Les vieux… enfin, les seniors, disons les personnes plus agées…, on ne sait comment les définir, mais on ne parle que d’eux ! Le vieillissement de nos sociétés suscite de nombreuses études mettant en évidence les préoccupations, le potentiel, le challenge que représente ce phénomène.

Les tempes de l’humanité grisonnent. Et de plus en plus vite. Il est aujourd’hui impossible d’ignorer la place que les seniors occupent à tous les niveaux de la société. Nous entrons dans une période historique où les gens vivent plus vieux. La population comptera bientôt autant de gens de plus de 50 ans que de gens de moins de 50 ans. C’est ce qu’on appelle la « transition démographique ». Elle est considérée, selon l’ONU, comme un des grands défis du XXIe siècle. L’objectif ? Faire des papy et des mamy boomers, des happy boomers ! Chaque année, le 1er octobre, la Journée Internationale des personnes âgées, organisée à l’initiative de l’UNESCO, est là pour nous le rappeler.

D’ores et déjà, ces femmes et ces hommes, enfants du baby boom, représentent la première génération à vivre aussi longtemps. C’est également la première catégorie de gens âgés à vieillir en aussi bonne forme, la première aussi à revendiquer un rôle actif dans la société, la première enfin, à vouloir faire reconnaître ce « nouvel âge » qui commence avec la retraite et devient un temps possible pour de nouveaux projets.

Les seniors ont de l’avenir. N’oublions pas : ces personnes âgées sont des sixties qui ont vécu dans les sixties (ndlr, des soixantenaires qui ont eu leur jeunesse dans les années 60). C’était le temps des années rock, des cheveux longs, et de Salut les copains, le temps où l’on parlait de libération. De cette époque, Mai 68 est le point d’orgue. La génération 68 est aujourd’hui à la retraite. Elle vieillit. Mais elle a encore en tête cette petite musique des années 60 quand les Beatles chantaient un air qui rappelle de rester jeune… d’esprit. C’est la première fois qu’une génération se faisant vieille semble vouloir vivre une vieillesse autrement.

Quelles sont les conséquences de ce bouleversement sociétal? Quels sont les ressorts du vieillissement actif ? En quoi, « le bien vieillir » « de plus en plus vieux » va-t-il modifier en profondeur nos économies ? Quelles perspectives et quelle place demain pour les seniors ?

Une enquête menée par l’association « A Compétence Egale » montre un très net décalage de perception sur ce qu’est “être un senior”, selon qu’on est homme ou femme d’abord. Les hommes se considèrent majoritairement « seniors » à partir de 63 ans. Les femmes, à partir de 66 ans. Selon son âge aussi. Au total, à peine 39% des 55-67 ans se sentent appartenir à la catégorie des « seniors », 78% pour les 68-77 ans et 85% pour les 78 ans et plus1. Selon les pays, enfin, être vieux ou jeune ne recoupe pas les mêmes âges. En moyenne, les Européens pensent qu’on cesse d’être considéré comme un jeune à partir de 42 ans et l’on commence à être perçu comme une personne âgée au seuil des 64 ans. Pour un Suédois, on est jeune jusqu’à 37 ans. Les Grecs voient plus loin. La jeunesse va jusqu’à 50 ans.

Mais l’âge auquel on est définitivement un « vieux » de chez vieux, c’est 75 ans, s’accordent à penser les Français, au moment où les ennuis de santé et la fatigue se font sentir, limitant le dynamisme de la « senioritude ». A partir de cet âge, on ne parle plus vraiment de seniors, on évoque pudiquement les « personnes âgées » qui annonce pour certains l’entrée dans le grand âge, dans la dépendance.

Et voilà qu’un nouveau mot vient encore bousculer la terminologie : silver, en référence à la chevelure argentée. Le terme est plus valorisant que celui de vieux. Mais surtout, il reconnaît une classe d’âge dans ce qu’elle a de potentiel d’avenir. Une sorte de valeur refuge, en somme. L’économie de la silver génération s’est déjà attribuée un secteur, la « Silver Économie.» Le ministère déléguée aux personnes agées et à l’autonomie a même entériné ce terme en 2013 pour dénommer de façon positive et économique le nouveau marché qu’annonce l’actuel bouleversement démographique.

