Le bonheur est à la mode. Tel est l’enseignement que le Planning stratégique de Kantar Media tire de l’analyse de la communication des marques sur l’année 2009.

Pas de doute. Les publicitaires et les annonceurs ont parfaitement compris que la crise économique qui a secoué la société française a provoqué de nouvelles interrogations sur le lien social. Dans un contexte de marché publicitaire relativement déprimé (soit +1,4% : 2ème pire année après 2000), avec une perte importante et continue d’annonceurs actifs (-4%), de nouvelles priorités de consommation apparaissent et ont remis en question les stratégies marketing & communication des marques »

Kantar Media, spécialiste de la veille et de l’analyse médias, identifie quatre tendances sociétales emblématiques des attentes actuelles de changement dans la société :

On voit ainsi émerger une évolution de la façon de consommer vers plus de transparence de la part des consommateurs. A cette exigence de transparence dans une société de consommation perçue comme trop opaque s’ajoute un besoin d’authenticité dans une société ressentie comme trop aseptisée. Cela se traduit par la valorisation d’un « parler vrai » plus émotionnel que symbolise au cinéma ou dans la littérature, le succès des Ch’tis, ou des films comme Séraphine avec Yolande Moreau.

Le besoin de fraternité et les valeurs de solidarité reprennent une force nouvelle dans un contexte difficile. « Le collectif, lié à un fort besoin d’intégration post-crise, redevient visible dans toutes les sphères de la société (fraternité et convivialité s’expriment à travers la multiplication des « Flash Mob », mais aussi avec le succès des concepts d’émissions et de séries TV qui valorisent la famille, le « tous ensemble ».

Cette valorisation du collectif est également liée à une prise de conscience environnementale dans une société menacée. « C’est le moment de changer », ainsi s’exprime la tendance, même si l’année 2009 est surtout marquée par une prise de conscience concrète de la difficulté à enclencher des changements, comme en témoigne la déception ressentie après le sommet de Copenhague.

Pour Françoise Hernaez Fourrier, Directrice du Planning Stratégique de Kantar Media, «Les marques et institutions se recentrent sur l’essentiel avec une certaine humilité. Elles sont principalement guidées par une réflexion sur la fonctionnalité des produits, la valeur ajoutée réelle des marques, et leur discours est souvent pensé à l’épreuve du collectif et du respect environnemental qui sont des incontournables».

Il ressort de ces études sectorielles menées en 2009 «une communication de crise plus humble, dont la recette est simple : simplifier positiver, crédibiliser, rapprocher pour contribuer à la recherche du bonheur« .

D’abord une tendance à simplifier.

Les campagnes se recentrent sur l’essentiel et le fonctionnel par le biais de campagnes sur l’achat malin. Des campagnes comparatives dans tous les univers, mais qui ne se limitent plus au simple prix et intègrent toutes les données pour un bon low cost « Ne prenez que le meilleur » pour Marques Repères de E. Leclerc ou « Arrêtez de banquer » chez Fortuneo. Enfin des campagnes démonstratives qui font la démonstration fonctionnelle des usages, qui vont des produits alimentaires de base « Un peu de sucre, beaucoup d’idées » (Beghin Say), à des produits high tech qui apportent facilité et plaisir « 16 façons de se simplifier la vie » de l’Iphone Apple ou « Tout simple et tout simplement génial » de Fiat 500C.

Les concepts sont de plus en plus « anti-grisaille ».
Il s’agit de positiver.

Cet optimisme est marqué par l’explosion de la couleur et des discours positifs comme en témoigne la campagne BMW « La joie est une énergie positive ». Cette tendance se traduit aussi par la valorisation d’un effet baby boom. On voit des bébés partout. Les « rollers babies » d’Evian (ci-contre photo) ont été une des campagnes les plus visionnées sur Internet. Des collections et des produits euphorisants créent l’envie en rupture avec la morosité ambiante Enfin, nombre de campagnes luttent contre l’a priori négatif : des campagnes pour les loisirs qui interpellent les consommateurs hésitants et balaient les objections. Exemple : Volkswagen qui initie une réflexion sur les meilleurs leviers psychologiques pour faciliter et positiver les gestes écologiques dans sa campagne virale « Fun Theory ».

Troisième tendance : l’importance accordée à l’idée de relégitimer en utilisant l’histoire, ou la nostalgie d’un âge d’or.

Cela prend la forme de campagnes sur la durée, de références esthétiques rétro.

La crédibilisation intervient par la mise en évidence de discours d’expertise prouvée et mesuré par la satisfaction client. C’est le retour en force des classiques blouses blanches dans l’hygiène beauté et l’entretien.

On remarque une nette politisation du discours institutionnel des marques à l’occasion de la crise – des campagnes de lobbying classiques comme celle d’E. Leclerc pour la libéralisation du marché du médicament ou de Free sur les télécommunications, mais aussi des campagnes sur les engagements concrets avec ancrage local.

Enfin se dégage une volonté de réhumaniser la marque en privilégiant un marketing de l’humilité, de la confiance.

Sont particulièrement mis en exergue la compréhension des « vrais gens », leur singularité, la reconnaissance des héros du quotidien qui se traduit aussi par une multiplication de portraits « en miroir » qui héroïsent les clients et les collaborateurs, une émergence de la figure du conso-décideur.

On aboutit parfois à une sorte de soumission dans l’univers bancaire ou des télécommunications qui nous montrent un consommateur intransigeant qui revendique sa propre expertise.

On note également une visibilité de la collectivité par l’affirmation de l’utilité collective de la marque (campagne sur la solidarité de Bouygues, ou de AG2R ou encore La Poste), par de nombreuses campagnes gouvernementales sur la santé et la solidarité sociale (grippe H1N1, travail, contraception, homosexualité, violence…).

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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