La biodiversité de la mer est bien plus riche que celle de la terre. La faune et la flore marines ont en effet développé une grande variété de stratégies de survie qui leur procure des propriétés particulières. Les algues représentent un formidable potentiel pour l’avenir.

La recherche biologique sous marine est très récente. Jusqu’au milieu des années 70, les scientifiques ont pensé que la biosphère se limitait à la surface de la planète. Or ll y a une foule de choses qui se passent sur l’eau et dans les fonds marins. La biodiversité de la mer est bien plus riche que celle de la terre.

Les quinze dernières années, à travers les campagnes scientifiques maritimes, et les travaux menés dans les stations biologiques du monde entier ont apporté nombre de connaissances qui montrent, comme l’indique Gilles Barnathan, un chercheur de l’Isomer, que « la mer est une immense chimiothèque.

Les fonds de l’arctique, explorés régulièrement par les chercheurs du Marbio, un centre de biologie marine du nord de la Norvège, forment, par exemple, un écosystème unique qui recèle de nombreux composés pouvant être transformés en médicaments. Recenser la biodiversité des océans est l’objectif que se sont fixés 2000 chercheurs de 80 pays dans le cadre du projet CoML. 38 000 espèces marines ont déjà été décrites dans cette base de données.

Et ce n’est pas fini.

A l’issue du recensement, prévue pour 2010, le nombre d’espèces répertoriées pourrait atteindre un million. Pour l’instant, l’officine de l’océan est encore peu garnie. Plus de 20 molécules actives «candidates », en sont aux stades finaux des expérimentations cliniques sur l’homme. Seulement une molécule sur dix mille en moyenne devient un nouveau médicament. Les recherches durent en général entre 12 et 15 ans.

Mais le potentiel est incommensurable. Les moyens donnés à la recherche pour étudier les archées, les bactéries, les algues et autres planctons marins représentent l’un des premiers défis à relever.
Les algues pourraient bien être les grandes actrices du futur. Elles participent à de grands phénomènes : production d’oxygène, chaîne alimentaire, biomasse, énergie, climat, dépollution.
Les algues produisent plus des trois quart de tout l’oxygène de la planète et contiennent 85 % d’eau.

Au fil de l’évolution, les algues (30 à 40 000 espèces) ont montré leur étonnante capacité d’adaptation. Elles ont su résister aux agressions contre les virus, les bactéries ou les champignons, Les espèces ont donc développé des systèmes sophistiqués d’adaptation au changement des conditions environnementales et beaucoup de nouvelles molécules sont découvertes que les scientifiques sont en train de décrypter.

Les algues concentrent tous les minéraux et oligo-éléments de la mer. Dès 2 700 ans avant JC, la médecine chinoise prescrit des algues pour soigner les affections rhumatismales. Elles fabriquent des acides gras proches de ceux qu’on trouve dans le corps humain, lorsqu’ elles sont agressées par des microbes. Elles peuvent devenir d’ici quelques années de « véritables usines à médicaments » : anticoagulants, antiinflammatoires, antiseptiques, anticancéreux, antistress

Ce sont les plantes qui ont le moins évolué en 3 milliards d’années. L’alginate est le principal principe actif utilisé. On l’extrait d’une famille d’algues brunes, les laminaires. Se présentant sous forme de sel, l’alginate est un polysaccharide qui possède des propriétés gélifiantes : pâte dentifrice, gaviscon, laxatif, moulage Certaines algues ont des propriétés comparables à la DHEA, la fameuse hormone de jouvence du Professeur Etienne-Emile Baulieu. Retenons en outre que les algues fluidifient le sang, qu’elles ont un rôle antiinflammatoire. Ce ne sont que quelques-unes de leurs propriétés bienfaisantes!

Les algues présentent un potentiel antibactérien, antiviral et anticancéreux.