Le vieillissement est un défi majeur pour la plupart des pays développés. Personne ne s’en plaindra : le XXème siècle nous a fait le cadeau de la longévité. En un siècle, nous avons gagné 30 ans d’espérance de vie. Les familles comptent aujourd’hui jusqu’à cinq générations.
900 millions ! Telle est le nombre des personnes âgées dans le monde. Les plus de 60 ans représentent 11% de la population de la planète. Ils seront 21% en 2040. Et en 2050, événement inédit dans l’histoire, ils deviendront plus nombreux que les moins de 20 ans. Ce cadeau de la longévité a quelque chose d’ironique comme en témoigne le marché des ventes de couches au Japon. L’événement mérite d’être salué. En 2012, les ventes de couches culottes pour vieux ont dépassé celles des bébés !

La France, comme ses voisins européens, est confrontée à l’allongement de la vieillesse. Elle se situe dans le top ten de la longévité. Le nombre des seniors est en évolution constante et leur espérance de vie ne cesse d’augmenter de manière régulière. L’espérance de vie moyenne a dépassé les 80 ans depuis 2004. Les dernières projections de l’INSEE1 (Institut national de la statistique) tablent sur une augmentation de la longévité à 89 ans pour les femmes et à 84 ans pour les hommes. De 81 ans aujourd’hui, elle devrait atteindre 86 ans en 2050.

Si l’on place le seuil de la vieillesse à 50 ans, on compte alors 23,8 millions de « vieux ». Soit un Français sur trois. Entre 1950 et 2010, le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans a plus que doublé. En 2005, un Français sur cinq était âgé de plus de 60 ans. En 2012, la proportion baissait à un sur quatre. En 2035, elle tombera à un sur trois. Cela correspond à deux mois d’espérance de vie supplémentaire chaque année. Cette population des plus de 60 ans est passée de 25,8% (en 1990) à 31,5% en 2010 et sera de 35,6% en 2020. Les plus de 60 ans –14,5 millions de personnes aujourd’hui, soit 23% de la population – pourraient dépasser les 17 millions en 2020. A cette époque, la population se répartira en trois tiers, avec une proportion identique de moins de 30 ans, de 30-60 ans et de plus de 60 ans (op.cit.)

Un enfant sur cinq, dès aujourd’hui, pourra célébrer l’entrée dans l’année 2100 ! C’est l’Organisation Mondiale de la santé (OMS) qui l’affirme. Un quart des enfants nés aujourd’hui vivra centenaire. Si l’on considère la tranche la plus âgée, les plus de 75 ans devraient constituer 13,6 % de la population française (contre 8,5 % en 2007). En cinquante ans, la proportion de personnes de 75 ans et plus dans la population française aura plus que doublé ! Certains responsables politiques s’en inquiètent. Un ex-ministre délégué aux personnes âgées, Philippe Bas, croit bon d’évoquer le « tsunami démographique » tandis qu’une autre ex-ministre, Valérie Pécresse, parle de « fléau du vieillissement.»

Alors, la France transformée en hospice de vieillard ? Ces chiffres montrent bien que le vieillissement de la population est étendu et que la vieillesse recoupe des réalités et des perceptions relativement éparses. Dans L’âge de la vieillesse, le chercheur Patrice Bourdelais, montre que le regard et les représentations que la société pose sur la vieillesse est l’objet de révisions permanentes. Du temps de Montaigne, on était vieux à 30 ans. Avoir 75 ans aujourd’hui n’a pas la même signification qu’avoir 75 ans au début des années 50. Cela équivaut à 60 ans au début du baby boom. En tous les cas, le vieillissement ne se confond pas à la seule réalité de l’hospice. A l’heure actuelle, il y a dans l’hexagone plus de jeunes -18 ans (14 millions) que de + 65 ans (11 millions). 30% de la population a moins de 25 ans et 9% plus de 75 ans. Les jeunes demeurent donc plus nombreux. Bon signe, le vieillissement équilibré de la France se conjugue avec une natalité au dessus de la moyenne européenne. Par bonheur, les Français font plus d’enfants avec le taux de fécondité le plus haut de l’Union Européenne (presque 2,1 enfants par femme). Les + de 60 ans ne seront donc jamais majoritaires dans la société.


* Ce texte est issu d’un livre de la Collection « Place Publique », qui vient d’être publié aux Editions Yves Michel.

ISBN 978 2 36429 065 5

Format : 12 x 22 cm

272 pages

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

Catégorie(s)

EDITO, GENERATION

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