Une baisse du chômage fin juillet. Et c’est tout le gouvernement qui s’en félicite. Pas si vite! En regardant les chiffres, il n’y a pas de quoi se réjouir

C’est l’histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein. En août, le gouvernement et la majorité derrière lui ont applaudi à la baisse de 0,5% du chômage, fin juillet, par rapport à fin juin. Vive la reprise! Mais les chiffres officiels révèlent une autre réalité que celle des communiqués ministériels.

D’abord, cette légère amélioration ne concerne que les chômeurs de catégorie A, à savoir ceux qui n’ont aucun emploi et sont tenus de procéder à une recherche active. On notera toutefois que, sur un an, le nombre de ces chômeurs a encore progressé de 5,4%, ce qui montre que la situation de l’emploi a continué de se dégrader sur l’année écoulée bien qu’on parle de reprise depuis le début 2010.

Mais surtout, en juillet par rapport à juin, les statistiques révèlent que la précarité continue de gagner du terrain. Le nombre de personnes en recherche d’emploi, mais en activité réduite (temps partiel) depuis peu de temps, – catégorie B – a augmenté de 0,5% en un mois, et de 7,3% en un an. Quant au nombre de personnes en recherche d’emploi et en activité réduite depuis longtemps – catégorie C – , il a aussi progressé : 2,3% en un mois, 19,4% en un an. La France des petits boulots et des temps partiels subis grandit. Comment parler dans ces conditions de reprise, si le nombre de personnes que l’économie laisse au bord de la route augmente ?

L’interprétation des statistiques de la Direction de la recherche, des études et des statistiques des ministères de l’Economie et du Travail, aboutit à des conclusions qui ne sont pas forcément aussi optimistes que ne l’exprime Christine Lagarde, ministre de l’Economie, qui conclut à « la stabilisation globale du marché du travail depuis le début de l’année ».

En y regardant de plus près, on voit que la dérive s’est poursuivie au premier semestre : +6,9% de chômeurs de catégorie A en plus en un an, d’après les statistiques du gouvernement. Les six premiers mois de 2010 ont donc été plus meurtriers pour l’emploi que les six premiers mois de 2009. Et si le chômage des jeunes (moins de 25 ans) s’est stabilisé, celui des seniors (plus de 50 ans) a encore progressé, de 20% environ sur un an. La première moitié de 2010 aura été plus sombre pour l’emploi que la première moitié de 2009, qui fut pourtant l’année la plus noire depuis l’après-guerre selon Pôle emploi, avec un solde négatif de 256.000 postes détruits dans l’année.

En juillet, concernant le chômage des jeunes et celui des seniors, la tendance du semestre s’est poursuivie : une légère amélioration pour les jeunes, une dégradation continue pour les seniors. Ce qui oblige le gouvernement à annoncer de nouvelles dispositions d’aide spécifique à l’embauche pour ces derniers.

Telle est la réalité du marché du travail. Comment pourrait-il en être autrement, puisque la croissance actuelle n’est pas suffisamment vigoureuse pour être créatrice d’emplois ? Lorsqu’on s’intéresse à la précarité, les chiffres parlent d’eux-mêmes : fin juillet, le nombre des demandeurs d’emploi des catégories A, B et C cumulées a augmenté de 0,2% en un mois, et de 8,2% en un an. Mais déjà, les observateurs annoncent un dégonflement de cette pseudo reprise. Sombres prévisions pour les précaires. Qui voit le verre à moitié plein ?

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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