La conscience et le pardon semblent des mots inconnus dans le vocabulaire des autorités serbes de Bosnie. Et l’hommage aux victimes, d’après eux, serait une grave erreur! Bref, la partie serbe de la présidence collégiale bosniaque refuse d’assumer la responsabilité de certains de ses dirigeants dans la tragédie de la guerre en Bosnie entre 1992 et 1995. Depuis peu, le Royaume-Uni prépare un projet de résolution onusienne pour marquer le 20e anniversaire du massacre de Srebrenica, en juillet 1995 et se pencher sur l’échec des Nations unies qui furent incapables d’éviter ce génocide. Une initiative que rejette la partie serbe de Bosnie qui semble avoir du mal à assumer les leçons de l’histoire et reconnaître les rendus de la justice. Au contraire, nombreux parmi eux considèrent le bourreau de Srebrenica, le général Mladic (photo) comme leur héros.

Dans cette résolution du Conseil de sécurité, dont «le contenu exact est toujours en discussions avec les partenaires, “il est prévu que soit rendu hommage aux victimes du génocide et aux personnes de tous bords qui ont souffert durant la guerre», a expliqué un porte-parole de la mission britannique auprès des Nations unies. « C’est aussi une occasion pour la communauté internationale de se pencher sur les leçons à tirer de l’un des plus sombres moments de l’histoire onusienne et de réaffirmer notre détermination à empêcher les génocides, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre», poursuit-il. Le projet de résolution devrait être soumis au vote durant la première semaine de juillet, en amont des commémorations organisées par la Bosnie au mémorial de Srebrenica le 11 juillet.

A l’occasion d’une commémoration à New York le 1er juillet 2015, l’Organisation des Nations Unies a ainsi officialisé cette démarche. « Nous sommes ici pour nous souvenir des milliers de personnes qui ont perdu la vie lors du génocide à Srebrenica il y a 20 ans. Nous sommes ici pour dire aux familles et à leurs amis que nous partageons leur douleur », a déclaré le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, lors de la cérémonie au siège de l’ONU. « Le meurtre atroce d’hommes et d’adolescents musulmans à Srebrenica pèsera pour toujours sur la conscience collective de la communauté internationale », a-t-il ajouté. « Les Nations Unies qui ont été fondées pour empêcher que de tels crimes se répètent, a échoué à protéger les vies de civils innocents cherchant une protection contre le conflit et la violence autour d’eux. Le secrétariat de l’ONU, le Conseil de sécurité et les Etats membres partagent cette responsabilité. » Le chef de l’ONU a rappelé qu’il s’était rendu en Bosnie-Herzégovine en 2012 et qu’il se souviendrait pour toujours des larmes et de la douleur des mères et des êtres chers de ceux qui ont été tués pour ce qu’ils étaient. « Ici, aujourd’hui, je présente à nouveau mes plus sincères condoléances aux familles des victimes », a-t-il dit. M. Ban a ajouté que lors de sa visite il avait également vu ce que la Bosnie était devenue depuis ces jours sombres et comment les différentes communautés s’efforçaient de restaurer la confiance entre elles pour une réconciliation complète.

Depuis le massacre de Srebrenica, l’ONU a également renforcé son travail de prévention, a-t-il souligné. Les Conseillers spéciaux sur la prévention du génocide et la responsabilité de protéger lancent ainsi des alertes quand la situation dans certains pays les inquiète. « Il est clair que nous devons faire plus », a conclu le secrétaire général, notant que la communauté internationale n’assumait pas ses responsabilités à l’égard de trop de gens dans le besoin, qu’il s’agisse par exemple de la Syrie ou du Soudan du Sud.

Chez les Serbes de Bosnie dont nombre de dirigeants ont été déférés devant le Tribunal Pénal International, cette démarche est mal prise. Au lieu de reconnaître la faute et d’emprunter le chemin du pardon, l’autorité de la Républika Srpska s’enfoncent dans le déni. Le ton se fait même menaçant. Un représentant serbe de la présidence collégiale de Bosnie demandé lundi à l’Onu de renoncer à l’adoption d’une résolution sur le génocide de Srebrenica, en 1995, affirmant qu’elle diviserait davantage les communautés locales et déstabiliserait le pays. « Je souhaite vous avertir que la situation actuelle est mauvaise et vous inviter à comprendre que l’adoption de cette résolution ne serait pas une bonne chose pour la stabilité en Bosnie », a affirmé Mladen Ivanic dans une lettre adressée au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, et aux pays membres du Conseil de sécurité. Mladen Ivanic, qui est actuellement le président en exercice, explique que les trois membres de la présidence (serbe, croate, musulman) ne sont pas parvenus à un consensus sur la résolution et que « près de la moitié de la population de la Bosnie » s’y oppose.

« Les Serbes de Bosnie sont convaincus que cette résolution est anti-serbe parce qu’elle n’évoque aucunement les victimes serbes dans la région de Srebrenica (…) Son éventuelle adoption ne produira aucun effet positif, mais elle va en revanche diviser davantage la société bosnienne », a-t-il ajouté. Le président de l’entité serbe de Bosnie, Milorad Dodik, a récemment appelé la Russie à user de son veto au Conseil de sécurité pour empêcher l’adoption de la résolution. Aussitôt dit, aussitôt fait. La Russie a décidé de s’opposer au projet de résolution britannique et a indiqué qu’elle présenterait son propre texte. Pour les Russes, ce texte insiste trop lourdement sur les méfaits des Serbes de Bosnie. Selon une sources AFP, le projet russe ne mentionnerait même pas le nom de Srebrenica et insisterait plutôt sur les accords de Dayton qui ont mis fin à la guerre en Bosnie.
D’une manière générale les dirigeants des Serbes de Bosnie et leurs alliés durant la guerre de 92-95 refusent d’accepter la qualification de génocide pour désigner ce massacre. Pire, ils exercent une sorte de chantage qui heurte les consciences.

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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