A l’occasion de la journée internationale des Roms du 8 avril 2019, et suite à la multiplication d’actes de violence dirigés ces derniers jours à l’égard de personnes roms ou perçues comme telles soupçonnées à tort de vols d’enfants, nos organisations rappellent la nécessité de lutter contre le racisme à leur égard.

Depuis plusieurs semaines en région parisienne (Bondy, Saint-Denis, Montreuil, Montfermeil, Bobigny, …) à la suite d’une rumeur de kidnappings d’enfants prétendument organisés par des Roms et Roumains, et propagée rapidement sur les réseaux sociaux, les appels au lynchage se sont multipliés et ont donné lieu à des agressions dont certaines ont été filmées et diffusées. Entre le 16 mars et le 5 avril, pas moins de 36 agressions racistes (menaces, insultes, agressions physiques, dégradation de biens, …) ont été recensées[1].

Ces atteintes à l’intégrité physique et morale de personnes sur la base de leur appartenance réelle ou supposée à la minorité rom sont une menace pour les droits humains. Elles peuvent avoir des effets sur la santé physique et psychique des personnes agressées, mais aussi de leur entourage. Des familles entières vivent dans la terreur et n’osent plus sortir de leur lieu de vie. Des enfants ont été témoins de cette violence et ont cessé d’aller à l’école. Des personnes ont perdu leur travail.

 

Ces récents événements, la violence avec laquelle ils se sont multipliés, la rapidité de leur diffusion sur Internet s’ancrent dans un rejet important des personnes roms ou perçues comme telles, comme le rapporte annuellement la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme. Ainsi, en 2017, 52% des personnes interviewées pensaient que les Roms sont des voleurs et des délinquants et 65% pensaient que les Roms exploitent très souvent des enfants[2]. En outre, si toutes les personnes roms ne vivent pas dans la misère, leur image reste liée à ces situations de grande précarité. Ces préjugés, aussi observés pour d’autres populations non tsiganes, entraînent du rejet et des discriminations.

 

Au-delà d’un rejet de leurs différences culturelles perçues comme menace à l’ordre public, cet antitsiganisme se manifeste parfois par l’assimilation de ces populations à un « groupe inférieur » pouvant aller jusqu’au déni de leur humanité.

Nos organisations souhaitent rappeler qu’au-delà d’une réponse pénale ferme face à des actes de violence aussi odieux,  les  pouvoirs publics ont une responsabilité prépondérante  dans la lutte contre les préjugés qui les sous-tendent : ils doivent à la fois prévenir ces actes par des actions répétées de sensibilisation, mais aussi se montrer eux-mêmes exemplaires. Les nombreux articles de presse démentant la rumeur, les communiqués des Préfectures d’Île-de-France, les prises de parole de certains élus locaux réfutant les accusations de kidnapping, les mobilisations d’associations et militants à Saint-Denis, à Stains ou à Ivry-sur-Seine en soutien aux Roms ne suffisent pas à contrebalancer la faiblesse de la réponse gouvernementale, qui semble centrer le débat sur la lutte contre les « fake news ».

Nos organisations souhaitent rappeler avec force la nécessité de tout mettre en œuvre pour lutter contre l’antitsiganisme, et ce au même titre que toutes les autres formes de racisme.

Aide et Action – Amnesty International France – Fédération des acteurs de la solidarité – La Cimade – UNICEF France –

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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