Vivre dans un habitat collectif, écologique, solidaire, dans le respect de l’environnement, à moindre coût : une utopie ? Pas sûr. L’association Pour un Habitat Éco-construit et Solidaire Parisien (Hesp’ère 21e) tente de passer de la théorie à la pratique. Le principe : créer une couveuse de montage de projets d’habitats partagés en région parisienne. Explication.

Objectif : aider des personnes à habiter la capitale et ses environs dans des immeubles éco-conçus en favorisant une réelle mixité sociale. Comment faire ? Rassembler des compétences et partenaires pour définir les conditions de montage de projets et, simultanément, organiser des groupes de particuliers désirant investir dans ces projets sur le principe de l’autopromotion. Initier, accompagner et réaliser un ou des projets d’immeubles exemplaires en termes de développement durable à Paris et la petite couronne, en enfin, promouvoir l’éco-rénovation et l’éco-construction. C’est en tout cas la feuille de route de l’association Pour un Habitat Éco-construit et Solidaire Parisien (Hesp’ère 21) née le 24 avril 2007. Une jeune structure avec des grandes idées d’avenir.

Différentes trajectoires pour un but multiple

« Nous avons besoin de grands projets ayant pour but d’éveiller le plus grand nombre aux problèmes environnementaux et sociaux auxquels nous sommes tous confrontés. Seule une prise de conscience collective provoquera le changement vers un développement durable ». Dixit le photographe Yann Arthus-Bertrand. La phrase a inspiré les membres de Hesp’ère 21. Créée sur l’impulsion d’un groupe de discussion, sur Internet, « coopérative éco-construction », les fondateurs de l’association proposent une alternative économique et écologique au sempiternel clivage logement social/logement privé.

Ses fondateurs, investis soit dans le social soit dans l’environnement, veulent maintenant « habiter en cohérence avec leurs idées », et mettent au pot commun leur dynamisme, compétences et réseaux complémentaires. Martine Scrive, enseignante à la faculté en communication et muséologie scientifique a longtemps évolué parmi des architectes, des spécialistes en maîtrise d’ouvrage ainsi que des décideurs. Aujourd’hui, elle est aussi enseignante de Qi qong et thérapeute-masseur. « Martine veut soigner le corps humain et le corps urbain ! », souligne Raphaële Heliot, architecte engagée dans l’écologie. Cette dernière, pédagogue et formatrice en sensibilisation écologique, fait partie du réseau « bâtir sain » et souhaite un cadre de vie plus respectueux de l’environnement.

Lors d’une exposition à la cité des sciences, Martine rencontre Virginie Lemaistre, docteur en écologie et muséologue environnemental. Elle aussi exprime le désir d’habiter dans un environnement sain, du chauffage au matériau sans oublier le voisinage. José Oria, travailleur social en lien avec les bailleurs HLM s’intéresse aux énergies, au gaspillage, il vient du réseau “Sortir du nucléaire”. Il aimerait se réapproprier le “comment vivre ensemble”, mutualiser les moyens, les équipements, retrouver le goût du collectif. Quant à Guiseppe, ancien pompier actuellement agent de sécurité incendie, il s’intéresse également à la construction écologique et à l’habitat collectif.

Tous ensemble vont mettre l’accent sur un cahier des charges d’élaboration du processus plutôt que sur un cahier des charges concernant le produit (afin d’éviter toutes rigidités). Cette élaboration devrait, d’emblée, impliquer les partenaires sociaux pour une réelle diversité sociale. En tant que couveuse de projets, HESP’ère 21 a pour ambition de faciliter le montage de projet pour sa réalisation et son fonctionnement. En définissant les cadres juridiques, en proposant des lieux à investir, en nouant des contacts avec des bailleurs sociaux, des investisseurs, des responsables de la politique de la ville…

Pour présenter leur projet et fédérer de nouvelles énergies, l’équipe au complet était réunie le 9 juin dernier à la maison des associations du XVIIIe arrondissement de Paris devant une quarantaine de participants. Si ces derniers accréditent l’intérêt du projet sur le plan financier, car cela permettrait d’obtenir des conditions foncières au prix promoteur, ainsi que d’associer les pouvoirs publics, en travaillant, par exemple, sur des immeubles préemptés par la mairie et à réhabiliter, de nombreuses autres interrogations demeurent….

Des questions et des idées…

Comment inventer un cahier des charges du processus d’élaboration qui implique les futurs habitants et de la mixité sociale ? L’idée est de ne pas produire des cahiers des charges d’immeubles avec des normes écologiques qui seront plus ou moins bien respectées. Afin de faciliter ce genre de projets et le rendre fiable, les participants proposent de solliciter les bailleurs comme partenaires sociaux, financier et juridique. Autre idée : s’inspirer de la SNI, groupe de sociétés immobilières de la Caisse des Dépôts déjà impliquée dans les projets de développement durable et partenaire d’IPPIDDAS à Strasbourg (voir encadré). A étudier également : la possibilité d’élaborer des partenariats avec le DAL (Droit Au Logement), le ministère de la Crise du logement… et faire intervenir des artisans, voire même de l’auto-construction encadrée sur de petite échelles, pour la réhabilitation et l’immobilier à construire.