Leurs qualités nutritives sont non moins exceptionnelles grâce aux sels minéraux et aux oligo-éléments qu’elles contiennent. Elles pourraient en effet devenir l’aliment du futur. Les algues fraîches sont très riches en enzymes. Elles offrent un apport important d’éléments vitaux dans notre alimentation. Enfin, le calcium qu’elles contiennent est bien assimilable par l’organisme. Leurs vertus gastronomiques et diététiques ne sont plus à démontrer. Les vieillards d’Okinawa sont là pour le prouver. Leur longévité et leur bonne santé font rêver les Occidentaux. La plupart des populations qui consomment peu de produits laitiers mais plus de produits de la mer souffrent rarement d’ostéoporose, de fractures spontanées, de problèmes de tassement de disques vertébraux. En règle générale, les gens qui consomment le plus de produits de la mer sont ceux qui ont la durée de vie la plus longue. Peut-être parce que les ressources biologiques des océans sont aux sources mêmes de la vie !

D’aucuns l’affirment : la révolution de l’énergie des plantes se trouve dans la mer. Cette énergie révolutionnaire, c’est l’huile d’algue. A l’instar des espèces oléagineuses, les algues ont la propriété de contenir jusqu’à 60% de leur masse en lipides. La force des algues : leur quantité. La productivité des végétaux marins est donc une carte maîtresse pour répondre à la menace que font peser les agro-carburants sur la biodiversité.

Les algues sont capables de fournir de l’énergie sous 3 formes : biocarburant, biogaz et hydrogène. Leur exploitation est simple à mettre en œuvre. Il suffit, après collecte, de les concentrer et de les presser dans une centrifugeuse pour en extraire l’huile. Produire du carburant vert à partir d’algues microscopiques, tel est l’objectif du projet Shamash coordonné par l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et automatique).

Sept équipes de recherche et un partenaire industriel travaillent sur le projet, dont Jean-Paul Cadoret, chef du laboratoire de physiologie et biotechnologie des algues de l’Ifremer. Pour ce dernier, ces microalgues qui, par photosynthèse, transforment l’énergie solaire en énergie chimique, offre de gros avantages : « Elles n’entrent pas en conflit avec l’approvisionnement alimentaire comme c’est le cas pour le blé, le maïs ou le colza. Elles se cultivent facilement en bassin ou dans les bioréacteurs avec de l’eau de mer. Cela évite de puiser dans les réserves d’eau douce. Elles prolifèrent rapidement et peuvent fournir une récolte en continu. Leur rendement de production d’huile à l’hectare est bien supérieur à celui de toutes les autres plantes. Ce sont des machines à avaler le CO2. Elles le captent pour restituer de l’oxygène ». Vingt fois plus abondantes que les plantes terrestres, les microalgues peuvent fournir 25 000 litres d’huile par hectare, quand le colza n’en produit que 1 500 litres, le tournesol, 950, et le soja, 446. La consommation annuelle mondiale de carburant pourrait être assurée si les bassins d’algues étaient déployés sur 400 000 hectares (4000 km2), soit un tiers de l’Ile de France. Elles sont aujourd’hui présentées comme une alternative énergétique au pétrole, pouvant produire l’équivalent d’un quart des carburants fossiles. À l’heure actuelle, le litre de carburant d’algue coûte plus cher que le pétrole. Mais plusieurs éléments permettent d’espérer, à terme, une bien meilleure rentabilité. D’ici à 2010, les premiers litres d’essence d’algues feront peut-être rouler vos voitures.

En outre, les algues jouent un rôle de dépolluant, en résorbant phosphates et nitrates en excès dans la mer! Cet eldorado du phytoplancton connaît pourtant des difficultés. La cartographie spatiale des océans observe une désertification des micro-algues. La superficie de cette « désertification » marine, visible en taches plus sombres sur la planisphère a connu, lors de ces dernières années, une expansion de 15%. Les océanologues et climatologues pensent qu’elle est causée par la température des eaux de surface.

Plus la température de l’eau de mer croît, moins l’activité de la photosynthèse est forte et moins naturellement le CO2 est soluble dans l’eau. Plus, les couches océaniques de surface qui profitent de la lumière du soleil sont chaudes, moins elles se mélangent aux eaux des profondeurs qui elles sont froides, comme on l’a vu précédemment. Or, cet apport d’eaux froides est absolument nécessaire à la croissance du phytoplancton

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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