de l’eau au Proche et Moyen-Orient

Alors que de violents affrontements continuent de déchirer la Syrie et l’Irak, et que nombre de communautés ne se sont pas encore entièrement remises des conflits au Liban, en Israël et dans le Territoire palestinien occupé, les ressources hydriques et les systèmes vieillissants d’alimentation en eau approchent du point de rupture dans cette région, selon un nouveau rapport du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Même sans les conséquences dévastatrices des récentes périodes de sécheresse et des conflits en cours, de nombreux pays du Moyen-Orient et du Golfe auraient du mal à répondre aux besoins en eau de populations urbaines toujours plus nombreuses et à la demande croissante de denrées alimentaires.

Aujourd’hui, avec 7,6 millions de déplacés à l’intérieur de la Syrie et 3,8 millions de Syriens ayant cherché refuge dans les pays voisins et, par ailleurs, 2,5 millions de personnes déplacées en raison des combats en Irak, la situation est plus critique encore.

« Les systèmes d’alimentation en eau sont mis à rude épreuve dans la région », déclare le président du CICR, Peter Maurer. « Les sources d’eau s’assèchent rapidement, et l’infrastructure d’approvisionnement en eau subit de graves dommages dans des zones où les autorités locales avaient déjà les plus grandes difficultés à répondre aux besoins de populations toujours plus nombreuses. Les déplacements massifs de personnes provoqués par les conflits ne font qu’amplifier le problème de l’eau. Si des efforts urgents ne sont pas déployés, nous atteindrons un point de rupture. C’est donc maintenant que nous devons agir afin de protéger et préserver cette ressource essentielle, absolument vitale ».

Des précipitations historiquement faibles, le tarissement des aquifères, la surexploitation de ressources limitées et les effets dévastateurs des conflits font que l’accès à l’eau potable est aujourd’hui de plus en plus difficile. Pire encore, il arrive que, pour des raisons militaires ou politiques, les belligérants détruisent les infrastructures ou interrompent délibérément l’approvisionnement en eau et en électricité.

« Faire de l’accès à l’eau une tactique ou une arme pendant un conflit, ou attaquer des installations d’alimentation en eau ou en énergie, non seulement constitue une violation du droit des conflits armés, mais a également des conséquences très dommageables sur la vie de personnes dont la santé est déjà extrêmement vulnérable », déclare Robert Mardini, le chef des opérations pour le Proche et le Moyen-Orient au CICR.

« De telles attaques ont des effets particulièrement néfastes étant donné que l’approvisionnement en eau, électricité et énergie et l’assainissement sont étroitement liés », poursuit Mardini. « Par exemple, l’attaque d’une centrale électrique pourrait avoir un impact très lourd sur le traitement des eaux usées, la disponibilité et la qualité de l’eau ou le fonctionnement des structures de santé. La communauté humanitaire n’est pas en capacité de répondre aux besoins des populations en venant sans cesse se substituer aux services ou en offrant des solutions de fortune. »

Dans bien des cas, les eaux d’égout et autres eaux usées ne sont pas traitées correctement et constituent par conséquent une grave menace pour la santé communautaire au sein de populations déjà vulnérables. Alors qu’ils laissent déjà s’échapper des quantités d’eau importantes en raison d’un manque de maintenance (situation souvent causée directement par un conflit), les réseaux d’adduction d’eau gaspillent encore davantage cette ressource précieuse. Dans le seul cas de la Syrie, les responsables locaux estiment qu’en 2014, les fuites provoquées dans le réseau par les dégâts dus au conflit ont entraîné la perte de quelque 60 pour cent de la quantité d’eau pompée.

Il n’existe pas de solutions faciles aux problèmes d’approvisionnement en eau que connaît la région. Néanmoins, l’action du CICR et de ses partenaires nationaux permet déjà d’améliorer considérablement les conditions de vie de millions de personnes touchées par les conflits. En collaborant avec les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ainsi qu’avec les autorités locales en charge de l’eau et de l’électricité, le CICR a pu faire en sorte que les services vitaux continuent de fonctionner, même pendant les affrontements d’une grande intensité, tout en fournissant à des millions de personnes, dans tous les pays touchés, l’eau potable qui fait cruellement défaut. « Il existe des motifs d’espoir », déclare Mardini. « Largement causé par les hommes, le problème de l’eau qui se pose ici pourra être résolu par les hommes. Il faudra cependant, pour cela, pouvoir compter sur le soutien et les efforts concertés de tous, de la communauté internationale aux communautés locales. Le problème et ses solutions appartiennent à chacun, et il nous incombe de faire en sorte que l’eau soit accessible à tous ».

Action de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge au Proche et Moyen-Orient en 2014 :
• 9,5 millions de personnes ont eu accès à l’eau après des réparations d’urgence ou la réhabilitation de systèmes d’approvisionnement.
• 600 000 personnes ont reçu de l’eau acheminée par camions-citernes ou distribuée en bouteilles.
• 1,1 million de personnes ont bénéficié des améliorations apportées aux installations de stockage ou de distribution d’eau.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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