On ne peut dissocier le projet économique de l’ESS (s’associer pour entreprendre) de son projet social (justice et démocratie). On ne peut donc réduire son rôle, son poids et sa contribution aux seuls indicateurs économiques de la richesse, au nombre d’entreprises qu’elle a créée et au nombre d’emplois générés (plus de 10 % du PIB mondial). On ne peut non plus évaluer l’évolution économique des états et des entreprises au seul jugement des agences de notation sociale et financière. Les tenants d’une « autre économie » sont conduits à se poser la question d’un changement des règles du jeu qui remette l’homme au coeur des projets.

Un nouveau modèle d’indicateur ?*

Cela fait plusieurs années que des chercheurs, des philosophes, des économistes nous invitent à revoir de fond en comble nos représentations de l’économie et de la valeur. Ils militent pour que la mesure de la croissance et de la richesse d’un pays inclut le bien-être des individus et non plus seulement la production.
« Les activités socialement utiles se trouvent dévalorisées par nos systèmes comptables » affirme Joseph Stiglitz qui, au sein d’une équipe d’experts, a proposé que le PIB ne soit plus l’indicateur clé, mais qu’il soit corrigé. « Pour mieux mesurer la richesse d’un pays, suggère-t-il, il conviendrait de prendre en compte des indicateurs de qualité de vie et de développement durable ». Les experts suggèrent d’intégrer dans la comptabilité publique la mesure d’activités non marchandes, comme celle d’une mère au foyer, et de s’intéresser à la façon dont les gens « dépensent leur temps » . A l’occasion de son cinquantième anniversaire, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a lancé un indice baptisé « vivre mieux » constituant une traduction concrète du rapport Stiglitz. Cet outil vise à mesurer le bien-être et le progrès. L’indice permet aux citoyens de comparer leur bien-être au sein de 34 pays sur la base de 11 critères – logement ; revenu ; travail ; communauté ; éducation ; environnement ; gouvernance ; santé ; bien-être subjectif ; sécurité ; et conciliation travail et vie privée – en leur offrant la possibilité d’accorder un poids variable à chacune de ces dimensions.

Bien que ces indicateurs traduisent des avancées profondes susceptibles d’apporter de nouvelles richesses, ils ne rencontrent qu’un succès d’estime mais pas de changement concret. « Ces nouvelles richesses n’arrivent pas à inspirer les décideurs et dirigeants». Le travail de recherche et de création développé par des chercheurs et des praticiens n’a jusqu’ici pas produit d’effets tangibles, faute de rencontrer une volonté politique qui les applique. Une fois publiés ces rapports sont mis dans les tiroirs. Il est paradoxal de vanter les mérites du PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement (en proclamant la valorisation de ces nouveaux indicateurs et dans le même temps de rester accroché à la glorification du Cac et à la comptabilité purement financière. Quand ces recherches débouchent sur du concret, elles sont intégrées comme des solutions provisoires mais pas structurantes.

L’objectif est clairement d’organiser concrètement l’intégration de ces mesures, sur le plan international afin qu’elles déterminent de nouvelles régulations économiques, sociales et environnementales . Le pilotage sociétal du futur est à ces conditions.

* Cette réflexion est tirée du livre: « Sociétale Démocratie: un nouvel horizon », publié aux Editions Lignes de Repères

Au sujet de Yan de Kerorguen

Ethnologue de formation et ancien rédacteur en chef de La Tribune, Yan de Kerorguen est actuellement rédacteur en chef du site Place-Publique.fr et chroniqueur économique au magazine The Good Life. Il est auteur d’une quinzaine d’ouvrages de prospective citoyenne et co-fondateur de Initiatives Citoyens en Europe (ICE).

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ECONOMIE

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