Comment habiter et investir le lieu en créant du collectif ? Réponse : en partageant les parties communes (jardin, laverie…), en mixant du logement locatif et des propriétés, pour une mixité sociale et générationnelle, en acceptant des activités libérales (qui ont, elles aussi, des difficultés à trouver des locaux)…

Comment garantir le maintien des valeurs initiales dans le temps de l’usage et des générations ? Comment organiser les successions en évitant la spéculation ? Plusieurs solutions sont à envisager et étudier. Celle de la maison du Val à Meudon (voir encadré) est retenue. Il s’agit de créer un système de cooptation pour les nouveaux arrivants, ou bien un système de propriété collective avec règlement d’un loyer pour couvrir les charges foncières (voir l’exemple de CLIP(1)).

Des ateliers de travail

A la fin de la journée, des ateliers de travail ont été mis en place notamment pour contacter d’autres structures réfléchissant à toutes ces questions, en particulier juridiques. Certaines lois devraient évoluer, selon les membres de Hesp’ère 21, il serait intéressant d’organiser un débat sur le terrain politique pour faire évoluer les lois (mise en cause de la loi Chalandon de 1971 qui mit fin au système de location coopérative permettant, au fil des loyers, de devenir actionnaire).

Ces travaux étant de longues haleines et en attendant d’obtenir des financements, qui permettraient – entre autres – la création d’un ou plusieurs postes salariés, fédérer les initiatives semble indispensable. Mais aussi : mettre en place des outils de communication, efficaces ainsi que de cibler des exemples de réalisations écologiques et y emmener les élus (technique éprouvée avec succès par les amis de l’Ecozac(2)). Sans oublier : travailler sur une charte de “base” d’habitation par projet adaptable ensuite aux envies et moyens du groupe intéressé.

En attendant la concrétisation des projets, l’association HESP’ère 21 met tout en œuvre pour avancer avec méthodologie. Ainsi, elle a organisé une rencontre avec les Amis de l’Ecozac et IPPIDDAS, une association de particuliers de Strasbourg, engagés dans un montage totalement inédit avec une société anonyme immobilière d’HLM. L’occasion de présenter d’autres projets émergents et différents types de montage mis en place ainsi que les répercussions de ces modes de construction/financement en termes d’usage et de locaux mutualisés. Et si vivre autrement n’était plus une utopie ?

(1) Le CLIP est une initiative unique en France qui se propose de mettre en place un autre rapport à l’habitat et à la propriété. Créé sur la base d’une initiative similaire en Allemagne – le Miethäuser Syndikat -, le Clip présente une structure juridique particulière garante des objectifs qu’il s’est fixé. Sans prétendre être LA solution, ce projet répond à des besoins spécifiques en matière de logement en offrant une plus grande autonomisation des individus ainsi que l’ouverture d’un champ des possibles en matière d’organisation architecturale et sociale. Il s’agit donc d’une réponse intelligente, qualitative et responsabilisante à la crise du logement.

Site : http://clip.ouvaton.org/

(2) ECOZAC : Association parisienne qui s’est fixée pour objectif principal d’inciter les décideurs locaux à créer dans la ZAC de Rungis (13eme arrondissement de Paris) le premier exemple français de quartier véritablement respectueux de l’environnement à l’image du quartier de BedZed à Londres et de Vauban à Fribourg.

Site : http://quotidiendurable.com/news/ecozac




Des précédents qui fonctionnent…

 “L’Ancêtre” : La Maison du val à Meudon, immeuble autogéré de Meudon (construit en 1980), abrite 10 familles. Il possède sur les 1 600 m2 de surface construite, 20 % de locaux collectifs (salles de réunions, de fêtes, foyer musique et jeux, studio temporaire). Les partants sont remplacés par cooptation pour conserver l’esprit convivial.

 L’AP Habicoop (Association de Préfiguration d’une Coopérative d’Habitants dans le Grand Lyon) propose à ses coopérateurs des logements dont les loyers reflètent le coût réel d’exploitation de l’immeuble dans lequel ils vivent.
L’avantage d’une coopérative est la double qualité : les habitants sont parties prenantes dès l’origine du projet dont ils détiennent des parts sociales et participent aux décisions, aux axes de développement. Ils sont aussi bénéficiaires des services offerts par celle-ci.

Leur projet-pilote, le village vertical, se construit avec un groupe de onze ménages.

A noter que cette formule de propriété collective non lucrative est en plein essor en Suisse (8 % du parc immobilier et jusqu’à 20 % à Zurich), en Norvège (15 % du parc immobilier et 40 % à Oslo), au Québec.

 HEP (Habitations Écologiques Partagées à Lille). Leur credo : “Habiter plus intelligemment sur des principes de respect mutuel et de partage“. HEP est un exemple d’autoconstruction avec pour point fort des coûts réduits. Autre caractéristique : une grande préoccupation écologique avec des matériaux de construction naturels, une économie d’énergie par la conception (orientation, principes bioclimatiques, isolation), de l’énergie renouvelable (solaire, éolien).

 IPPIDDAS (Initiative pour un projet immobilier du développement durable dans l’agglomération strabourgeoise). À l’instar du projet lillois, cette initiative propose des locaux d’usage partagé (foyer, laverie, chambre d’hôte), mais aussi la possibilité de louer des bureaux, locaux commerciaux ou associatifs. Tout cela réalisé selon des critères de Haute Qualité Environnementale (immeuble sans chauffage – dénommé habitat passif), énergies renouvelables, structure bois, compost, récupération d’eau de pluie, auto-partage…